Sacrée, la vie? Chiche!

Nous sommes sans doute nombreuses et nombreux à avoir été émus par l’article du Temps du 1er mars relatant la mort volontaire, à Zurich, de Fabiano Antoniani, un Italien de 39 ans devenu tétraplégique et aveugle à la suite d’un accident. La loi italienne interdisant l’aide au suicide, il a dû venir en Suisse pour mettre fin à ses terribles souffrances. Son accompagnateur, un membre des Radicaux italiens (parti de tendance libertaire), risque jusqu’à douze ans de prison.

Sur les questions de société, les mentalités italiennes restent influencées par la culture catholique traditionnelle, selon laquelle toute vie, sans exception, est sacrée. Enfin, sans exception, il y a quand même des limites : on ne sache pas que les catholiques conservateurs péninsulaires aient renoncé en masse à tous leurs biens, comme Saint-François, en faveur du sauvetage des vies des enfants soudanais, qui contrairement à Fabiano Antoniani aimeraient bien, eux, continuer à vivre.

Trêve de mauvais esprit, une proposition sérieuse, et chrétienne je crois, que j’adresse non seulement à la population italienne, mais aussi à toutes celles et tous ceux qui, de par le monde, pratiquent le «deux poids, deux mesures» en matière de respect de la vie.

Ne serait-il pas temps de modifier la formule, et d’admettre une bonne fois pour toutes que ce qui est vraiment sacré, c’est la vie des personnes qui veulent rester vivantes ? Cela permettrait de faire en quelque sorte coup double, au nom de la morale et aussi de la cohérence: supprimer sans réticences, là où elle existe encore, la cruelle obligation de vivre pour celles et ceux qui, en connaissance de cause, décident que leur vie ne vaut plus la peine d’être vécue ; et symétriquement s’engager pour un ordre politique et économique qui garantisse effectivement le droit à la vie de toutes celles et ceux, victimes des guerres, de la faim, de l’exploitation, à qui l’on ôte leur vie malgré eux.

Silvia Ricci Lempen

Silvia Ricci Lempen est écrivaine. Son champ d’investigation préféré est celui des rapports entre les femmes et les hommes: un domaine où se manifeste l’importance croissante de la dimension culturelle dans la compréhension des fonctionnements et dysfonctionnements de notre société.