Trop nombreux?

Dans ce quartier résidentiel de Rome, aux avenues ombragées bordées d’immeubles mil neuf cent, il est impossible de parcourir cinquante mètres sans se faire aborder par un des jeunes hommes africains qui traînent dans  les rues en quête de quelques euros. Certains mendient tout simplement, un gobelet en carton à la main, d’autres essaient de vendre des mouchoirs en papier, des stylos, des blocs-notes ou des chaussettes. «Pour me payer un café, pour m’acheter un sandwich…» S’il fallait donner ne serait-ce qu’un euro à chacun de ceux rencontrés en deux heures en faisant son marché, en passant à la poste puis en s’arrêtant à une terrasse pour boire un jus de fruit, on en aurait pour une vingtaine d’euros par jour. Aussi les retraitées et retraités qui, le matin en particulier, forment le gros des passants, s’ils acceptent bien, de temps en temps, d’ouvrir leur porte-monnaie, finissent toujours par prononcer, avec un soupir, la phrase fatidique :«Vous êtes trop nombreux !».

Trop nombreux, sans doute, pour vivre, ou survivre, d’une charité au compte-gouttes accordée de mauvais gré, exaspérants par leur insistance (beaucoup insistent) et désolants par leur résignation quand ils s’éloignent sans mot dire, la tête dans les épaules. Mais trop nombreux, ces garçons de vingt ou trente ans qui ne demanderaient qu’à apprendre, à travailler, à s’insérer dans la société, à jouer leur rôle de forces vives de l’économie mondiale?

La vieille Europe se barricade contre cette énorme vague vivante, potentiellement riche de renouvellement et d’espoir. Le gaspillage d’énergie humaine est incalculable. Trop nombreux ? Oui, trop nombreux à rester sans rien faire devant la porte du supermarché en attendant d’entendre tinter une pièce. Et dramatiquement trop peu nombreux à se voir offrir la possibilité élémentaire d’apporter une contribution à la bonne marche de notre planète à toutes et à tous.

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

11 réponses à “Trop nombreux?

  1. Bientot encore plus nombreux car de tres nombreux desesperes veulent venir en Europe. La vraie action humanitaire serait de les empecher de quitter leur pays. Mais la, on parle vite de racisme.Alors on continue comme ca…

  2. @ François du Blanc de Latour : “Les empêcher de quitter leur pays” serait pour vous une “vraie action humanitaire”… Afin qu’ils ne prennent pas le long chemin qui mène à la fragile porte de votre tour ?.. Essayez de comprendre le problème à une échelle plus grande, les pays n’ont pas la surface de votre jardin. Quant au prétexte du racisme invoqué comme obstacle à votre solution, l’équation est bien courte…

  3. Ce discours pointe à côté du vrai sujet: depuis un demi siècle , l’Afrique est pillée par les sociétés occidentales sans scrupules, corrompant les gouvernements successifs ou les faisant remplacer .
    Les indigènes ne peuvent donc pas profiter des richesses minières et croupissent dans les bidonvilles .
    J’ajoute que Sarkozy n’a pas trouvé d’idée plus stupide que de renverser Kadhafi et semer la pagaille dans le secteur.
    Alors, pour sauver leur peau et espérer une vie décente, certains prennent le risque d’un voyage mortel pour trouver un refuge toujours bien meilleur que leur trou à rats !
    L’Europe ferait mieux de contrôler les multinationales que les frontières, elle aurait bien plus de succès pour empêcher cette vague déferlante.
    Il faut pratiquer des échanges “fair play” qui apportent des solutions “win win” et surtout qui retiennent les personnes dans leur environnement où elles pourront s’émanciper dignement.
    Ainsi , ce problème de migration pourrait être résolu de manière plus rationnelle et définitive au lieu de se questionner sur un accueil qui n’a aucun sens .

  4. On ne peut pas accepter toute la misère du monde. C’est le cas en particulier pour l’Italie. Ce pays a d’énormes problèmes de pauvreté et de chômage. Cet article est biaisé et poursuit un agenda qui manque de perspective. La population de ce grand continent africain est appelé à doubler. L’Europe doit-elle accepter des milliers d’immigrants venant de ces pays sous le prétexte que l’Europe est plus “riche” que l’Afrique. Cela ne fait aucun sens et n’aide en rien le continent africain.

