Je n’ai jamais lu le roman de Johanna Spyri. Ayant grandi en Italie, j’ai eu droit à une resucée italienne de l’histoire, transposée dans le Val d’Aoste, mais j’étais alors une petite citadine qui savait à peine distinguer une vache d’un mouton et tout ce lyrisme rustique m’a laissée assez froide. Plus tard, j’ai croisé sur mon chemin, à différentes occasions, le dessin animé japonais et la chansonnette yodelisante, qui ne m’ont pas donné davantage envie d’approfondir le sujet. C’est dire que je ne m’attendais pas à boire du petit-lait (de chèvre) en emmenant, il y a quelques jours, une de mes petites-filles à Maienfeld, dans les Grisons, visiter «le village de Heidi».
Agréable surprise, l’accent est mis sur une reconstitution soignée et pas trop idéalisée de la vie en milieu alpestre vers la fin du XIXe siècle, avec juste ce qu’il faut de présence des personnages humains et animaux du livre pour accrocher l’imagination des enfants. Juste ce qu’il faut de technique, aussi, pour créer une atmosphère, par exemple la simulation d’un orage dans la montagne. Bonne destination pour une virée en famille, en ces temps de repli forcé à l’intérieur de nos frontières.
Le soir à l’hôtel nous avons regardé sur l’ordinateur le film (helvético-allemand) d’Alain Gsponer, sorti à fin 2015. C’est, sauf erreur de ma part, le dernier en date inspiré de l’oeuvre de Johanna Spyri, et il est remarquable, pas seulement du fait de l’excellente prestation des deux acteurs principaux, Anuk Steffen (Heidi) et Bruno Ganz (le grand-père).
Le scénario de Petra Volpe (future réalisatrice de L’Ordre divin), délesté de toute rhétorique patriotique et religieuse, fait ressortir avec finesse l’originalité d’une histoire pour enfants dont la protagoniste est une fillette douée, ce qui était rare à l’époque de la sortie du livre (1880) et l’est resté bien longtemps après. Il met aussi en évidence le personnage de la grand-mère de Klara (l’amie allemande de Heidi), une femme sensible et intelligente, la seule qui comprend le heimweh de Heidi exilée à Francfort et l’encourage à suivre sa voie sans se plier aux conventions. Quant à l’amour de Heidi pour la montagne, il est présenté comme une passion forte et pas comme un cliché helvétique trop sucré.
J’ignore dans quelle mesure le traitement fait dans le film de ces deux thèmes – la valorisation des filles et des femmes et la puissance salvatrice d’un environnement sain – s’écarte des intentions de l’autrice du livre, mais peu importe. Il faut croire que le texte écrit par Johanna Spyri il y a 140 ans contenait le potentiel de réinterprétation qui caractérise les grandes œuvres. Aujourd’hui, on défile dans la rue pour revendiquer l’égalité des sexes et pour redonner à la nature, par-delà la vision romantique du passé, son statut de milieu vital. Heidi a de l’avenir.
Heidi est un grand chef d’œuvre de la littérature mondiale.
Si vous aviez des a priori au sujet de ce livre c’est parce qu’une certaine intelligentsia féministe l’a pris en grippe en s’imaginant qu’il s’agissait d’un manifeste pour une conception rétrograde de la femme au foyer et un patriotisme archi conservateur. Il n’y a rien de cela dans le livre original, mais c’est vrai qu’au XXe siècle on a fait toutes sortes d’adaptation et resucées en tous genres et même des nouvelles versions complètement inventées, qui, elles, étaient empreintes de cette stupide idéologie d’école ménagère ou de Frauenverein.
Ce n’est quand même pas la faute de Johanna Spyri si après sa mort toutes sortes de gens animés d’excellentes intentions ont travesti son oeuvre. On espère qu’à l’avenir on ne va pas nous servir des versions féministes LGBT de Heidi, ce qui serait exactement la même dérive, juste au nom d’une idéologie opposée a celle qui a déjà dénaturé cette oeuvre dans un autres sens.
Il faut garder le texte original et ne rien y ajouter ni retrancher. Pourquoi ce livre est-il devenu un succès mondial et a été traduit même en chinois et en japonais? C’est qu’il est universel et parle à tout le monde. C’est parce que c’est un chef d’œuvre, comme Moby Dyck ou Ivanohé.
Ça fait plaisir d’apprendre que le film est une très bonne adaptation, sans fausse note. Ca me donne envie d’aller le voir.
Bon, je reconnais très volontiers que je n’ai pas vu de film ou lu de livre concernant les aventures de Heidi.
C’est surement très bien, c’est très probablement un joli conte, une belle histoire, tout ce qu’on veut: bref j’ai la notion que c’est globalement parfait pour les gens qui aiment et particulièrement les enfants.
Je ne me suis jamais penché sur la question parce que d’une part ça ne fait pas vraiment partie de notre imaginaire local, et d’autre part parce que je déteste la montagne, les pentes enneigées, les edelweiss et les vaches Milka. Bon, c’est comme ça (je me sens tout aussi peu concerné par Dorothy, son lion peureux et son homme en fer blanc, et sans l’ombre de d’un remord culturel).
Mais bon Dieu, qu’est ce que la “lutte LGBTQplusplusettoutça”, l’écologie inexistante à l’époque, la lutte des minorités et autres symphonies fantastiques contemporaines pourraient avoir à faire avec cette pauvre Heidi qui ne demandait qu’une chose, à savoir gambader peinarde en jupette dans ses alpages?
Et même si on fait une adptation d’un Heidiki sur les pentes du mont Fuji avant son exil à Kyoto d’ailleurs.
Bref, je m’interrroge sur l’appropriation possible du passé pour cause d’indigence culturelle.
PDO
Voilà qui me donne envie et de relire le livre et de visionner le film. Merci pour ces cadeaux. Si, en plus, ils me permettent à nouveau de sourire à la vie, alors que la brute amerlocaine tend à m’ôter le souffle, ce sera un double merci.
Nous sommes d’accord: Trump est un personnage répugnant. D’une inculture et d’une brutalité inouie. N’importe qui ferait un président plus acceptable que lui. Même Biden, qui a l’air d’un gentil monsieur, mais dont personne ne s’attend à ce qu’il fasse des flammes. Or par les temps qui courent, quelqu’un de volontaire et de charismatique serait bienvenu. Mais bon, on fera avec ce qu’on nous propose.
Ceci dit – j’aime bien me faire l’avocat du diable, je trouve ça assez sain – il m’arrive de voir des commentaires au sujet de Trump qui me font dire qu’il ne faut pas non plus lui faire procès systématique à propos de certaines positions et déclarations, critiques qui sont à la limite (amplement dépassée) de la mauvaise foi.
Bon, cette intervent, c’est mes “two cents” aussi…
PDO