Et si…

Et si 2020 était un grand cru de dirigeants féministes ?

Bien, ce titre repose sur le postulat que les termes « dirigeant » et « féministe » peuvent être compatibles . Intuitivement il semble qu’ils représentent plutôt deux paradigmes très distincts.

Et pourtant…. Il ne se passe pas une semaine sans que l’on me pose des questions telles que « mais ça existe vraiment des patrons qui s’engagent pour l’égalité ? », « vous connaissez vraiment des chefs d’entreprises qui veulent une femme dans leur comité de Direction ? », « mais qui sont-ils, qu’est ce qui les motive ? ».

Cette dernière question mérite qu’on s’y attarde. Dans mes rencontres au sein des organisations publiques, parapubliques et privées, j’ai essayé de comprendre les leviers de motivation de ces hommes blancs âgés en moyenne de 50 à 60 ans qui, à la tête de leur organisation de 100 à 10’000 personnes, souhaitent promouvoir ou recruter des femmes au sein de leur postes exécutifs. Force est de constater que cette pratique aura été peu usitée ces dernières décennies quand on sait que les femmes représentent 14% seulement des comités de Direction en Suisse. Rappelons que plus de 90 % des organisations sont dirigées par des hommes dans le monde, donc c’est plutôt de bonne augure qu’émergent de nouvelles postures sur ces questions chez ceux qui tiennent les rênes !

De manière très empirique, quelques grandes lignes sont identifiables chez ces dirigeants qui ont intégré la mixité hommes/femmes à l’agenda de leur gouvernance.

Beaucoup nous disent qu’en tant que père de filles qu’ils ont poussées à faire des études exigeantes (souvent dans des domaines traditionnellement masculins d’ailleurs), ils ont pris conscience assez récemment que leur progéniture serait confrontée de manière quasi certaine au plafond de verre et n’accèderait pas à une carrière à la hauteur de leur potentiel et de leur formation dans le système actuel. Ils sont d’ailleurs vite irrités à l’idée que leurs filles soient moins payées que leurs collègues ou subissent du sexisme ordinaire. Certains portent tout simplement des valeurs humanistes qui font que l’égalité est, pour eux, une valeur fondamentale non discutable et, en accédant à la Direction générale d’une entreprise, ils peuvent enfin porter leur vision et changer la culture au sein de l’organisation. D’autres ont commencé à s’intéresser à la question quand ils ont découvert que la mixité était un levier de performance et d’intelligence collective à forte valeur ajoutée. Il y a les visionnaires : ces leaders-là voient la nomination de femmes à des postes stratégiques comme une réponse à des enjeux évidents, d’un point de vue sociétal – le monde de demain ne peut plus être construit par et pour des hommes -, en termes démographiques – départ de plus de 40% du management à la retraite d’ici 10 ans – ou d’attractivité – être une entreprise du nouveau monde attire tous les nouveaux talents féminins et masculins. Enfin, certains témoignent de leur ras-le-bol de recevoir des postulations d’hommes issus d’un « entre soi », qui semblent tous avoir le même discours et, parfois, le même ego surdimensionné ! Ah, bien entendu, #MeToo, la grève des femmes du 14 juin 2019, les médias et les élections qui s’emparent de la thématique, ont attisé la curiosité de certains qui ont découvert au passage à quel point il y avait encore beaucoup à faire. Sur une note moins optimiste, je croise aussi la route de dirigeants qui agissent en raison de la pression exercée par leur Conseil d’administration, mais qui n’ont, en réalité, toujours pas compris pourquoi cette question était cruciale. Ceux-là sont heureusement peu nombreux et ont par ailleurs de grandes difficultés à atteindre leurs objectifs de mixité.

Bien entendu plusieurs des caractéristiques mentionnées plus haut sont parfois présentes chez un même dirigeant, ce qui fait de lui un leader visionnaire, pertinent et audacieux.  Et finalement peu importe leurs leviers de motivation, c’est le passage à l’acte qui est méritant.

Oui l’audace est certainement ce qui caractérise le plus ces chefs d’entreprises. Et il en faut, du courage et de la créativité pour oser changer la culture d’entreprise. L’innovation sociétale est souvent accueillie avec méfiance et résistance au premier abord. Comme l’écrit Carl Rogers, « l’histoire démontre que plus le produit est original, plus ses contemporains risquent de le considérer comme mauvais… plus tard on le regardera comme une évidence en soi ». Cet axiome peut parfaitement s’appliquer au courage de ces dirigeants féministes que je félicite aujourd’hui car, grâce à eux et avec eux, la construction d’un monde du travail cohérent et égalitaire devient possible.

Je leur présente mes meilleurs vœux pour 2020 et que cette nouvelle année en voie plein d’autres oser !

 

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