Vale, une entreprise qui vous veut du bien

Vale, c’est la multinationale minière responsable de la mort ou de la disparition, ces derniers jours, au sud-est du Brésil, de centaines de personnes, à la suite de la rupture consécutive de deux barrages de rejets industriels. Sa contribution exemplaire à la dévastation et à la pollution de la région amazonienne, et la ténacité peu commune qu’elle déploie à bafouer tous azimuts les droits humains ont déjà été récompensées en 2012 par le prestigieux Prix du Public de l’organisation Public Eye (ex-Déclaration de Berne). Son nom veut dire vallée en portugais, mais quant à moi, qui ne sais pas le portugais mais qui ai encore en tête quelques souvenirs de latin, je ne peux pas m’empêcher d’y entendre un message subliminal, émis involontairement (ou pas – là, ce serait du grand art) par son service de communication.

Vale ! Porte-toi bien ! disaient les anciens Romains à leurs amis en partance pour la guerre ou pour une mission dans les marches de l’Empire. Nos chemins se séparent, seuls les dieux savent si nous nous reverrons, mais je te souhaite le meilleur, là où tu vas. Et moi aussi, dit Vale, je vous souhaite le meilleur. Porte-toi bien, toi, le travailleur exploité, malade ou mis à la porte pour activités syndicales ! Porte-toi bien, toi l’habitante du Minas Gerais dont la maison et la famille ont été englouties par des millions de mètres cubes de boues toxiques ! Portez-vous bien, vous, les victimes de partout de la dura lex sed lex du profit ! Vale n’est pas un monstre, non, Vale a un cœur, à preuve, chaque famille de personne disparue va recevoir l’équivalent de 23.000 euros, ce qui n’est pas rien, il faut en convenir. Vale vous souhaite de bien vous porter dans vos communautés détruites, vos forêts massacrées, au bord de vos cours d’eau empoisonnés. Elle vous le dit, forte du soutien des décideurs et décideuses du monde entier, qui n’ont pas de plus cher désir que de sauver nos habitats, protéger les droits des plus faibles et instaurer la justice sociale. De quoi être optimistes pour notre avenir.

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

2 réponses à “Vale, une entreprise qui vous veut du bien

  1. La course en avant du « chacun pour soi » est en voie de devenir la règle aussi dans notre population qui choisit ses décideurs en politique. Les réfugiés dont on nie la situation de détresse, ou que l’on reconnaît, en répondant qu’on ne peut pas sauver le monde entier. Mais pendant ce temps chacun ou presque se mobilise pour montrer du doigt une femme musulmane qui entre dans la piscine en robe, ou une adolescente qui met son voile à l’école. Et si les intentions sont louables pour poser la question de leur liberté à défendre, dans une équation à double sens, le plus souvent c’est le rejet qui motive les interventions ou les opinions. Qui veut encore croire que le monde pourrait être meilleur pour tous ? Ces personnes existent heureusement encore toujours, mais suscitent la moquerie quand on admet leur sincérité, ou sont accusées de conspiration contre l’homme blanc, la chrétienté, pour s’offrir le droit de les combattre avec bonne conscience. Je croise nombre de personnes catholiques croyantes qui s’expriment sur le malheur du monde, qui me font part de leurs regrets, leurs souhaits d’une humanité meilleure, mais ne jugent pas moins des coupables désignés, à qui ils seraient prêts d’offrir sous certaines conditions… le pardon ! Je dérive certainement du sujet de votre article, en évoquant seulement la volonté perdue de vouloir vivre ensemble avec ce que l’on croit, pense savoir ou comprendre sans le partager entièrement. Les personnes croyantes dont je parle ont leur religion qui leur permet de justifier dans un sens honorable cette facile paix personnelle qu’elles s’offrent et voudraient transmettre. D’autres invoquent le bon sens en citant les expériences faites dans l’histoire, qui dans ses périodes les meilleures comme les pires s’est construite sur des décisions relevant toutes du bon sens proclamé. Quant à la justice sociale… Le raz de marée d’opinions agressives déclenché au sujet de la mendicité m’a bien fait comprendre qu’il est préférable de faire part de ses réponses dans un blog, depuis son confortable bureau, plutôt qu’assis par terre dans la rue avec un gobelet, même si la proximité a son avantage pour favoriser une meilleure communication.

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