«Bats ta femme tous les soirs en rentrant (ou tous les matins avant de sortir, les versions varient). Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait.». Cet adage d’origine géographique incertaine, il n’y a pas si longtemps on pouvait se tailler un joli succès en le dégainant entre la poire et le fromage, même en présence de dames obligées de sourire pour ne pas avoir l’air de pisse-vinaigre, dans des pays bien éloignés de ceux auxquels on reproche leurs mœurs barbares.
Après l’augmentation de la violence domestique qui s’est produite un peu partout pendant le confinement, on a reparlé de la violence contre les femmes à l’occasion du récent procès de Thonon-les- Bains. Cinq hommes ont agressé cinq femmes, à Genève, à la sortie d’une boîte de nuit, parce que l’une d’elles a refusé les avances de l’un d’entre eux. Les dégâts physiques et psychologiques sont énormes, la justice a sévi, encore heureux. De nombreuses voix intelligentes ont rappelé que ce genre de crimes n’ont rien d’accidentel, ils ont programmés, dans un régime social où les hommes sont encouragés depuis toujours à se considérer comme les propriétaires du corps des femmes. Il faut cependant creuser encore plus profond dans la structure du système patriarcal.
J’y pensais en relisant quelques Maigret, certains soirs de compote cérébrale. Eh oui, j’adore relire les Maigret, avec ce commissaire fumeur et alcoolisé, cette densité humaine à couper au couteau, ce Paris et cette France d’antan, comme de vieilles pantoufles. Et Madame Maigret, dont certains exégètes se plaisent à souligner qu’elle a, elle aussi, une personnalité. C’est possible. Mais ce qui me frappe à chaque relecture (c’est-à- dire, environ une fois toutes les décennies), c’est la hiérarchie entre les deux membres du couple.
Madame Maigret ne prend jamais d’initiatives, qu’il s’agisse d’aller en vacances, au cinéma ou au restaurant. Madame Maigret tient un repas prêt, qui sera ou ne sera pas mangé. Madame Maigret ne souffle mot quand son mari lui enjoint de renoncer à ses programmes pour se plier aux siens. Et le pire, c’est que, comme dirait l’autre, il faut imaginer Madame Maigret heureuse, parce que ça fait des millénaires qu’on lui explique que pour une femme, le bonheur, c’est d’être une seconde aimée. C’était vers le milieu du siècle dernier, autant dire hier.
Vous allez me demander, qu’est-ce que cela a à voir avec l’agression de Genève, alors que Maigret est le moins violent des maris, et que de surcroît Madame Maigret ne va jamais en boîte ? Je vous réponds : tout ! Absolument tout ! L’origine est la même, la hiérarchisation des sexes. L’infériorisation subreptice des femmes dans l’ordre social et familial, qui persiste sous le vernis égalitaire actuel, et leur infériorisation brutale par l’agression physique sont deux aspects d’un même phénomène.
Et le vrai problème, savez-vous, c’est que même moi, j’adore relire les Maigret.
pauvre homme que je suis ayant raté trois relations amoureuses, je vous trouve tout à fait sympathique ! finalement vous aimez Maigret car vous savez encore être amoureuse, non ? le couple comme machine infernale à faire évoluer les êtres ! tout de bon .
Ce qu’il y a de plus sidérant dans ce genre de propos, tellement convenus, c’est que l’idée même que des milliards de femmes ont vécu heureuses depuis des millénaires dans un statut d’épouses soumises, comme madame Maigret, ne vous fait pas réfléchir une seule seconde. D’ailleurs vous ne vous en réjouissez pas pour elles. Simplement vous rejetez cette condition humaine comme contraire à votre doxa a priori. Je trouve ça sidérant. Pour vous, vivre en femme libérée, féministe, frustrée et névrosée serait méritoire. Vivre épanouie en femme au foyer serait un crime, et un scandale. Une vision du monde purement idéologique de ressentiment absolu.
Bien sûr, beaucoup de femmes ont aussi vécu malheureuses, contraintes contre leur gré dans un statut de servante d’un mari désagréable, qui les battait, les trompait et ne leur donnait pas de tendresse. Bien sûr il y a peut-être aussi des femmes modernes et féministes heureuses, aussi difficile à croire que cela soit. Il ne s’agit pas de prétendre qu’un seul modèle de vie soit acceptable et permette toujours l’épanouissement de l’individu. Bien sûr que non. Mais ce qui est biaisé dans votre vision des choses c’est le refus d’accepter le désir, réel, de certaines femmes de vivre une existence qui à vos yeux se soixante huitarde est répréhensible: la vie d’épouse et mère au foyer. Eh oui! Pour certaines c’est un veritable désir, hélas contrarié par la société moderne dominée par l’idéologie de l’émancipation obligatoire.
