La crise est le mot-clé de cette année (ou de ce siècle?)

Dans le système économique contemporain, les crises d’ampleur globale se succèdent désormais très rapidement. Ces crises sont endogènes à ce système, c’est-à-dire qu’elles sont toutes générées par les choix économiques des différents acteurs, parmi lesquels les entreprises, les institutions financières et le secteur public, sans oublier les individus dont les choix de consommation influencent le fonctionnement de notre système économique.

Sans remonter trop loin dans l’histoire économique, il suffit de rappeler la crise des prêts hypothécaires «subprime» qui a éclaté aux États-Unis à l’été 2006 et qui s’est rapidement transformée en une crise financière globale après la mise en faillite, le 15 septembre 2008, de la banque d’affaires Lehman Brothers. Les conséquences se sont en outre largement propagées aux économies du Vieux Continent, en particulier celles de la zone euro, après que le gouvernement nouvellement élu en Grèce en novembre 2009 eut annoncé que les comptes publics grecs avaient été truqués (avec l’aide de Goldman Sachs) pour dissimuler une part substantielle de la dette publique grecque en vue de l’adoption de l’euro au lieu de la drachme. La crise financière globale et la crise de l’Euroland sont donc des crises endogènes au système économique car elles sont nées du comportement des acteurs financiers – que les régulateurs ont négligé, voire ignoré, afin de satisfaire les intérêts de court terme des grandes institutions financières au poids politique majeur dans les pays dits «économiquement avancés». Les systèmes économiques de ces pays ont fortement souffert des conséquences négatives de ces crises et ont été affaiblis tant sur le plan structurel que conjoncturel: plusieurs petites et moyennes entreprises y ont fait faillite ou ont dû céder leurs activités par le biais de fusions et d’acquisitions. Cela a augmenté le chômage et par conséquent mis une pression à la baisse sur les salaires pour une partie importante des individus travaillant en Europe, aux États-Unis ou dans d’autres nations faisant partie de l’économie globale.

C’est précisément cette globalisation qui est à l’origine de la crise induite par la pandémie de Covid-19 qui a surgi début 2020 suite à l’annonce par la Chine de la découverte d’un premier cas d’infection au SARS-CoV-2 en novembre 2019 sur un marché d’animaux vivants et de fruits de mer dans la ville de Wuhan. En effet, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que ce nouveau coronavirus se propage dans les nations asiatiques et occidentales, ces pays étant largement interconnectés du fait de la globalisation de l’économie, qui permet de produire (à bas prix) des biens de toutes sortes (industriels et de consommation) dans les pays asiatiques, puis de les exporter dans le reste du monde. À ces flux commerciaux dans l’économie globale s’ajoutent les mouvements de personnes, qu’il s’agisse de travailleurs ou de touristes, qui ont ainsi rapidement véhiculé le virus de la Covid-19 d’une nation à l’autre. Il s’agit donc également dans ce cas d’une crise endogène due à des facteurs économiques, puisqu’elle est née de la volonté de bien des entreprises de réduire leurs coûts de production, même au détriment de la santé humaine ou de la qualité de l’environnement. Le changement climatique (pour ne pas dire le réchauffement de la planète) est en dernière analyse le résultat de ces choix économiques, qui poussent notre planète vers une crise environnementale dévastatrice pour l’ensemble des êtres humains.

Qui plus est, il ne faut pas ignorer que la crise énergétique et la crise alimentaire déclenchées par la guerre en Ukraine sont également de nature endogène au système économique: les tensions au niveau géopolitique découlent de motifs économiques, avec en trame de fond le contrôle des ressources naturelles que les entreprises utilisent pour satisfaire leurs intérêts et les besoins de tous les acteurs économiques au niveau mondial. La nécessité d’une transition écologique est aujourd’hui évidente, en Suisse comme ailleurs, ne serait-ce que pour éviter de dépendre de l’étranger (en particulier de pays problématiques) pour l’approvisionnement en énergie et éventuellement en matières premières, notamment en ce qui concerne les denrées alimentaires destinées à la population.

Comme on le dit souvent, toute crise représente une occasion d’améliorer la vie de toutes les parties qu’elle impacte, même si le nombre de victimes des crises endogènes au système économique est très inquiétant et n’a de cesse d’augmenter. L’année 2023 ne semble pas destinée à être celle du virage dont notre planète a besoin pour satisfaire l’intérêt général, mais l’espoir demeure que la concaténation des crises observées depuis le début du XXIe siècle prenne fin pour le bien commun.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

24 réponses à “La crise est le mot-clé de cette année (ou de ce siècle?)

  1. Un billet tellement authentique et emprunt d’une si profonde sincérité que l’on ne peut que s’incliner devant autant de vérités. Un Grand Merci mon très cher Ami Sergio! Bien à toi avec mon soutien inconditionnel.

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    Il est bien loin le temps où l’éminent anthropologue Claude Lévi-Strauss (1908 – 2009) écrivait que “les crises permettent aux sociétés touchées de se remettre efficacement en question et de se reconstruire, en se débarrassant des modèles économiques obsolètes qui les mènent à leur perte”

    Plus récemment, l’ouvrage de l’ancien trader et professeur à l’Université de New York, Nassim Nicholas Taleb, auteur de “The Black Swan: The Impact of the Highly Improbable”, précise dans les faits et fondamentalement que “l’imprévisible n’en est rien puisque à proprement parler cet événement majeur (Pandémie Covid-19) était quelque chose de l’ordre du prévisible, pour peu que l’on ait regardé complètement les conséquences de la mondialisation”. Pour ce philosophe et statisticien américano-libanais (théoricien des risques)“le problème, c’est que les gens regardent les choses sans les effets secondaires, et ce virus, c’est l’effet secondaire de la globalisation”.

    Quant à Aristote, il nous rappelait avec une grande sagesse: “Nous ne connaissons pas le vrai si nous ignorons les causes”
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  2. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison (34): Le bon sens? Devenu simple concept

    Alors même que l’artificier de la Fed se mélange les pinceaux après que la masse monétaire fût pervertie par la politique – qu’il ferait mieux pour l’instant de se taire afin de contrecarrer les spéculateurs – la politique de la demande fut largement sacrifiée sur l’autel du Consensus de Washington qui visait entre les lignes l’ouverture mondialisée des échanges marchands. Cette doctrine économique d’inspiration néolibérale, voir ultralibérale – où la politique de l’offre endossa le rôle du Saint-Grall – fut formalisée en 1989 par John Williamson (ère de la “société de consommation”). Pourtant, ce “consensus” sera largement critiqué par les économistes Maurice Allais et Joseph Stiglitz, et faudra-t-il attendre l’année 2008 (crise financière) pour que le FMI et la Banque mondiale prennent paradoxalement conscience de la nécessité de l’intervention de l’État dans l’économie en infléchissent les mauvaises pratiques du Consensus de Washington.

    Entre-temps, pour quelques experts orthodoxes revenu sur le droit chemin, “les problèmes d’offre qui gonflent les prix des denrées alimentaires, de l’énergie et d’autres ressources essentielles doivent être résolus”. Ben oui, ils réalisent enfin que de la “Supply-side economics” est la plus grande tromperie du siècle dernier et du début de celui-ci. “Ce sont des questions qui relèvent des législatures fédérales et étatiques, pas de la Fed”, reconnaissent-ils. Rappelons-nous de l’histoire économique, plus particulièrement les années 1930, lorsqu’une institution financière fédérale, appelée “Reconstruction Finance Corporation” a sorti l’économie de la Grande Dépression, remis les gens au travail et sillonné le pays avec de nouvelles infrastructures, y compris les barrages et les lignes électriques qui ont amené l’électricité dans l’Amérique rurale. Une époque qui n’aura sacrifié onze ans (2008-2019) de son économie où le bon sens politique n’était encore un simple concept. Ni même attendu certains effets secondaires hypothétiques afin de se réveiller dans la douleur.