    On parle de pouvoir contribuer à notre planète. Qui a dit qu’un Africain pouvait contribuer plus efficacement à la planète en Italie au lieu du Nigeria? Cette analyse est simpliste. Ces jeunes gens peuvent faire beaucoup dans leur pays d’origine. Ils seront également mieux intégrés qu’ils le seront en Europe à tenter de trouver un job qui n’existe pas sur un petit continent surpeuplé. Penser que cette logique est raciste a des relents fascistes. Il faut savoir être pragmatique et non uniquement idéologique.

  5. @ Hubert Giot :
    Le vrai sujet, c’est aussi être sensible à la détresse de personnes que l’on croise chez nous ou à Rome, et dans cette optique l’accueil a un sens. Parce qu’il ne s’agit pas d’une espèce animale qui a fui trop tôt son biotope perturbé. Les remèdes que vous préconisez sont bel et bien rationnels et envisageables, mais n’offrent pas une solution immédiate d’assistance à des personnes qui souffrent dans le présent. Là est la nuance qui vous échappe, votre définition de l’humanité diffère de la mienne, et nous n’avons ainsi pas la même perception de l’article qui traite cet aspect du sujet.
    @ Jim :
    Le fond de votre commentaire est bel et bien raciste, mais disons… sans agressivité. « On ne peut accepter toute la misère du monde » sont des paroles si souvent entendues et qui disent quoi en fait ?.. Que le monde est aussi grand que la misère des autres est lointaine. Et que cette misère prendrait des dimensions effrayantes si elle se rapprochait de nous. Parce que les mouvements migratoires de cette misère ne suit malheureusement pas la loi des vases communiquants, en raison de la fermeture des frontières plus ou moins perméables. Le pragmatisme dont vous faites preuve rejoint bien, à mon avis, la boutade de JMLP : « Nous aimons bien les étrangers… chez eux ! » Mieux vaut donc réserver un séjour sous les palmiers au bord de la piscine en Afrique, plutôt que d’aller croiser la misère dans les rues de Rome.

    1. Sur ce sujet, quand quelqu’un ne sait plus quoi dire, il sort le mot magique “raciste”. Toute personne de gauche croit que le reste de la population est raciste, fasciste, sexiste , etc.

      Pour rappel, la définition du racisme est la croyance qu’une race est supérieure à une autre. Il n’y a rien dans mon commentaire qui laisse penser cela. Une communauté ou un pays qui travaille dur pour élever son niveau de vie au fil des années, a le droit de protéger ses acquis. Comme je l’ai dit, beaucoup peut être fait pour aider d’autres pays à se développer, mais accepter leur ressortissants de manière continue n’est pas une solution, ni pour le pays qui accueille ni pour le pays qui perd un jeune. Vous semblez simplifier le problème énormément.
      Finalement, l’intégration reste un énorme problème et est ignoré par la plupart des gens.
      Evitez d’insulter les gens à l’avenir et restez en aux faits. Merci.

  6. Je suis d’accord avec le commentaire précédent . Comment se fait il qu’en Afrique il n’y ai pas plus de répartition des richesses et que les états soient si mal gérés ? Je crois que les pays riches ( usa , Europe ) profitent des richesses naturelles de ces pays à moindre coût en mettant des hommes de paille à leur tête . À Libreville il n’y a pas l’eau courante partout ni les évacuations sanitaires et pourtant cela fait plus de 60 ans que le Gabon est un gigantesque vendeur de pétrole . Ces pays doivent se développer eux mêmes , beaucoup en auraient les moyens si leurs diregeants n’étaient pas aussi corrompus par nos pays développés. Il faut traiter le problème à sa source . De plus les naissances doivent être limitees

  7. SVP faute à corriger dans mon commentaire “@ Jim”, 5ème ligne : “… ne suivent” au lieu de “… ne suit”. Merci !
    Dominic

  8. L’histoire connaît souvent des mouvements de balancier. A une certaine époque, c’est les Européens qui allaient chercher fortune ailleurs, en particulier en Afrique, mais aussi en Amérique, Australie, etc. Et certaines populations l’ont payé très cher; les Amérindiens ou les aborigènes australiens en particulier en savent quelque chose! Et puis, si on remonte assez loin (autre mouvement du balancier), nous sommes tous en Europe descendants “d’émigrés africains” qui ont peuplé notre continent aux temps lointains (origine africaine quasi certaine de l’espèce “Homo”) 🙂 !

  9. Celui qui a obtenu le sésame en escaladant un immeuble à Paris pour aider le sauvetage d’un enfant faisait partie de ces gueux.

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