Il me semble que vous faites l’impasse, à cause de vos œillères idéologiques, sur les affects légitimes d’une bonne moitié de l’humanité. Le malheur des hommes qui espéraient trouver une épouse dévouée et s’aperçoivent avec douleur qu’ils sont tombés sur une féministe, ça aussi, c’est une situation humaine qui vous échappe. Car elle ne colle pas avec vos préjugés a priori.
Permettez moi de plaider pour le libre choix. Que l’on laisse donc les gens libres de vivre selon leurs désirs profonds. Que la société se montre bienveillante envers les mères au foyer, qui sont actuellement considérées comme des ennemies publiques n’ayant pas droit à l’existence. Et que l’on ait le droit aussi d’être une féministe emm… quiquineuse qui affichera sur la porte de la cuisine un papier détaillant le tournus des tâches ménagères. Si leurs compagnons aiment ce mode de vie, grand bien leur fasse.
Bien le bonjour, Simenon,
Qui répond appond. Je vais donc m’en tenir à cet adage qui, en outre, me fait le plaisir de rimer avec Simenon et cocon (manque une lettre). Tout de même, vous m’avez fait grand plaisir en me rappelant l’atmosphère des années 1950 et la nausée qu’elle suscitait chez moi.
Bien l’au revoir, Simenon.
La nausée des un(e)s peut être le bonheur des autres et réciproquement.
Le problème existe quand une société impose un modèle unique à tout le monde.
Dans les années 50 c’était un modèle de vie familiale avec la femme soumise, comme dans “Mon premier livre” où nous avons tous deux, probablememt, appris à lire et écrire: “Papa travaille et maman tricote.” Il n’y avait pas de place pour un modèle alternatif. C’est ce qui était étouffant pour vous et vous donnait la nausée. Je vous comprends.
Aujourd’hui, voyez vous, la société nous impose un autre modèle unique, également étouffant et donnant la même nausée, mais à une autre partie de la population: le modèle féminsite obligatoire, dans lequel la famille traditionnelle est littéralement persécutée et prétéritée de toutes les manières, fiscalement, économiquement, moralement sans compter le poids moral insupportable du conformisme. C’est la même situation que dans les années 50, juste inversée.
Je n’ai pas plaidé pour le retour aux années 50. Si vous m’avez bien lu vous auriez vu que je plaide pour le libre choix, sans pression morale insupportable et oppressive d’une partie de la société sur l’autre.
Ne pourrions nous pas tomber d’accord là dessus?
Qui opprime qui depuis des millénaires? Qui n’a aucun libre choix depuis des millénaires? Et puis, sans vouloir vous offenser, je ne tiens pas à continuer une discussion déjà menée des milliers de fois depuis des décennies. Bien à vous.
Madame Silvia, pourquoi les femmes en ecrasante majorité ne commentent pas votre blog? Est-ce le résultat de votre tri ou leur désintérêt?
Vous avez tout à fait raison, pas seulement pour cette chronique qui touche aux relations femmes/hommes mais en général, les femmes n’interviennent qu’assez rarement. En tout cas je ne crois pas avoir bloqué un seul commentaire de femme depuisi que je tiens ce blog, ce n’est pas moi qui trie. Je ne sais pas quoi en penser. Je vais y réfléchir et ce sera peut-être l’objet d’une prochaine chronique!
Merci pour la réflexion. Lier Mme Maigret et l’actualité sur la violence physique envers les femmes pour créer un continuum de l’inégalité homme-femmes est très pertinent.
Le commentaire de Simenon ne peut par contre que consterner. Avancer le contre-argument du choix des femmes qui désirent être soumises mène à une aporie. Dans un système fait par des hommes pour des hommes, comment vérifier que la femme a fait le choix d’être subordonnée à l’homme? Très complexe et difficile à prouver. Il faudrait poser la questions aux intéressées: aux femmes. Ce qui, il faut se l’avouer, a rarement été fait. De plus, la réponse caricaturale et émotionnelle de son auteur ne fait que capoter toute son argumentation. Les clichés, un ton geignard et les insultes semi-voilées n’ont jamais nourri aucun débat.
