La Journée des femmes en profitocratie

Non, non et non! Ras le bol à la fin! Les lectrices et lecteurs de ce blog savent que les vociférations  de rage primaire ne sont pas vraiment  le genre de la maison – mais là trop c’est trop, ça me fait mal au ventre. La marque de montres Tissot s’adresse à la population,  en prévision du 8 mars, Journée internationale des femmes:  «Célébrons les femmes. Avec un cadeau spécial journée de la femme. Ladies, this is your time.» Enfin, à la population:  à ses membres masculins,  invités à se rattraper au cas où, par distraction, ils auraient zappé  les roses de la Saint-Valentin;  ou  à prendre les devants en vue de la Fête des Mères, ça n’empêchera pas les asperges au restau.

Eh oui, messieurs, la femme étant la meilleure amie de l’homme (elle a avantageusement remplacé le cheval) il ne faut perdre aucune occasion pour la glorifier. Et vu que le temps est passé de lui octroyer le droit de s’asseoir avec l’homme sur le banc devant la maison, comme le préconisait Charles-Ferdinand  Ramuz, une jolie montre Tissot fera l’affaire. Regarde, chérie, ce que je t’offre pour TA  Journée.  Hein, si tu avais dû te la payer avec ce que gagnes…. C’est TA  soirée, et pour te le prouver, je vais lancer moi-même la lessive. Redis-moi juste, pour mes vêtements de sport, c’est 30 degrés ou 40? J’oublie toujours…

Depuis plus d’un siècle, le 8 mars est une journée de lutte contre les discriminations qui frappent les femmes. Les régimes communistes l’ont instrumentalisée, les régimes libéraux ont fait de tout pour l’ignorer, et voici que maintenant les profitocraties la détournent en épiphanie de l’Eternel Féminin. Alors, au moins un conseil aux âmes naïves: méfiez-vous de tous ceux qui, en 2018, persistent à célébrer LA FEMME  au singulier. Seulement LES FEMMES, au pluriel, font partie de l’humanité. Et tout ce qu’on leur souhaite, c’est qu’elles se célèbrent toutes seules.

 

 

 

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

2 réponses à “La Journée des femmes en profitocratie

  1. J’adore !
    D’un féministe masculin, fâché contre les femmes d’avoir laissé aux hommes le pouvoir (Mais je sais que cette situation est plutôt la faute des mâles, ayant usés de biceps pour l’imposer aux femmes…).
    Car on serait peut-être un peu moins dans cette M… de “Profitocratie”. J’adhère à ce terme. J’utilisais Financiocratie ou Spéculacratie, mais décidément Profitocratie, cela le fait !

  2. J’imagine que les 19 mâles élus au Conseil des Etats n’oublieront pas leur épouse ou leur compagne non plus, après avoir refusé d’entrer en matière sur le projet de révision de la Loi sur l’égalité ! Un projet déjà tiède auquel sa commission avait rajouté pas mal d’eau froide… la chambre haute est entrée en matière pour… renvoyer le paquet à sa commission. Un peu plus d’eau froide, s’il vous plaît! Rendons cette révision vraiment inefficace, parce que décidément, la moitié de la population n’en vaut pas la peine.
    Bref, les femmes devront encore longtemps se contenter d’une journée par ci par là , d’une montre dans le meilleur des cas, ou d’asperges au resto pour avaler le fait que les élus (qui les représentent?) considèrent comme normal qu’elles ne gagnent toujours pas autant que leurs collègues masculins (toutes choses étant égales par ailleurs)… Mesdames, engagez-vous MAINTENANT en politique, qu’on puisse vous élire et remplacer ces vieux messieurs qui n’ont aucun respect des femmes!
    Très chouette, votre coup de gueule! Merci!

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