    Ce qui suit pourrait prêter à sourire, mais loin de là après quatorze ans d’autisme généralisé et de “Titanic Effect”.

    HR3339 – Loi de 2021 sur la Banque nationale des infrastructures

    https://www.congress.gov/bill/117th-congress/house-bill/3339

  3. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison (35): La planète des singes

    À quoi fais-je référence; les “3 Singes” au sein d'”Analectes”, l’ouvrage de Confucius, ou la réinterprétation de sa maxime par le philosophe allemand Nietzsche? “Quand ton regard pénètre longtemps au fond d’un abîme, l’abîme lui aussi pénètre en toi”, sous-entendu lorsque l’on est confronté au mal, le mal peut aussi s’emparer de nous”. Certes, la deuxième version pourrait se calquer à merveille à l’homo-politicus! Pourquoi dès lors ne pas pousser le bouchon jusqu’à l’allusion à cette série télévisée américaine – “Planet of the Apes” – créée par Anthony Wilson et diffusée en 1974 sur CBS? Deux astronautes, Virdon et Burke, dont le vaisseau s’est écrasé sur une planète inconnue découvrent rapidement qu’ils sont retournés sur Terre, mais dans un futur lointain où les singes intelligents dominent les humains. En conséquence, je suis tenté de choisir cette version pour qualifier nos créatures particulièrement résilientes et toujours prêtent à s’attaquer aux risques pesant sur notre planète.

    Ironie – aujourd’hui 13 décembre 2022 – la Banque centrale d’Angleterre (BoE) nous dit qu’elle va tester la résistance des instituts financiers non bancaires, cette “finance de l’ombre” (Shadow banking) responsable notamment du choc sur le marché de la dette britannique en septembre dernier. La Banque centrale d’Angleterre va exécuter un exercice de scénario focalisé sur les risques venus d’instituts financiers non bancaires, comme les fonds d’investissements actifs sur le marché de la dette britannique comme l’a affirmé le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, dans un courrier adressé au ministre des Finances…Ceci n’est pas sans me rappeler quelques souvenirs, notamment cet échange avec l’ancien conseiller de Banques centrales et macroéconomiste hétérodoxe – Michel Santi, le 03 septembre 2012 (oui, 2012)
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    Raymond:
    Si « les flambées boursières sont construites sur du vent et sur de la pure spéculation », la finance de l’ombre (Shadow banking) semble pas plus inquiéter que ça, et pourtant il y a de quoi attraper des sueurs froides. Le Produit National Brut planétaire avoisine 50’000 milliards de USD. Et 800’000 milliards USD de produits dérivés circuleraient dans le monde par le truchement du “shadow financial system”, dont 16’000 milliards aux USA…
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    Michel Santi:
    Quels sont les fondamentaux justifiant un Dow Jones au plus haut depuis plus de 3 ans et un NASDAQ au plus haut depuis 10 ans? Aucun, si ce n’est que cette finance de l’ombre poursuit – et se complaît – dans sa fuite en avant…
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    Où en est-on à présent, en 2022, c’est-à-dire une décennie plus tard, de la régulation ambitieuse du “shadow financial system”? D’autre part, beaucoup ont sans doute déjà oublié l’an 2014 marqué par l’autopsie d’un échec, celui des nouveaux accords de Bâle III. Il y fut supprimé sur la version 2010 de la clause initiale de Bâle III (version 2009) prévoyant d’inclure une majoration spécifique du notionnel pour les produits dérivés de crédit ; un alignement des normes bancaires européennes IFRS – plus strictes et prudentielles qui obligeaient les banques européennes à comptabiliser leurs positions en brut − sur les normes comptables des banques américaines comptabilisant en net. Assouplissement des critères de liquidité auxquelles elles furent désormais soumises à partir du 1er janvier 2015 et qui répondait aux demandes pressantes des acteurs du secteur financier, mais se révèle de facto très insuffisant. La base des actifs comptabilisés comprenant les liquidités, inclut désormais des obligations, des actions et certains types d’emprunts hypothécaires (volatils) ce qui ne correspond plus aux règles prudentielles élémentaires. Cependant les banques devront provisionner à hauteur de 60% cette même année, puis 70% en 2016 et ainsi de suite pour atteindre 100% en 2019.

    Où en est-on à présent, en 2022, de cette “impossible” régulation des produits dérivés? Les chefs de clans vont peut-être pouvoir nous éclairer.

  4. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison (36): L’ambiguïté du sarcasme

    Suis-je personnellement sarcastique par certaines de mes interventions? L’on serait parfois amené à le considérer ainsi, surtout lorsque je m’abandonne à ce que l’on croît être – raisonnablement parlant – un “argumentum ad hominem”.

    Toutefois, si l’on prend la peine de sortir des sentiers battus, le sarcasme aurait du bon à en croire la théorie d’une équipe internationale de chercheurs qui postule que cet humour spirituel teinté d’ironie accroîtrait la créativité. Pas seulement pour celui qui le pratique, mais aussi pour celui qui en est le destinataire. Ainsi, ils se sont rendu compte que pour décrypter le second sens du message qui lui est adressé, ce dernier active lui aussi certaines capacités cognitives qui favorisent sa créativité. Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs de la Harvard Business School ont examiné les cerveaux de personnes pratiquant cette forme d’humour et de ceux qui en font l’objet. Il en ressort que la créativité augmente immédiatement après une conversation sarcastique simulée, ou après s’être remémoré un échange sarcastique.

    http://www.hbs.edu/faculty/Pages/item.aspx?num=49283

    Ce qui m’amène à la leçon du jour…

    Oh ben ça alors, le déséquilibre croissant entre le Capital et le Travail s’est encore accru sous l’inflation galopante!

    https://substackcdn.com/image/fetch/f_auto,q_auto:good,fl_progressive:steep/https%3A%2F%2Fbucketeer-e05bbc84-baa3-437e-9518-adb32be77984.s3.amazonaws.com%2Fpublic%2Fimages%2F7f9c6117-63ef-4aa6-ba3b-de788f9a999c_962x439.png

    Oh ben ça alors, il n’y aurait pas de profiteurs de crise mais que des entrepreneurs suivant le précepte de l’économiste américain, Milton Friedman, pour qui “la responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses profits”.

    http://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/27887.jpeg

    Oh ben ça alors, les prix du pétrole auraient-ils augmenté avant la pandémie Covid-19 et la crise Ukrainienne pour qu’au dernier trimestre 2022, ils deviennent plus bas que les relevés du premier semestre 2018?

    https://asset.lemde.fr/prd-blogs/2022/10/0b650c72-brent-2022.png

    À méditer pour le coup!

  5. Après le discours controversé de J.Powell – lequel a manifestement constaté à ses dépens que l’inflation galopante n’est pas un phénomène qui s’inscrit systématiquement à court terme – dorénavant, devrons-nous nous accommoder d’une nouvelle cible du taux d’inflation, un objectif jusque là ancré à 2% par les principales banques centrales – vers un nouveau paradigme de 3 à 4%? Très probablement.

    https://s.brsimg.com/static-000/cache/i/content/images/3/7/7/3777466c1d8f486897f6d4c0cc697ec0-760×665.webp

  6. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison (36): Sélection darwinienne

    Quoi qu’il en soit, les crises sont malheureusement devenues une véritable sélection darwinienne et la globalisation et le consumérisme ont été de formidables leviers s’inscrivant dans la suite logique – ou du moins paradoxale – des romans dystopiques du “Meilleur des monde & Retour au meilleur des mondes” de l’écrivain Aldous Huxley (1891-1963) pour qui, “la dictature parfaite serait une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, un système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude”.