Comment pouvez-vous affirmer que nous vivons dans un système ”fait par les hommes pour les hommes”? Vous ne pouvez pas le prouver. C’est une théorie contestée.
La féministe Esther Vilar a écrit des ouvrages retentissants pour prouver qu’au contraire cette société décrite comme patriarcale a été édifiée par les femmes pour les femmes et qu’elle leur donne le beau rôle.
Je sais bien que cet auteur (je refuse de me soumettre à l’orthographe ”épicène”) est elle-même contestée. C’est ainsi, dans une société libre toutes les opinions sont contestées et contestables.
Très juste. C’est effectivement une théorie contestée. Tout comme le ressenti de vivre dans une société induisant une (je cite) “pression morale insupportable et oppressive d’une partie de la société sur l’autre”.
J’ai l’impression que vous vous trompez de regard. Sommes-nous en train de faire une étude empirique sociologique, anthropologique et historique sur la question de savoir comment les personnes ressentent une forme de pression sociale promouvant la femme reniant le modèle familiale traditionnel? Non, nos sommes en train de commenter un article intéressant sur un blog. Avec toutes les généralisations et ressentis qui vont avec.
J’utilise peut-être des généralisations et des théories contestées basées sur mes propres avis et expériences. Vous argumentez avec vos ressentis. Ne jetons donc la pierre à personne …
Belle conclusion!
Maintenant, chacun a le droit d’avoir son avis.
Mais tous ces sauriens rabachant leurs poncifs éculés, en variant leur pseudo pour essayer de noyer le poisson et faire croire qu’il s’agit d’avis multiples (et même si on reconnait leur style), j’assimile ça à de la manipulation, dont sont coresponsables, autant le Temps que les blogueurs qui les publient.
Le Temps ne se mêle pas des commentaires que les blogueurs et blogueuses décident de publier ou pas. Quant à moi, je publie rarement les commentaires de ce correspondant, qui sont souvent impubliables, mais de temps en temps j’en publie un pour que mes lectrices et lecteurs prennent connaissance du genre d’opinions qui peuvent circuler.
Mais vous ne comprenez pas que ce sont les mêmes qui beuglent à la liberté d’expression et qui, chiant dans leur froc, s’expriment sous pseudos???????
Je passe ce commentaire malgré la vulgarité de l’expression utilisée, mais j’avertis mes aimables correspondant.e.s que maintenant je ferme le débat, je ne passe plus rien sur ce sujet.
Je vais vous dire pourquoi l’inspecteur Maigret a une femme qui obéit et ne se plaint jamais, et que tous deux semblent satisfaits. Au milieu du siècle dernier, c’est vers l’âge de dix-huit ou vingt ans que l’on expliquait au grand garçon et à la charmante fille qu’ils étaient maintenant adultes, que le moment était venu d’adopter le comportement exemplaire de papa et maman. Les pauvres gamins qui ne se sentaient pas pressés d’apprendre à nouer une cravate et ajuster leur chapeau ne faisaient pas honneur à la famille. Aujourd’hui heureusement, les jeunes ont en majorité compris qu’être adulte n’est pas un cadeau qui tombe comme une récompense encourageante avant de n’avoir encore rien réalisé, et ils peuvent se sentir bien plus seul de devoir compter sur soi-même, autrement dit devenir responsable dans ses actes. Mais je pense que ce parcours plus difficile qu’il y a soixante ans est bien plus heureux, s’il est réussi il permet de faire de vrais choix, ceux de tous les jours qui n’ont rien d’extraordinaire à notre époque que l’on veut croire « moins bien qu’avant », quand c’était si merveilleux pour les jeunes couples d’éduquer leurs enfants sages, évitant de se rendre ridicules en participant à des activités ludiques, soucieux de tenir chacun le rôle appris de père ou mère. Vous parlez de transmissions de génération en génération où rien n’aurait évolué positivement ? Ce ne sont pas des codes qui parviendront à créer de nouveaux adultes comme vous le souhaiteriez. De nouvelles lois sont bienvenues pour contraindre les immatures, mais ce ne sont pas des règles qui vont à elles seules assurer une meilleure éducation à tous : c’est ce que l’on croyait « au milieu du siècle dernier », quand on enseignait par l’exemple, souvent de force. Je suis persuadé que malgré le désordre actuel, nous nous dirigeons vers une vie meilleure de partage et de respect mutuel. Grandir ne s’apprend pas, cela se passe bien ou mal en rapport de l’environnement dans l’enfance et l’adolescence. Simenon a su mieux faire pour Maigret que pour lui, il lui a donné une femme mais pas d’enfants.
