Une femme, forcément une femme?

Un élu d’un parti du centre-droite (pas du PLR), que je connais vaguement, me dit : «Alors, vous qui êtes féministe, vous tenez sûrement pour Isabelle Moret ?». Je lui réponds : « Mais vous savez, mes sympathies politiques ne vont pas au PLR…» Réponse idiote et à côté de la plaque, j’en conviens, puisqu’en l’occurrence, si j’avais envie de tenir pour quelqu’un parmi les candidat.e.s à la succession de Didier Burkhalter, ce ne pourrait justement être que pour un.e PLR. Ce que j’ai maladroitement tenté de dire, lors de cette conversation de deux minutes non promise à d’autres développements, c’est qu’à mes yeux le premier critère, dans le choix d’un.e responsable politique, ce sont ses idées ; ne partageant pas celles du parti auquel appartiennent les trois candidat.e.s, je me sens quelque peu prise au piège (mais c’est le système de concordance suisse qui le veut….) quand on me parle de préférence, ou de solidarité féminine, dans un tel contexte.

Le critère du sexe m’importe, et comment ! Il y aurait beaucoup à dire sur les ruses que notre système d’origine patriarcale met en  œuvre, consciemment ou inconsciemment, pour  que la politique reste foncièrement un entre-soi masculin. Par exemple, la répétition obsessionnelle du mantra de la compétence (qui serait plus importante que le sexe), alors qu’on n’est compétent.e que pour atteindre certains buts qui, tiens tiens, sont définis par le système ; ou l’hypocrite déploration du manque d’ambition ou de profilage des femmes, comme si des millénaires de socialisation différenciée et d’identification du charisme à la virilité pouvaient être effacés d’une chiquenaude.

Le critère du sexe, donc, m’importe beaucoup, et lors des votations fédérales, cantonales  et communales  je ne vote systématiquement presque que pour des femmes ; mais ces femmes, je les choisis à l’intérieur du cercle des personnes dont les convictions suscitent mon adhésion, c’est-à-dire sur des listes avec lesquelles, en gros, je sympathise. Dans une situation où la seule candidate éligible appartient à une formation avec laquelle je ne sympathise pas, je bénis le ciel de ne pas être parlementaire fédérale et de n’être donc pas contrainte de me prononcer. Si je devais quand même, le couteau sur la gorge, faire un choix, je «tiendrais» pour celle ou celui, primo, dont les convictions s’écartent le plus de celles majoritaires dans son parti (logique, non?), et secundo s’est engagé.e le plus pour faire progresser la cause des femmes en général dans une formation qui en tout cas se soucie comme d’une guigne d’être représentée par une des siennes au Conseil Fédéral. A étudier, donc.

 

 

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.

Une réponse à “Une femme, forcément une femme?

  1. Lire et entendre – comme c’est le cas depuis plusieurs jours – que Mme Moret connaît ses dossiers n’est pas une “compétence” à mes yeux mais seulement un “plus” et rien d’autre.
    Elire une personne compétente hors du sérail des Chambres fédérales serait nettement à l’avantage de notre pays, une personne libre de ses choix, de ses réflexions et de ses décisions.

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