    Ceci étant dit par provocation, Bernard Stiegler, philosophe et essayiste nous le faisait aussi très bien remarquer dans une tribune datée de 2009: “Notre modèle a détourné tous les désirs du consommateur vers les objets de consommation en se développant tout d’abord de manière heureuse (modèle fordien et keynésien) mais il s’est transformé par la suite en machine à détruire la libido. Alors règne la consommation addictive fondée sur la satisfaction immédiate des pulsions. Le résultat est que la société de consommation ne devient plus productrice de désirs mais de dépendances. C’est un modèle dangereux. Le consommateur y devient malheureux comme peut l’être le toxicomane qui dépend de ce qu’il consomme mais déteste ce dont il dépend”. Toutefois, les crise économiques actuelles et les dépressions à venir ne peuvent pas être encore et toujours systématiquement payées par la famine des pauvres, des classes moyennes, des jeunes et des vieillards. Sont-ils tous condamnés, comme le craignait Keynes, “à être à la rue alors même que les logements à disposition sont innombrables”? Car la femme et l’homme ordinaires se retrouvent aujourd’hui confrontés à une réalité contre-nature: condamnés à l’appauvrissement et à un avenir de plus en plus incertain. Tout comme ils ont ignoré que la création monétaire – à l’objectif initial pourtant louable – s’est résumé essentiellement à des orgies sans fin pour les plus riches. Les responsables politiques s’honoreraient de leur dire la vérité. Nos citoyens méritent cette vérité. Car, oui, il est possible d’imprimer de la richesse. Et, non, il n’est pas possible d’imprimer l’égalité. Avec ce dernier paradoxe, nul besoin de souligner que les économistes hétérodoxes sont déjà en voie d’extinction.

    Tout comme il est inutile de compter sur Héraclès pour nettoyer les écuries d’Augias si l’individualisme l’emporte sur l’Intérêt général. Une amnésie déconcertante de toutes les parties qui nous rappelle ô combien chaque nouvelle année le Mythe de Sisyphe (Albert Camus 1913 – 1960) renaît, sans pour autant le rendre heureux.

  7. Bien que (sans aucune surprise) le hedge fund manager de la BNS – Thomas Jordan – ait reconnu que ses équipes avaient trop longtemps sous-estimé les risques d’inflation, et que le bilan de cette institution helvétique reste gorgé de devises, de créances et d’actifs financiers libellés en devises étrangères, ce qui lui a notamment valu une perte considérable sur ses positions exprimées en monnaies non nationales – Thomas Jordan s’est résolument voulu optimiste, soit!

    Sur le plan de l’évolution des salaires réels (corrigés de l’inflation) comme le montre l’infographie, certes, la Suisse est pour l’instant l’une des rares économies analysées qui semble avoir été épargnée. Cependant, nous devons toujours se méfier de l’eau qui dort!

    https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/28952.jpeg

  8. Cher Raymond, quelle belle pensée que votre “Sélection Darwinienne”, qui , à mon humble avis, n’a rien de “naturelle”.
    Et puis, non, les économistes hétérodoxes ne sont pas encore moribonds.
    Ils ont même une belle espérance de vie: il leur faut juste du courage, et un soutien indéfectible de la part des “arnaqués”.
    Car le Capitalisme moderne ultralibéraliste est une arnaque américaine.
    Elle a probablement commencé avec l’invention du computer chez IBM, et s’est concrétisée avec l’abandon de l’étalon-or, et l’installation dans les computers à Wall Street d’algorithmes intelligents et directionnels, favorables au dollar américain.
    Cette manipulation a permis aux USA de faire travailler toute la planète à leur seul profit, avec les moyens additionnels qu’offre la planche à billets… et cela ne fait que commencer si l’on ne fait rien. Rappelons qu’au temps de l’étalon-or, le dollar valait plus de 4 francs suisses, qu’il a atteint 0.7 sfr en 2011, qu’il n’y a pas de “plus bas” que l’impossible zéro avec 100% de chômage en Suisse.
    Au profit direct du travail des autres, les Américains ont eu la géniale idée d’introduire dans la finance le jeu et les paris qui représentent, vous l’avez dit, beaucoup plus que toute la vraie Economie.
    Contre cette double arnaque, il nous faut aujourd’hui une armée de mathématiciens pour démasquer l’imposture, intelligente certes, mais coupable des Américains. Des mathématiciens qui pourraient s’attaquer à des modèles de prévision du Futur pour découvrir l’identité du système algorithmique qui tourne dans les computers de la finance, des “modèles simples, mais pas très simples”, comme disait Einstein.
    Quand on aura trouvé l’origine de l’arnaque, on sera devenu plus intelligent pour négocier avec l’imposteur pour réclamer ce qui nous est dû, et éviter la catastrophe programmée.
    Et c’est urgent.
    Cher Raymond, il n’y a donc pas de “Sélection Darwinienne” … naturelle : c’est juste un hold-up bien organisé par des gens intelligents et masqués qui ont introduit une mutation algorithmique programmée dans notre génome financier, pour nous transformer en robots, et pour enrichir les riches et appauvrir les pauvres.
    Je ne suis pas sûr, si on pourra rendre Sisyphe heureux: peut-être pourra-t-on quand même un jour lui conseiller de ne pas remonter la pierre sans réfléchir !

    1. Bonjour cher BERNARD,

      En effet, vous avez raison sur plusieurs points et cette “sélection darwinienne” dont je parle n’a rien de naturelle. Par votre humanisme, j’ai retenu votre remarque pleine de bon sens qui me procure encore plus de force, à savoir “les économistes hétérodoxes ne sont pas encore moribonds. Ils ont même une belle espérance de vie: il leur faut juste du courage, et un soutien indéfectible de la part des arnaqués”. Mille mercis pour votre intervention constructive.

      Cordialement
      P.R

  9. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison Master class V: La quadrature du cercle?

    Comment nos apprentis-sorciers vont-ils à présent gérer une situation où les banques centrales devraient réduire leurs bilans d’au moins 5 000 milliards de dollars US? En effet, la bulle de 20 000 milliards de dollars US générée depuis 2008 ne peut être résolue avec 5 000 milliards de dollars. Un resserrement de 5 000 milliards de dollars américains reste modéré, c’est-à-dire toujours accommodant. Pour revenir aux niveaux d’avant 2020, la Fed devrait réduire son bilan d’autant à elle seule, alors que les banques centrales des économies développées devraient resserrer leur politique monétaire de 5 000 milliards de dollars US, ce qui viendrait s’ajouter à plus de 2 500 milliards de dollars US de financement du déficit public dans les mêmes pays. Autant dire une quadrature du cercle ou comme je l’ai déjà fait savoir dans le temps et l’espace, “il faudra peut-être un jour passer par la case “destruction du capital”.

    Dans une récente interview, le président de la Bundesbank, Joachim Nagel, a déclaré que la BCE commencerait à réduire son bilan en 2023 en ajoutant qu'”une récession pourrait être insuffisante pour ramener l’inflation sur la cible”. Cela laisse entendre que “l’outil anti-fragmentation” actuellement utilisé pour masquer le risque des obligations périphériques pourrait commencer à perdre son effet placebo sur les actifs souverains. De plus, le coût des fonds propres et le coût moyen pondéré du capital augmentent dès que les spreads des obligations souveraines commencent à augmenter. Ainsi, comme le capital ne peut qu’être créé ou détruit car il ne reste jamais constant, alors si les banques centrales veulent lutter efficacement contre l’inflation, la destruction de capital paraît inévitable.