“De nombreuses voix intelligentes ont rappelé que ce genre de crimes n’ont rien d’accidentel, ils ont programmés, dans un régime social où les hommes sont encouragés depuis toujours à se considérer comme les propriétaires du corps des femmes.”
J’ai lu cette phrase et tout à coup j’en ai assez.
Assez d’être considéré comme un salaud en puissance du seul fait de mon sexe, alors la mauvaise blague qui commence votre billet ne m’a jamais arraché un sourire.
Assez qu’on nous explique que les vrais salauds qui ont agressé des femmes ce soir là représentent tous les hommes qui agressent toutes les femmes.
Assez qu’on explique le comportement des racailles par des considérations fumeuses sur la “société patriarcale”.
Assez qu’on considère la violence comme l’expression de la masculinité, ces lâches ne sont justement pas des hommes.
Assez qu’on attaque toujours pour ses soi-disant discriminations la civilisation occidentale actuelle qui est la plus égalitaire de toute l’histoire humaine et qu’on ne veuille jamais voir les problèmes importés avec certaines populations. Et au fait, quelles sont les origines des agresseurs ?
Monsieur Michel, vous en revenez au sujet de fond, donc je passe votre commentaire. Votre réaction d’homme exaspéré mérite d’être entendue, même si elle pourrait donner lieu à une mise au point qui ne rentre pas dans les modestes limites des commentaires à ce blog. Mais en ce qui concerne les origines des agresseurs, vous êtes mal informé. Malheureusement, la violence contre les femmes est une réalité dans toutes les cultures et dans toutes les classes sociales. Souvenez-vous de l’assassinat de Marie Trintignant…..
@DOMINIC
En lisant vos réflexions pleines de finesse, tout machiste que je sois, je me prends à me remémorer des souvenirs. Je pense à mes parents qui étaient un jeune couple dans les années 60. Je me remémore mon père, qui n’était jamais sans cravate, même à la maison. Ma mère qui tenait aux bons usages de son éducation, certes très traditionnelle, tout en étant très originale. Je me rappelle les disputes qu’ils pouvaient avoir, leurs conflits et aussi leurs difficultés. Mais jamais je n’avais l’impression que ces contraintes d’éducation les brimaient ni ne les faisaient souffrir. Cela allait de soi pour eux. Ils ont tenté de nous inculquer les mêmes règles, plutôt strictes. Par exemple quand c’est devenu la mode des cheveux longs pour les garçons, il n’en était pas question pour moi, ni mes frères. J’en ai été très contrarié, car j’aurais préféré faire comme les autres. Mais rétrospectivement, un demi siècle plus tard je leur suis reconnaissant de ne pas avoir cédé sur ce point. Pour autant, je ne blâme pas les parents qui ont permis à leurs garçons d’avoir les cheveux longs. Quand je repense à cette époque de ma vie, avec nostalgie car c’était une enfance heureuse, je m’aperçois que la problématique féministe n’entrait absolument pas dans les préoccupations de ma mère. Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Certes les féministes existaient, mais ma mère les considérait comme des femmes inintéressantes et assez ridicules. Nous avions une amie de la famille qui était journaliste et même une journaliste très connue et très “in”. En tant que journaliste “in” elle vivait bien entendu dans un milieu dans lequel ce genre d’idées avaient cours. Cela n’empêchait pas l’amitié avec ma mère, mais je dois avouer que ma mère trouvait cette femme un peu “bêcheuse”, c’était son expression. Et pourtant, si je repense à cette journaliste, elle avait des idées très conservatrices en réalité, tout en se donnant pour très avancée. C’était l’ambiance de l’époque. Ma mère ne s’est jamais sentie concernée par la cause féministe, qui repose apparemment sur le sentiment d’une injustice. Il lui arrivait de regretter que ses parents ne se soient pas souciés de lui faire faire des études suivies. Elle trouvait vexantes les remarques des “bêcheuses” qui trouvaient le moyen de lui faire remarquer ce fait. En réalité ma mère vivait dans une conception d’une autre époque. Pour elle, le rôle d’une femme était d’être élégante et d’avoir un savoir faire mondain, même de briller, ce qui devait servir à aider la carrière de son mari. La chose qu’elle reprochait le plus à mon père, souvent amérement, c’était d’avoir choisi une carrière dans laqelle, elle, ne pouvait pas jouer le rôle pour lequelle elle se sentait faite et avait d’indéniables dispositions. Ma mère aurait probablement souhaité que mon père soit diplomate ou quelque chose comme ça. Donc, effectivement, elle était ce dont parle Mme Ricci-Lempen pour Mme Maigret, c’est à dire qu’elle concevait son rôle comme celui d’une “seconde aimée”, même si à part ça elle n’avait rien de commun avec Mme Maigret.
