Une démocratie à 33,7%

Quand j’ai écrit ici, il y a dix jours, que j’allais m’abstenir aux votations du 10 juin, j’ai reçu un certain nombre de commentaires acerbes. J’avais pourtant pris la précaution d’expliquer qu’habituellement j’étais une citoyenne exemplaire : le problème, cette fois, c’était l’illisibilité politique des objets proposés, en particulier s’agissant de l’initiative «monnaie pleine».

Ce matin, le chiffre ressort, blanc sur fond noir, en p. 4 du Temps : taux de participation, 33,7%. Donc, problème il y avait bel et bien, et je n’ai pas été la seule à renoncer à m’exprimer sur des objets non seulement techniquement complexes mais difficiles à déchiffrer sous l’angle d’un choix de société.

A preuve, les Valaisan.ne.s ont voté, de leur côté, certes pas en masse mais quand même à 62,6%, ce qui est tout à fait honorable, parce qu’ils et elles avaient une question autrement palpitante à trancher, celle des JO. Les perdants de cette votation valaisanne ne cessent pas de répéter, depuis hier, qu’ils sont néanmoins fiers de l’exercice démocratique qu’a représenté cette consultation, et ils ont raison : deux visions de l’avenir s’affrontaient, l’une d’entre elles l’a emporté, le vote est clair non seulement d’un point de vue chiffré mais surtout du point de vue du message que la majorité du peuple a voulu transmettre.

Je n’ai pas de solution pour résoudre le problème que posent les objets de votation à la fois complexes et politiquement peu parlants. Peut-être que les promoteurs d’idées nouvelles telles que «monnaie pleine» devraient passer par d’autres voies que le recours au peuple pour les faire avancer. Ou peut-être qu’il faut, au contraire, se résigner à des taux d’abstention déprimants, en se disant qu’un débat vraiment participatif va quand même finir par se développer un jour sur ces objets. Il me semble en tout cas que cette faille évidente de la démocratie semi-directe suisse mériterait réflexion.

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

10 réponses à “Une démocratie à 33,7%

  1. En Belgique, le vote est “obligatoire”, pour les réfractaires, une amende existe, qui reste d’un montant symbolique. Peut être une idée… Car si les citoyens sont souvent prompts à revendiquer leurs DROITS, il est dommage qu’ils ne le soient pas tout autant à s’acquitter de leurs OBLIGATIONS CITOYENNES, dont voter fait parti.

  2. Il faudrait effectivement que les sujets soient décrits d’une manière simple et claire, compréhensifs par tous. Si l’on parle de démocratie, il faut réellement changer ça!

  3. @AL. Cela ne changera rien à la question de fond que pose Silvia. L’incapacité d’honnêtement dire oui ou non sur une question. Sauf peut-être que les jeunes (j’ai 50 ans) ont raison: décider nationalement à coup de majorité changeante ce qui acceptable ou pas sur le web, intrinsèquement international est un bricolage que nos nations ont trop envie d’adopter. Il y avait là bien une question de fond, qu’on a vite oublié de mener.
    Reste que plutôt de demander aux lois et aux juges de “sauver” notre liberté démocratique, essayer d’adapter le présent à notre idée du passé, ont pourrait essayer de chercher comment répondre aux défi du présent.
    Immédiatement cela pourrait-être: faire une différence entre celui qui jette son bulletin de vote à la corbeille et celui qui le rend blanc. Signifiant ainsi son incapacité de répondre.
    Dans un avenir proche on peut espérer que nos réseaux deviennent vraiment sociaux et que nous trouvions moyens de les mettre au service de nouvelles formes de participation aux décisions politico-sociales plus souples que nos oui-non actuels.
    Il faut bien dire que ceux-ci finissent trop souvent en 3 ans de blabla pour un compromis rejeté et rebellote, favorisant le statu quo, à moins que le temps qui passe ne lasse ou règle la question par défaut.

    1. Tout est dit! Le coup d’oeil complaisant dans le rétroviseur est, on le croirait, le seul programme politique et économique possible.
      Une boule de cristal à l’envers en quelque sorte!

  4. A force de votations illisibles, comme ce dernières, ou stupides ou propagande de parti, comme la prochaine sur les juges étrangers, on va finir par lasser le citoyen de ce magnifique outil de démocratie que sont les votations.
    Il faudra sûrement trouver un moyen de filtrage de tout ce processus, qui ne soit pas non plus un obstacle démocratique, soit la quadrature du cercle.
    Ce qui ne fait aucun doute, malgré la mauvaise foi de politiciens surrannés, c’est qu’il faut introduire le vote électronique au + vite.

    1. p.s. Et pq faut-il le vote électronique? parce que voter blanc facilement et sans perdre de temps serait une indication précieuse de la validité de nos institutions et même si de vieux Schnoks (ou m^me des jeunes essaient de nous faire croire que non).
      >La bonne blague, on paie tous les jours par e-banking et même si Postfinance augmente les frais pour ses erreurs avec ses Cars :)))!
      Ce dit, Le Temps se fout de nous avec ses signalisations à cocher :)))!

  5. Demande pour les suisses de l’étranger “expats” (ne fais pas partie et c’est mon droit de swiss0x0x0):

    – droit à un comte Postfinance aux mêmes conditions que mes compatriotes
    – droit à un tribunal hors cantonal, pour tout litige avec des suisses (ça parait évident!)
    – vote électronique

    Merci et bien à vous

    Olivier Wilhem, Uruguay

    1. Non, car c’est compté comme abstention, au même titre que de ne rien faire, c-a-d pas voter du tout!

  6. Le problème que soulève Mme Silvia Ricci Lempen n’est pas lié à la complexité de l’initiative Monnaie pleine. Car sinon, cela signifierait que la démocratie directe devrait se limiter à des questions aussi triviales que l’organisation d’un match ou des jeux olympiques. Il est d’ailleurs désolant de constater qu’une grande partie des citoyens ne se mobilisent principalement que pour cela et délaissent les questions plus fondamentales, celles qui sont pourtant déterminantes pour leurs conditions de vie. A leur décharge, il faut relever que le ”débat” démocratique s’est réduit à des propagandes manipulatoires, dont les victorieux sont toujours ceux qui ont le plus de moyens. Le principe démocratique implique pourtant une égalité des armes et une objectivité de la part des autorités et des médias. Le cas de l’initiative Monnaie pleine, notamment, est un exemple patent du non respect de ce principe : les autorités fédérales n’ont pas respecté leur devoir d’informer objectivement et façon complète, les médias ont donnés la parole aux opposants dans une proportion largement supérieure à celle des initiants et la campagne de peur et de confusion des lobbys bancaires a bénéficié de moyens incomparables à ceux des initiants.
    Comment les citoyens peuvent-ils se faire une opinion libre si l’information dont ils disposent est déjà orientée, confuse ou carrément erronée ? Il n’existe en Suisse aucune règle ni sur le financement des partis politiques ni sur l’égalité des moyens lors de votations politiques. Un parti politique peut-il être indépendant dès lors qu’il est financé par une banque privée, comme c’est le cas aujourd’hui ? La réponse est claire : aucun parti politique national n’a soutenu l’initiative Monnaie pleine.

Les commentaires sont clos.