    Mais ne croyons pas un instant que les banques centrales ne sont pas conscientes du pire des scénarios: “à savoir une inflation élevée et une récession qui pourraient avoir un impact prolongé sur les citoyens, avec une montée du mécontentement et un appauvrissement généralisé”. Ils savent aussi qu’ils ne peuvent pas maintenir l’inflation à un niveau au-dessus de la cible pour satisfaire les attentes du marché en matière de hausse des valorisations, car les mêmes banques centrales qui affirment que l’effet de richesse se multiplie positivement sont conscientes des conséquences désastreuses d’ignorer l’inflation. Comme du reste la Banque Nationale Suisse (BNS) vient de l’apprendre à ses dépends par le résultat de sa conduite monétaire et de son financement – digne d’un hedge fund – où les collatéraux ne sont autre que l’épargne de tout le pays. Bien que les fondations économiques de la Suisse restent en apparence relativement saines, toutefois l’on a cette fâcheuse tendance à ne vouloir considérer que l’endettement des ménages dépasse le 140% (un taux d’endettement ayant plus que triplé en trois décennies) du produit intérieur brut qui représente un risque systémique. Dans une de mes innombrables interventions sur le blog du Professeur et Dr. Sergio Rossi – à l’instar de celle postée le 30 novembre 2020 à 19h 10 min – à savoir: “Par paresse et facilité, comprenons bien que nos gouvernements ont délibérément choisi la voie de la “zombification” de nos économies réelles au travers du levier de l’endettement. En effet, que les flambées immobilières ne nous induisent pas en erreur car, tant aux Etats-Unis qu’en Europe (bien évidemment aussi en Suisse), les multiples aides en faveur de l’accession à la propriété n’ont été que la manière la plus facile pour les banques et pour l’Etat de créer des capitaux afin de nous donner une illusion de confort matériel et, ce, à mesure que nos salaires pour leur part étaient en plein déclin. Le processus est élémentaire car l’argent créé par les banques est ainsi utilisé au jour le jour pour l’ensemble de nos transactions quotidiennes, sans même que l’on y pense ou qu’on le soupçonne. De fait, nos cycles économiques sont désormais très substantiellement affectés par le marché immobilier, car c’est à ce dernier que nos économies doivent l’essentiel de la masse monétaire en circulation (selon la logique des crédits font les dépôts et non l’inverse). Dès lors, et comme l’immobilier est le régulateur fondamental de notre croissance, toute crise immobilière exerce des effets quasiment dévastateurs sur l’ensemble de l’activité économique. L’effet multiplicateur du marché immobilier est donc magnifié, dans le bon sens mais surtout dans le mauvais, car huit des dix dernières récessions occidentales furent provoquées par des crises immobilières. En effet, en dépit de l’intégration de nos économies, malgré toutes leurs avancées technologiques et leur taille parfois gigantesque (comme celle par exemple des Etats-Unis), une tourmente immobilière dégénère quasi-immanquablement en récession généralisée car l’immobilier est aux sources d’une création monétaire massive.

    Comme le système financier, et avec eux les pouvoirs publics, sont pertinemment conscients des dangers existentiels d’une chute brutale de ce marché, c’est également le système de la valorisation des biens qui se retrouve faussé. Il y a en effet trois principales méthodes pour estimer la valeur d’un bien immobilier – le cash flow, le coût de remplacement et par comparaison. Cependant, comme le cash flow – c’est-à-dire les loyers – et comme les coûts de remplacement – c’est-à-dire la reconstruction pure et simple du bien en question – ne justifient évidemment pas les prix pratiqués, c’est donc la valorisation par comparaison qui prévaut. Cependant, comme le système bancaire privé s’adosse principalement sur l’immobilier pour sa création monétaire, et comme nul mécanisme ne saurait remplacer de nos jours l’effet de richesse induit par ce marché permettant de soutenir la consommation au sein de nos économies, nous nous retrouvons donc dans des situations aberrantes comme celle qui prévaut toujours aujourd’hui aux Etats-Unis où c’est l’Etat qui contrôle de facto le marché immobilier. En d’autres temps et avec l’or, ceci s’appelait l’étalon or, dont la convertibilité avec les billets de banque était légale et clairement définie. Aujourd’hui, les dollars, les euros et les francs suisses que nous possédons sont indirectement convertibles contre de l’immobilier puisque l’essentiel de la monnaie créée par les banques est justifiée par l’essor du marché immobilier. Comme les banques et comme le “shadow banking” créent de l’argent ex-nihilo simplement adossé sur une valorisation de l’immobilier (dont on sait de surcroît qu’elle est fallacieuse), nous vivons donc – non dans un système d’étalon or – mais d’”étalon immobilier”, où la quasi-totalité de notre monnaie n’existe que par ce marché et que pour encourager son appréciation”.

    D’autre part, pour revenir à nos moutons, quand l’excuse énergétique dans les estimations d’inflation va probablement s’évaporer, ce sera le test clé pour les banques centrales. Tout comme l’excuse de la chaîne d’approvisionnement qui disparaît, l’excuse temporaire est devenue obsolète alors que l’excuse énergétique perd progressivement une partie de sa crédibilité depuis quelques mois. La réalité peu attrayante de la hausse de l’inflation sous-jacente et super-sous-jacente a été exposée par la récente chute des matières premières et les banques centrales ne peuvent pas accepter une inflation soutenue car cela signifierait qu’elles auraient totalement et conjointement failli à leur mandat. Dès lors, l’année 2023 ainsi que la suivante risquent d’être martelées par d’inquiétants troubles sociaux.

    Enfin, croyez bien que j’espère vraiment me tromper et voir le verre à moitié plein.

  10. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison Master class VI: L’hypocrisie de l’ESG?

    Aujourd’hui et plus que jamais, les “bien-pensants” de la finance de haut vol nous abreuvent de leurs discours visant une finance plus responsable, c’est-à-dire différentes pratiques qui auraient pour objectif une rentabilité financière doublée d’un impact environnemental, social ou sociétal – “respect des droits de l’Homme, abolition du travail des enfants, lutte contre le réchauffement climatique, investissement propre et zéro carbone” – alors autant s’interroger tout de suite: – Croyons-nous encore au Père-Noël? Personnellement j’aimerai bien car le postulat initial reste louable derrière le sigle “ESG”, désignant les critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance qui constituent généralement les trois piliers de l’analyse extra-financière. Poutant, c’est plus compliqué que ça! Malheureusement, de nos jours – alors qu’il fut une époque où la vocation première des bourses était de mettre les pourvoyeurs de capitaux en relation avec les sociétés ayant besoin de leurs liquidités, que les investisseurs étaient supposés percevoir une participation au développement de l’entreprise en contrepartie du risque assumé en mettant leurs capitaux à sa disposition; la finance au service de l’économie réelle – et pas un monde de l’argent qui ne cesse de trouver des parades afin de se soustraire aux contraintes du tiroir caisse, comme si tout se jouait à présent sous la table.

    Récemment, le monde de l’argent nous a (sans surprise) permis d’acter le phénomène de corruption au sein du Parlement européen afin d’orienter la domiciliation de la compétition du football mondial au Qatar – politisant cette coupe sportive et ses valeurs sur l’autel des enjeux financiers et économiques. Mais maintenant, face aux récentes accusations visant l’émirat, la main de fer de la diplomatie qatarie a envoyé un message on ne peut plus clair: “Cela pourrait avoir un effet négatif sur les discussions en cours sur la sécurité énergétique mondiale”. Ah bon, comme c’est étonnant ! Alors que depuis des lustres, l’Europe a massivement accueillit intra-muros les investissements du Qatar, tout comme la Suisse du reste qui a vu, entre-autres, le premier sauvetage du Credit Suisse Group avec des fonds du Qatar. Et ce n’est pas un hasard non plus si le fond souverain du Qatar (Qatar Investment Authority) s’est proposé de relever sa participation dans la banque aux deux voiles (CS) pour son second sauvetage en moins de trois de lustres. Certains ont vite oublié le passage du récit d’Homère où ce dernier relate “le mythe du cheval de Troie”.