Je parle à l’imparfait parce que j’évoque un passé assez lointain déjà. Mais je devrais parler au présent car grâce à Dieu mes parents sont toujours vivants et en bonne santé, octogénaires se rapprochant de la nonantaine.
Toutes les subversions mentales qui ont suivi mai 68 ne m’ont absolument pas touché, car en 1968 du point de vue de ma structure mentale tout était déjà fixé par l’éducation reçue et n’a plus jamais varié. Je l’avoue.
Je ne dis pas qu’il n’y a pas eu des aspects positifs à tous ces changements, mais je pense qu’on aurait pu s’en passer. Les choses auraient évolué de toute façon, il était inutile que cela se fasse en prenant ce tour agressif, irritant, désagréable. Je ne vois pas en quoi il y a eu un “progrès”. Au contraire beaucoup de choses me paraissent hypocrites. Par exemple la femme moderne et féministe en général est devenue exigeante et revendicatrice, mais en même temps elle continue à chercher un homme pourvu d’une bonne situation et si possible d’argent pour lui apporter la sécurité matérielle. Il y a là quelque chose qui ne colle pas.
Enfin dernier point. C’est certain que ma mère a considéré la maternité comme une vocation et elle y a consacré sa vie. On peut le dire ainsi. J’ai donc eu le privilège d’être élevé par une mère au foyer, très présente. Je ne voudrais pas blâmer les femmes qui ont choisi de sacrifier leur famille à la réussite de leur carrière, mais il me semble que les enfants qui ont grandi dans ces familles là en ont toujours souffert. C’est un fait. Ou plus exactement, moi-même, j’ai eu une situation enviable par rapport à ceux qui n’ont pas eu une mère aussi présente pour s’occuper d’eux.
C’est pourquoi je pense qu’on ne devrait pas revenir sur le droit des femmes à faire carrière, mais on devrait valoriser plus le choix de celles qui désirent sincèrement s’accomplir comme mamans. Car il y en a aussi et j’en ai assez qu’elles soient méprisées.
La violence des hommes vis à vis des femmes, et celles des femmes vis à vis des hommes aussi tant qu’à faire.
J’avais lu un extrait de thèse de doctorat (par une doctorante, horrible traitresse) dont j’aurais dû garder le lien. Mais pour ceux qui se contentent d’avoir Google pour ami, je peux préciser que cela émanait de l’université McGill, 2019 ou 2018…
Elle s’était de fait penché sur les violences dans le cadre du couple.
Et de fait, les violences physiques étaient majoritairement le fait d’hommes (un peu comme en France) où on comptabilise 130 meurtres de femmes perpétrés par des hommes, contre 30 meurtres d’hommes perpétrés par des femmes. Comme exemple de violence ultime. Juste pour la proportionalité, qu’on retrouve grosso-modo dans le cadre des violences moins létales.
Mais l’intérêt de cette étude était que la dite doctorante avait aussi comptabilisé les “cruautés et violences mentales” sous diverses formes, en considérant qu’elles étaient la porte ouverte à une “mort ou souffrance” psychologique, et consistaient dans des cas les plus extrêmes à une incitation conséquente à la violence physique, voire menaient au meurtre.
Et devinez quoi: les femmes étaient incroyablement gagnantes et majoritaires dans cet exercice. Carrément médaille d’or à n’importe quel championnat du genre (haha).
L’histoire ne dit pas si la jeune dame a obtenu son doctorat dans cette très prestigieuse et très féministe institution. J’ai l’intuition que ce n’est pas le cas, non pour la qualité de l”étude, mais en raison de l’innacceptabilité morale des résultats. Pour certaines s’entend.
