Un duce pour les déchets

– Bonjour, excusez-moi, pourriez-vous me renseigner sur la déchetterie la plus proche, et sur ses horaires ?

Le type me regarde comme si j’étais une Martienne. Pourtant, c’est bien ici, le bureau de zone de l’AMA, Azienda Municipale Ambiente, l’organisme chargé du traitement des déchets à Rome. Il y fait frais et ça ne pue pas, ce qui rend le séjour dans ce local nettement plus agréable que dans les rues du quartier, où les bennes n’ont pas été vidées depuis plus d’une semaine, par 35 degrés à l’ombre (et les bennes sont loin d’être toutes à l’ombre). Afin qu’il ne me soupçonne pas de chercher un prétexte pour y élire domicile, ni de vouloir organiser moi-même le débarras des matériaux immondes qui désormais gisent sur les trottoirs en ce lundi 29 juillet, je m’explique.

– Je suis en train de vider un appartement, j’ai des objets encombrants à évacuer.

– Vous êtes une personne privée ? Vous ne voulez pas y aller avec une camionnette, hein ?

– Non, non, avec une Panda.

Il soupire et m’explique l’itinéraire. Ce n’est pas si loin, et les horaires sont agréables, ça ouvre déjà à sept heures du matin, avec le frais. Ouf.

– Mais il vaut mieux téléphoner avant. Des fois (j’interprète à sa voix légèrement hésitante: le plus souvent), il n’y a plus de place et on ne vous laisse pas entrer.

– Ah. Et vous pouvez me donner le numéro ?

Le numéro, le numéro, il doit bien l’avoir quelque part. Le voilà. Bon prince, il le compose lui-même.

– En ce moment ça ne répond pas. Enfin, je vous laisse voir.

Les perspectives s’assombrissent. Un peu abattue, je me dirige vers la porte. Puis, quand même, je me retourne.

– Et sauriez-vous me dire pourquoi vos camions ne passent plus depuis au moins huit jours ?

– Ce n’est pas notre faute, c’est la faute des politiques. Toutes les décharges sont pleines, et ils ne nous disent pas où aller. Moi, je serais pour que le chauve revienne, lui au moins il saurait les faire marcher droit.

Contrairement à Mussolini, il faut le préciser, Salvini a encore le crâne bien garni. Pour combien de temps ?

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

Une réponse à “Un duce pour les déchets

  1. Ce reportage est d’une telle richesse… Il justifierait que Le Temps vous rembourse le voyage aller-retour en première classe…

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