    Un monde de l’argent pas brillant mais avec lequel certains composent à la lumière des maux – faute d’action courageuse et de grands chantiers – tandis que d’autres s’accommodent d’une novlangue à la seule lueur des mots. Si le philosophe stoïcien, Marc Aurèle, nous rappelait ô combien “les mots sont une opinion, pas un fait”, néanmoins, il concluait sa maxime en affirmant que “l’action est la seule vérité”. Ceci me renvoi inévitablement à la profondeur d’esprit du billet de l’économiste suisse et professeur de finance quantitative, Marc Chesney. Ce directeur du Département de banque et finance et du Centre de compétence en finance durable de l’Université de Zurich – à propos de la COP27 – nous faisait remarquer par ses lignes du 17 novembre dernier, que “les COPains se réunissent à nouveau dans le cadre de la COP27. Ils se proposent sans doute de fêter somptueusement le non-accomplissement de la plupart de leurs promesses environnementales”. Renchérissant avec un brio de subtilités :”Pour éviter d’émettre des gaz à effet de serre en grandes quantités, les dirigeants de ce monde et leurs amis lobbyistes des énergies fossiles et de la finance, auraient pu au moins refuser de s’y rendre en avions de type présidentiel ou en jets privés, mais plutôt y arriver à dos de chameau. Comme la COP se terminera le 18 ou le 19 novembre, en fonction de la fin des festivités, et que la Coupe du monde de football ne commencera que le 20 novembre, il leur aurait même été possible de voyager ainsi de Charm el-Cheikh à Doha, en formant une caravane verte pour le climat, verte comme le dollar, pour aller assister à une Coupe supposée neutre en carbone”.

    https://marcchesney.com/fr/media/17-11-2022-le-temps-de-charm-el-cheikh-a-doha/

    Plus cocasse encore, aux États-Unis où l’hégémonie du dollar US domine le monde, tout à l’instar de Wall Street et de la Réserve fédérale américaine (Fed), l’alliance Net Zero Asset Managers – créée il y a à peine deux ans avant de rejoindre “la Glasgow Financial Alliance for Net Zero”, soutenue par l’ONU, et dirigée par l’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney. Cette dernière réuni des gestionnaires d’actifs d’une valeur totale de 66 000 milliards de dollars. Or, en octobre dernier, des banques telles que JP Morgan, Morgan Stanley et Bank of America ont menacé de quitter le groupe d’institutions financières soucieuses de l’ESG soutenu par l’ONU. Le Texas, lui, a menacé de retirer ses investissements aux grands gestionnaires d’actifs s’ils continuaient à être hostiles à l’industrie pétrolière et gazière. Puis, courant du mois de décembre, Vanguard, un des plus grand gestionnaire d’actifs au monde est sorti d’une alliance bancaire nette zéro en disant qu’il voulait plus d’indépendance et plus de clarté sur ses engagements ESG envers les investisseurs.

    Enfin, une semaine plus tard, HSBC, le prêteur basé au Royaume-Uni et axé sur le monde en développement annonçait qu’il suspendrait le financement direct et les services de conseil aux nouveaux projets pétroliers et gaziers, cédant sous la pression des actionnaires et des militants écologistes. Les deux événements semblent complètement indépendants, mais ils sont des signes avant-coureurs!!! En effet, des fractures dans le mouvement d’investissement ESG apparaissent et devraient s’aggraver à un moment où la consommation de combustibles fossiles devrait atteindre un nouveau sommet. C’est donc dans la législation que les plus grandes fissures apparaissent aux États-Unis, après que les républicains ont retrouvé la majorité de la chambre basse du parlement américain et ont commencé une répression des investissements ESG et la possibilité que ces investissements violent la loi antitrust. Ce sont ces mêmes républicains, tant au Congrès que dans les États, qui font monter la pression sur les gestionnaires d’actifs et les banques quant à leurs engagements ESG. Et certains retirent même leurs investissements des majors : la Floride ayant récemment retiré 2 milliards de dollars d’investissements de BlackRock en raison de son programme ESG.

    Pour le monde de l’argent, sans foi ni loi (du moins morales) des doutes commencent à poindre sur la rentabilité réelle d’un tel investissement ESG censé être supérieur à l’investissement traditionnel. La preuve de ces rendements plus élevés semble manquer de crédibilité et, peut-être plus important encore, les avantages réels de l’investissement ESG pour la planète semblent également ne pas être là. En raison de cette pression, HSBC a dû rapidement mettre à jour ses politiques et s’engager à refuser le financement aux clients potentiels du pétrole et du gaz qui prévoient d’allouer plus de 10 % de leurs dépenses en capital à l’exploration de projets, ce qui serait la plupart d’entre eux. Pourtant cet engagement semble plus symbolique que réel, selon le Financial Times, car si la majeure partie du financement que HSBC a fourni à l’industrie pétrolière et gazière est un financement non lié à des projets spécifiques et, par implication, serait un financement que la banque pourrait continuer à fournir même après ce dernier engagement. Un serpent de mer qui montre à l’envi que les résolutions sur le climat, qui ont échoué à plusieurs reprises lors des assemblées générales des grandes sociétés pétrolières dans le passé, ont à présent une nouvelle priorité, prenant le pas sur l’environnement, le social et la gouvernance : La sécurité énergétique qui dopera le monde de l’argent.

    Alors, retour à la case départ ou en route vers un plus grand casse du siècle? Pourtant, nous avons tous, chacun d’entre nous, un pouvoir extraordinaire pour ré-enchanter notre monde, suffit-t-il de gratifier un intérêt commun par nos votes – au-delà du seul attachement congénital à un parti politique, quelqu’il soit – pour qu’enfin nous commencions à réfléchir par nous-mêmes; cet affranchissement, cette volonté à renverser la table, nous, les 90%, les devons tel un héritage concédé à nos enfants; petits-enfants; proches, et non un leg distribué les yeux fermés à l’homo-politicus, plus soucieux à faire bouillir sa propre marmite selon sa propre conception de l’Intérêt général qu’il aura puisé dans les tréfonds de la “Public Choice Theory”.

    Ne leur offrons plus systématiquement les clés de la médiocratie – nous méritons mieux qu’une ploutocratie corrompue aux intérêts personnels – tel sera mon vœu pour la nouvelle année.

  11. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison (37): Présent & Futur, deux notions indissociables

    Aujourd’hui, “les 60 plus grandes banques du monde sont exposées à environ 1,35 billion (1billion = mille milliards) de dollars d’actifs risqués liés aux combustibles fossiles. Les risques liés au climat n’étant pas pris en compte dans les règles prudentielles, la menace d’une crise des “subprimes fossiles” augmentera jusqu’à ce que les exigences en fonds propres des banques soient ajustées en conséquence. Le dernier rapport de Finance Watch explore les impacts de l’ajustement des exigences de fonds propres pour les expositions aux combustibles fossiles et conclut que trois à cinq mois de bénéfices bancaires pourraient contribuer grandement à protéger les contribuables contre l’accumulation de risques systémiques liés au climat. Les superviseurs bancaires sont de plus en plus préoccupés par les liens entre le changement climatique et la stabilité financière. Au cœur de la question se trouve le financement par les banques des énergies fossiles , qui sont les principaux contributeurs à l’accélération du changement climatique.
    Pour cette raison, de nombreux actifs associés à l’industrie des combustibles fossiles devront être abandonnés avant la fin de leur vie économique – pour réaliser la transition vers une économie neutre en carbone – à un coût énorme pour les institutions financières. L’estimation et la gestion de ces nouveaux risques financiers sont désormais au cœur des préoccupations des autorités prudentielles du monde entier (…)