Ceci dit, pour avoir abordé ce travail sous cet angle, elle mérite déjà tout mon respect pour son courage. Cette filles a des cou… oh pardon: des ovaires.
Ceci dit, qu’une seule femme ou/et un homme soient assasinés, c’est déjà largement suffisant. Pour les unes comme pour les autres. J’ai toujours un petit doute sur l’humanisme et la moralité des comptables de ce genre de cas.
PDO
@ Simenon
J’ai aimé lire l’histoire de votre famille que vous donnez avec sincérité et recul. Vous ne m’apparaissez pas du tout comme étant « machiste », les machistes aiment aussi leur mère mais ne sont pas capables de comprendre les femmes pour les aimer vraiment. Ils savent rouler les mécaniques, mais sont souvent de grands enfants égocentriques.
Je ne pense pas qu’il y ait de si profondes scissions comme vous les voyez entre les femmes de 68, celles des années cinquante, et les actuelles. Les vraies qualités de votre mère sont encore celles que toute femme, au fond d’elle-même, souhaiterait posséder, et là je ne parle pas des règles d’éducation de l’époque mais de ce qu’elle vous a transmis de sa personne. Nous ne sommes pas, comme je l’ai exprimé dans mon commentaire, constitués entièrement par des règles, celles-ci ne devraient rester que des garde-fous. Dans mon enfance, la seule règle était qu’il n’y en avait aucune. J’étais libre de tout, même de ne pas exister, à défaut qu’on puisse être fier ou déçu de moi pour quelque chose. Et pourtant, je ne me suis pas perdu en devenant un voyou, ni ai manqué l’école bien que ma mère me laissait imiter sa signature dans le carnet, ou me donnait facilement le billet « Il a été malade ». Ma liberté, triste quelque part, m’a fait rencontrer des personnes du pire au meilleur. Et vous savez ce que je pense ? C’est le meilleur dont j’avais besoin, comme tout enfant, qui a réussi à m’atteindre, et le mauvais je l’ai rejeté. Je n’avais que peu d’informations pour prévenir, me protéger, sinon ce que j’entendais de mes camarades dont je savais ce que leurs parents attendaient d’eux. J’étais un enfant qui rêvait d’être sage (pour quelqu’un) et qui faisait toutes les bêtises qu’il voulait, rêvait de sécurité et prenait tous les risques. J’étais assez seul de n’être « pas comme les autres », et même seul sans ceux qui étaient « comme moi ». C’était ma victoire de pouvoir exister « sans personne ». À treize ans je forçais les serrures et faisais mes cambriolages, filais sur la nouvelle autoroute sur une moto sans plaques, toujours seul, y compris pour en rire après. Et tant d’autres aventures mémorables qui me tombaient dessus comme l’orage ou le soleil. Je n’ai jamais été puni ni félicité, je ne me suis jamais « fait prendre » pour quelque chose. J’aurais peur pour les enfants qui choisiraient le même parcours, et ne saurais dire « comment j’ai fait » pour ne pas être une fois abîmé. Une bonne étoile ?..
Je regrette que l’on fasse aujourd’hui le procès d’une époque contre une autre, que les féministes de 2020 plaignent les féministes de 1965 qui leur ont offert le bikini qu’elles portent aujourd’hui, que les anciennes mères n’étaient que des bonnes heureuses dans les bras d’un mari tout-puissant, et tous ces clichés déprimants qui illustrent les cours du savoir vivre, déjà offerts à l’école pour les tout-petits à qui l’on enseigne le « respect » de leurs copines qui plus tard choisiront leur sexe. Dans toutes les époques il y a eu du bon, du très bon, aujourd’hui aussi. Et si le meilleur était de laisser prendre, sans devoir imposer sans cesse des notions de « bon choix ». Comme moi dans mon enfance, mais quand même pas aussi large !
Moralité de cet oiseux débat: vive le célibat, qui offre tous les avantages du mariage sans devoir en subir les inconvénients.
Nous sommes d’accord. Le débat n’est pas oiseux, mais concernant le fond du problème, de fait, les mouvements de célibataires (MGTOW, WGTOW et autres) font de plus en plus d’adeptes. Et à raison. C’est un peu le retour de baton au féminisme ambiant.
PDO
A l’attention de Silvia Ricci
Si vous composez un épisode de votre blog en réponse à l’excellente question de M. Hervé de Rham (pourquoi les femmes, en grande majorité, ne se manifestent pas dans votre blog), je vais tenter de vous expliquer la raison principale pour laquelle j’ai voulu au départ participer à la présente discussion pour finir par renoncer.
La nausée, que j’évoquais dans ma première réponse à Simenon, a été essentielle. Elle est violemment revenue d’un coup à la lecture de Simenon (dont, d’ailleurs, je me demande s’il ne s’exprime pas de cette manière juste pour le plaisir de provoquer. En faveur de cette hypothèse, les divers pseudos dont il s’affuble, si je ne me trompe).
Je vais vous conter deux anecdotes très typiques de mon quotidien de l’époque. Première anecdote : je suis une fan de cinéma. Lors de la sortie du Guépard de Visconti, j’ai voulu assister à la vo, à15h, dans un cinéma lausannois qui a disparu depuis. J’étais seule dans la salle. Arrive un type qui s’assoit droit à côté de moi et enfile sa main dans ma culotte. Je ne dis rien et change de place. Il me suit et rebelote. Après trois ou quatre répétitions, je sors de la salle et demande au caissier d’intervenir pour ma défense. Il me regarde et dit : « Si j’étais vous, je serais plutôt ravie de plaire aux hommes. » J’ai quitté le cinéma après 10 minutes de film. C’est un classique du genre et il m’a fallu des années pour avoir le courage de découvrir le Guépard de Visconti et son génie. Là, il n’y a pas que la nausée. Il y a aussi la rage de constater le pouvoir d’une société très sale sur mon envie de beauté et de génie.
Deuxième anecdote. J’ai quelque 25 ans, passe souvent des vacances en Sicile, chez des amis dont l’un des fils me propose une affaire. Acheter une demi-douzaine d’hectares de terrain en bordure de mer et aménager un camping. Il nous fallait vingt mille francs que ce copain n’avait pas. J’avais un oncle millionnaire (décédé depuis) et lui demande de me prêter cet argent. Réponse : « Marie-toi et je parlerai avec ton mari. » L’affaire ne s’est jamais faite, bien sûr. Dommage car le coin sicilien en question est ensuite devenu le must du tourisme méditerranéen. Mon oncle était suisse allemand. A la question « Quel est le pays le plus machiste, l’Italie ou la Suisse ? la réponse est : la Suisse bien évidemment.
La nausée. Je la subissais tous les jours à cette époque. Au point de me dire : « Vivement la vieillesse car j’aurai la paix. » Et c’est vrai. J’ai aujourd’hui une paix magnifique et ne veux pas revenir sur ces histoires qui ont fini par faire de moi une féministe parfois enragée, parfois débordante de colère mais aussi usée par la lenteur des évolutions.
D’habitude, je participe à votre blog depuis que je l’ai découvert en été 2019. Si peu d’autres femmes y participent, elles ont des raisons dont je me doute en partie mais que je serais ravie de voir analysées par votre plume.
Moi aussi j’ai un peu la nausée et du coup j’arrête de passer tous les commentaires masculins sur cette chronique. Messieurs, je vous ai laissés abondamment vous exprimer, au plaisir de vous retrouver pour une prochaine chronique!
Bonjour Madame Lempen,
J’ai le plaisir de découvrir aujourd’hui votre blog, et par un chemin des plus significatifs: c’est l’amorce d’une relecture du Deuxième Sexe qui m’a amenée à rechercher la traduction de “Tota mulier in utero”, et de tomber sur un de vos articles.
J’apprécie la sincérité de votre plume qui, il me semble, traduit superbement et en toute honnêteté le désarroi partagé par tant de femmes face à ce simple constat: “j’adore relire tel livre”, “j’adore revoir tel film” – eh oui, malgré tout le reste. J’ai dix-huit ans, je lis beaucoup de chroniques, suis des créateurs de contenu sur les réseaux sociaux, mais un si bête et innocent constat, je ne l’avais jamais lu nulle part. Cela peut paraître très futile, mais peut-être qu’il faut en avoir déjà éprouvé la saveur légère de tristesse et de confusion, pour comprendre vraiment. Sans doute, je suis une sentimentale, mais il en est ainsi: je suis convaincue que ces petites choses là ont de l’importance. Et comprendre également, qu’on apprécierait pouvoir parler sans se faire accaparer toute la place … Je vous souhaite bien du courage face à l’assommante bêtise professée par certains. Mais avant tout, je vous remercie, vous, pour votre parole simple et touchante.