    Rapport:

    https://www.finance-watch.org/three-months-of-banking-profits-could-prevent-a-fossil-subprime-crisis/

    À cet égard, la Suisse aussi se doit de considérer le présent et le futur avec ce nouveau risque financier systémique car, si les institutions financières sont tenues de réorienter les flux financiers d’une manière plus durable, cela impacte inévitablement les caisses de pension, le fonds AVS et la Suva.

    https://www.klima-allianz.ch/wp-content/uploads/Rating-climatique_03-22-Website-768×543.png

    Autant l’exprimer clairement: Les investissements fossiles représentent un risque non seulement pour le climat, mais aussi pour nos retraites. En effet, aujourd’hui encore, les institutions de prévoyance mettent toujours en péril les capitaux des assuré(e)s! Alors, avant que le bât finisse par avoir raison de notre peau – d’une manière ou l’autre – notre survie est désormais conditionnée à la transition climatique au prisme de la stabilité financière; toutefois, à défaut d’un soutien inconditionnel des institutions d’importance systémique, à l’instar de la Banque nationale suisse (BNS) et la main de fer de la FINMA (régulateur helvétique) qui devraient déjà prendre de leur côté des mesures indispensables à la bonne transition en assumant leurs parts de responsabilités, nous serons voués aux gémonies.

    Faisons en sorte que l’an 2023 porte un des signes du philosophe Marc Aurèle, à savoir “que la force me soit donnée de supporter ce qui ne peut être changé et le courage de changer ce qui peut l’être mais aussi la sagesse de distinguer l’un de l’autre”

  12. Ce “Voyage dans le temps et l’espace” tombe le rideau sur cette année, mais ne baissons pas les bras comme tant d’autres l’ont fait avant nous; réapproprions-nous ce courage afin de réenchanter notre monde.

    Que mes Meilleurs Vœux vous accompagnent durant l’an 2023, comme ces réflexions extraites du discours prononcé par Alexandre Soljénitsyne, prix Nobel de littérature(1970) à Harvard le 8 juin 1978. Il condamne alors les deux systèmes économiques – le communisme et le capitalisme. Il dénonce surtout la chute spirituelle de la civilisation.

    Bien à vous tous
    P.R.

    **********
    [Je suis très sincèrement heureux de me trouver ici parmi vous, à l’occasion du 327ème anniversaire de la fondation de cette université si ancienne et si illustre. La devise de Harvard est « VERITAS ». La vérité est rarement douce à entendre ; elle est presque toujours amère. Mon discours d’aujourd’hui contient une part de vérité ; je vous l’apporte en ami, non en adversaire. Il y a trois ans, aux Etats-Unis, j’ai été amené à dire des choses que l’on a rejeté, qui ont paru inacceptables. Aujourd’hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d’alors.(…)

    Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l’Ouest aujourd’hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. Ce déclin du courage est particulièrement sensible dans la couche dirigeante et dans la couche intellectuelle dominante, d’où l’impression que le courage a déserté la société toute entière. Bien sûr, il y a encore beaucoup de courage individuel mais ce ne sont pas ces gens là qui donnent sa direction à la vie de la société. Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu’ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d’agir, qui fonde la politique d’un Etat sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu’on se place. Ce déclin du courage, qui semble aller ici ou là jusqu’à la perte de toute trace de virilité, se trouve souligné avec une ironie toute particulière dans les cas où les mêmes fonctionnaires sont pris d’un accès subit de vaillance et d’intransigeance, à l’égard de gouvernements sans force, de pays faibles que personne ne soutient ou de courants condamnés par tous et manifestement incapables de rendre un seul coup. Alors que leurs langues sèchent et que leurs mains se paralysent face aux gouvernements puissants et aux forces menaçantes, face aux agresseurs et à l’Internationale de la terreur. Faut-il rappeler que le déclin du courage a toujours été considéré comme le signe avant coureur de la fin ?

    Quand les Etats occidentaux modernes se sont formés, fut posé comme principe que les gouvernements avaient pour vocation de servir l’homme, et que la vie de l’homme était orientée vers la liberté et la recherche du bonheur (en témoigne la déclaration américaine d’Indépendance.)Aujourd’hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un Etat assurant le bien-être général. Chaque citoyen s’est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu’il a cours depuis ces mêmes décennies.

    Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d’avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l’Ouest les marques de l’inquiétude et même de la dépression, bien qu’il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n’ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel.

    L’indépendance de l’individu à l’égard de nombreuses formes de pression étatique a été garantie ; la majorité des gens ont bénéficié du bien-être, à un niveau que leurs pères et leurs grands-pères n’auraient même pas imaginé ; il est devenu possible d’élever les jeunes gens selon ces idéaux, de les préparer et de les appeler à l’épanouissement physique, au bonheur, au loisir, à la possession de biens matériels, l’argent, les loisirs, vers une liberté quasi illimitée dans le choix des plaisirs. Pourquoi devrions-nous renoncer à tout cela ? Au nom de quoi devrait-on risquer sa précieuse existence pour défendre le bien commun, et tout spécialement dans le cas douteux où la sécurité de la nation aurait à être défendue dans un pays lointain ?

    Même la biologie nous enseigne qu’un haut degré de confort n’est pas bon pour l’organisme. Aujourd’hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux.

    La société occidentale s’est choisie l’organisation la plus appropriée à ses fins, une organisation que j’appellerais légaliste. Les limites des droits de l’homme et de ce qui est bon sont fixées par un système de lois ; ces limites sont très lâches. Les hommes à l’Ouest ont acquis une habileté considérable pour utiliser, interpréter et manipuler la loi, bien que paradoxalement les lois tendent à devenir bien trop compliquées à comprendre pour une personne moyenne sans l’aide d’un expert. Tout conflit est résolu par le recours à la lettre de la loi, qui est considérée comme le fin mot de tout. Si quelqu’un se place du point de vue légal, plus rien ne peut lui être opposé ; nul ne lui rappellera que cela pourrait n’en être pas moins illégitime. Impensable de parler de contrainte ou de renonciation à ces droits, ni de demander de sacrifice ou de geste désintéressé : cela paraîtrait absurde. On n’entend pour ainsi dire jamais parler de retenue volontaire : chacun lutte pour étendre ses droits jusqu’aux extrêmes limites des cadres légaux.

    J’ai vécu toute ma vie sous un régime communiste, et je peux vous dire qu’une société sans référent légal objectif est particulièrement terrible. Mais une société basée sur la lettre de la loi, et n’allant pas plus loin, échoue à déployer à son avantage le large champ des possibilités humaines. La lettre de la loi est trop froide et formelle pour avoir une influence bénéfique sur la société. Quand la vie est tout entière tissée de relations légalistes, il s’en dégage une atmosphère de médiocrité spirituelle qui paralyse les élans les plus nobles de l’homme.

    Et il sera tout simplement impossible de relever les défis de notre siècle menaçant armés des seules armes d’une structure sociale légaliste.

    Aujourd’hui la société occidentale nous révèle qu’il règne une inégalité entre la liberté d’accomplir de bonnes actions et la liberté d’en accomplir de mauvaises. Un homme d’Etat qui veut accomplir quelque chose d’éminemment constructif pour son pays doit agir avec beaucoup de précautions, avec timidité pourrait-on dire. Des milliers de critiques hâtives et irresponsables le heurtent de plein fouet à chaque instant. Il se trouve constamment exposé aux traits du Parlement, de la presse. Il doit justifier pas à pas ses décisions, comme étant bien fondées et absolument sans défauts. Et un homme exceptionnel, de grande valeur, qui aurait en tête des projets inhabituels et inattendus, n’a aucune chance de s’imposer : d’emblée on lui tendra mille pièges. De ce fait, la médiocrité triomphe sous le masque des limitations démocratiques.

    Il est aisé en tout lieu de saper le pouvoir administratif, et il a en fait été considérablement amoindri dans tous les pays occidentaux. La défense des droits individuels a pris de telles proportions que la société en tant que telle est désormais sans défense contre les initiatives de quelques-uns. Il est temps, à l’Ouest, de défendre non pas temps les droits de l’homme que ses devoirs.

    D’un autre côté, une liberté destructrice et irresponsable s’est vue accorder un espace sans limite. Il s’avère que la société n’a plus que des défenses infimes à opposer à l’abîme de la décadence humaine, par exemple en ce qui concerne le mauvais usage de la liberté en matière de violence morale faites aux enfants, par des films tout pleins de pornographie, de crime, d’horreur. On considère que tout cela fait partie de la liberté, et peut être contrebalancé, en théorie, par le droit qu’ont ces mêmes enfants de ne pas regarder er de refuser ces spectacles. L’organisation légaliste de la vie a prouvé ainsi son incapacité à se défendre contre la corrosion du mal. (…)

    L’évolution s’est faite progressivement, mais il semble qu’elle ait eu pour point de départ la bienveillante conception humaniste selon laquelle l’homme, maître du monde, ne porte en lui aucun germe de mal, et tout ce que notre existence offre de vicié est simplement le fruit de systèmes sociaux erronés qu’il importe d’amender. Et pourtant, il est bien étrange de voir que le crime n’a pas disparu à l’Ouest, alors même que les meilleurs conditions de vie sociale semblent avoir été atteintes. Le crime est même bien plus présent que dans la société soviétique, misérable et sans loi. (…)

    La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? (…) Quelle responsabilité s’exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l’encontre de son lectorat, ou de l’histoire ? S’ils ont trompé l’opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l’Etat, avons-nous le souvenir d’un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s’en tirera toujours. Etant donné que l’on a besoin d’une information crédible et immédiate, il devient obligatoire d’avoir recours aux conjectures, aux rumeurs, aux suppositions pour remplir les trous, et rien de tout cela ne sera jamais réfuté ; ces mensonges s’installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? La presse peut jouer le rôle d’opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d’Etat touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l’intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ». Mais c’est un slogan faux, fruit d’une époque fausse ; d’une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n’a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d’information. (…) Autre chose ne manquera pas de surprendre un observateur venu de l’Est totalitaire, avec sa presse rigoureusement univoque : on découvre un courant général d’idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d’esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d’intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d’une compétition mais d’une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant.

    Sans qu’il y ait besoin de censure, les courants de pensée, d’idées à la mode sont séparés avec soin de ceux qui ne le sont pas, et ces derniers, sans être à proprement parler interdits, n’ont que peu de chances de percer au milieu des autres ouvrages et périodiques, ou d’être relayés dans le supérieur. Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l’engouement à la mode. Sans qu’il y ait, comme à l’Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d’apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l’apparition d’un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. Aux Etats-Unis, il m’est arrivé de recevoir des lettres de personnes éminemment intelligentes … peut-être un professeur d’un petit collège perdu, qui aurait pu beaucoup pour le renouveau et le salut de son pays, mais le pays ne pouvait l’entendre, car les média n’allaient pas lui donner la parole. Voilà qui donne naissance à de solides préjugés de masse, à un aveuglement qui à notre époque est particulièrement dangereux. (…)

    Il est universellement admis que l’Ouest montre la voie au monde entier vers le développement économique réussi, même si dans les dernières années il a pu être sérieusement entamé par une inflation chaotique. Et pourtant, beaucoup d’hommes à l’Ouest ne sont pas satisfaits de la société dans laquelle ils vivent. Ils la méprisent, ou l’accusent de plus être au niveau de maturité requis par l’humanité. Et beaucoup sont amenés à glisser vers le socialisme, ce qui est une tentation fausse et dangereuse. J’espère que personne ici présent ne me suspectera de vouloir exprimer une critique du système occidental dans l’idée de suggérer le socialisme comme alternative. Non, pour avoir connu un pays où le socialisme a été mis en oeuvre, je ne prononcerai pas en faveur d’une telle alternative. (…) Mais si l’on me demandait si, en retour, je pourrais proposer l’Ouest, en son état actuel, comme modèle pour mon pays, il me faudrait en toute honnêteté répondre par la négative. Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne. On ne peut nier que les personnalités s’affaiblissent à l’Ouest, tandis qu’à l’Est elles ne cessent de devenir plus fermes et plus fortes. Bien sûr, une société ne peut rester dans des abîmes d’anarchie, comme c’est le cas dans mon pays. Mais il est tout aussi avilissant pour elle de rester dans un état affadi et sans âme de légalisme, comme c’est le cas de la vôtre. Après avoir souffert pendant des décennies de violence et d’oppression, l’âme humaine aspire à des choses plus élevées, plus brûlantes, plus pures que celles offertes aujourd’hui par les habitudes d’une société massifiée, forgées par l’invasion révoltante de publicités commerciales, par l’abrutissement télévisuel, et par une musique intolérable.

    Tout cela est sensible pour de nombreux observateurs partout sur la planète. Le mode de vie occidental apparaît de moins en moins comme le modèle directeur. Il est des symptômes révélateurs par lesquels l’histoire lance des avertissements à une société menacée ou en péril. De tels avertissements sont, en l’occurrence, le déclin des arts, ou le manque de grands hommes d’Etat. Et il arrive parfois que les signes soient particulièrement concrets et explicites. Le centre de votre démocratie et de votre culture est-il privé de courant pendant quelques heures, et voilà que soudainement des foules de citoyens Américains se livrent au pillage et au grabuge. C’est que le vernis doit être bien fin, et le système social bien instable et mal en point.

    Mais le combat pour notre planète, physique et spirituel, un combat aux proportions cosmiques, n’est pas pour un futur lointain ; il a déjà commencé. Les forces du Mal ont commencé leur offensive décisive. Vous sentez déjà la pression qu’elles exercent, et pourtant, vos écrans et vos écrits sont pleins de sourires sur commande et de verres levés. Pourquoi toute cette joie ?

    Comment l’Ouest a-t-il pu décliner, de son pas triomphal à sa débilité présente ? A-t-il connu dans son évolution des points de non-retour qui lui furent fatals, a-t-il perdu son chemin ? Il ne semble pas que cela soit le cas. L’Ouest a continué à avancer d’un pas ferme en adéquation avec ses intentions proclamées pour la société, main dans la main avec un progrès technologique étourdissant. Et tout soudain il s’est trouvé dans son état présent de faiblesse. Cela signifie que l’erreur doit être à la racine, à la fondation de la pensée moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident à l’époque moderne. Je parle de la vision du monde qui a prévalu en Occident, née à la Renaissance, et dont les développements politiques se sont manifestés à partir des Lumières. Elle est devenue la base da la doctrine sociale et politique et pourrait être appelée l’humanisme rationaliste, ou l’autonomie humaniste : l’autonomie proclamée et pratiquée de l’homme à l’encontre de toute force supérieure à lui. On peut parler aussi d’anthropocentrisme : l’homme est vu au centre de tout.

    Historiquement, il est probable que l’inflexion qui s’est produite à la Renaissance était inévitable. Le Moyen Age en était venu naturellement à l’épuisement, en raison d’une répression intolérable de la nature charnelle de l’homme en faveur de sa nature spirituelle. Mais en s’écartant de l’esprit, l’homme s’empara de tout ce qui est matériel, avec excès et sans mesure. La pensée humaniste, qui s’est proclamée notre guide, n’admettait pas l’existence d’un mal intrinsèque en l’homme, et ne voyait pas de tâche plus noble que d’atteindre le bonheur sur terre. Voilà qui engagea la civilisation occidentale moderne naissante sur la pente dangereuse de l’adoration de l’homme et de ses besoins matériels.Tout ce qui se trouvait au-delà du bien-être physique et de l’accumulation de biens matériels, tous les autres besoins humains, caractéristiques d’une nature subtile et élevée, furent rejetés hors du champ d’intérêt de l’Etat et du système social, comme si la vie n’avait pas un sens plus élevé. De la sorte, des failles furent laissées ouvertes pour que s’y engouffre le mal, et son haleine putride souffle librement aujourd’hui. Plus de liberté en soi ne résout pas le moins du monde l’intégralité des problèmes humains, et même en ajoute un certain nombre de nouveaux.

    Et pourtant, dans les jeunes démocraties, comme la démocratie américaine naissante, tous les droits de l’homme individuels reposaient sur la croyance que l’homme est une créature de Dieu. C’est-à-dire que la liberté était accordée à l’individu de manière conditionnelle, soumise constamment à sa responsabilité religieuse. Tel fut l’héritage du siècle passé.

    Toutes les limitations de cette sorte s’émoussèrent en Occident, une émancipation complète survint, malgré l’héritage moral de siècles chrétiens, avec leurs prodiges de miséricorde et de sacrifice. Les Etats devinrent sans cesses plus matérialistes. L’Occident a défendu avec succès, et même surabondamment, les droits de l’homme, mais l’homme a vu complètement s’étioler la conscience de sa responsabilité devant Dieu et la société. Durant ces dernières décennies, cet égoïsme juridique de la philosophie occidentale a été définitivement réalisé, et le monde se retrouve dans une cruelle crise spirituelle et dans une impasse politique. Et tous les succès techniques, y compris la conquête de l’espace, du Progrès tant célébré n’ont pas réussi à racheter la misère morale dans laquelle est tombé le XXème siècle, que personne n’aurait pu encore soupçonner au XIXème siècle.

    L’humanisme dans ses développements devenant toujours plus matérialiste, il permit avec une incroyable efficacité à ses concepts d’être utilisés d’abord par le socialisme, puis par le communisme, de telle sorte que Karl Marx pût dire, en 1844, que « le communisme est un humanisme naturalisé. » Il s’est avéré que ce jugement était loin d’être faux. On voit les mêmes pierres aux fondations d’un humanisme altéré et de tout type de socialisme : un matérialisme sans frein, une libération à l’égard de la religion et de la responsabilité religieuse, une concentration des esprits sur les structures sociales avec une approche prétendument scientifique. Ce n’est pas un hasard si toutes les promesses rhétoriques du communisme sont centrées sur l’Homme, avec un grand H, et son bonheur terrestre. A première vue, il s’agit d’un rapprochement honteux : comment, il y aurait des points communs entre la pensée de l’Ouest et de l’Est aujourd’hui ? Là est la logique du développement matérialiste. (…)

    Je ne pense pas au cas d’une catastrophe amenée par une guerre mondiale, et aux changements qui pourraient en résulter pour la société. Aussi longtemps que nous nous réveillerons chaque matin, sous un soleil paisible, notre vie sera inévitablement tissée de banalités quotidiennes. Mais il est une catastrophe qui pour beaucoup est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d’une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse.

    Elle a fait de l’homme la mesure de toutes choses sur terre, l’homme imparfait, qui n’est jamais dénué d’orgueil, d’égoïsme, d’envie, de vanité, et tant d’autres défauts. Nous payons aujourd’hui les erreurs qui n’étaient pas apparues comme telles au début de notre voyage. Sur la route qui nous a amenés de la Renaissance à nos jours, notre expérience s’est enrichie, mais nous avons perdu l’idée d’une entité supérieure qui autrefois réfrénait nos passions et notre irresponsabilité.

    Nous avions placé trop d’espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu’on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. A l’Est, c’est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l’Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n’est même pas le fait du monde éclaté, c’est que les principaux morceaux en soient atteints d’une maladie analogue. Si l’homme, comme le déclare l’humanisme, n’était né que pour le bonheur, il ne serait pas né non plus pour la mort. Mais corporellement voué à la mort, sa tâche sur cette terre n’en devient que plus spirituelle : non pas un gorgement de quotidienneté, non pas la recherche des meilleurs moyens d’acquisition, puis de joyeuse dépense des biens matériels, mais l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, en sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle : quitter cette vie en créatures plus hautes que nous n’y étions entrés.

    Il est impératif que nous revoyions à la hausse l’échelle de nos valeurs humaines. Sa pauvreté actuelle est effarante. Il n’est pas possible que l’aune qui sert à mesurer de l’efficacité d’un président se limite à la question de combien d’argent l’on peut gagner, ou de la pertinence de la construction d’un gazoduc. Ce n’est que par un mouvement volontaire de modération de nos passions, sereine et acceptée par nous, que l’humanité peut s’élever au-dessus du courant de matérialisme qui emprisonne le monde.

    Quand bien même nous serait épargné d’être détruits par la guerre, notre vie doit changer si elle ne veut pas périr par sa propre faute. Nous ne pouvons nous dispenser de rappeler ce qu’est fondamentalement la vie, la société. Est-ce vrai que l’homme est au-dessus de tout ? N’y a-t-il aucun esprit supérieur au-dessus de lui ? Les activités humaines et sociales peuvent-elles légitimement être réglées par la seule expansion matérielle ? A-t-on le droit de promouvoir cette expansion au détriment de l’intégrité de notre vie spirituelle ?

    Si le monde ne touche pas à sa fin, il a atteint une étape décisive dans son histoire, semblable en importance au tournant qui a conduit du Moyen-âge à la Renaissance. Cela va requérir de nous un embrasement spirituel. Il nous faudra nous hisser à une nouvelle hauteur de vue, à une nouvelle conception de la vie, où notre nature physique ne sera pas maudite, comme elle a pu l’être au Moyen-âge, mais, ce qui est bien plus important, où notre être spirituel ne sera pas non plus piétiné, comme il le fut à l’ère moderne.

    Notre ascension nous mène à une nouvelle étape anthropologique. Nous n’avons pas d’autre choix que de monter … toujours plus haut]

    Alexandre Soljénitsyne, Le Déclin du courage, Harvard, 8 juin 1978
    **********

    👉 À 2023 pour de nouvelles aventures 👈

  13. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison 2023 (1): Après le Capitalisme de connivence, place au Corporatisme démocratisé?

    Les époques peuvent durer des décennies, et seuls ceux qui ont vécu assez longtemps pour se souvenir des époques précédentes ont connu la transition d’une époque à l’autre. L’ère de la financiarisation, de la mondialisation et du pétrole/gaz naturel bon marché et abondant a commencé il y a plus de 40 ans en 1981. L’ère des technologies numériques / Internet a pris son envol il y a environ 30 ans. Toutes ces dynamiques se sont accélérées au début des années 2000, il y a environ 20 ans. Or, aujourd’hui, toutes ces dynamiques entrent dans une phase de turbulence non linéaire car les changements dépassent la capacité d’auto-correction de ces systèmes hautement optimisés. Cette instabilité fut accélérée en faisant plus que l’on croyait fonctionner à l’ère précédente, une fuite en avant confortée par une croyance erronée. Ainsi, les correctifs qui ont soi-disant fonctionné dans le passé ne résoudront pas l’instabilité non linéaire puisque toutes ces dynamiques ont atteint la saturation. Même notre planète a fini par les régurgiter.

    Quant à l’idée que les 30 dernières années n’étaient pas une ère permanente, mais plutôt une conjonction d’anomalies qui touche à sa fin, faudra-t-il encore communément l’admettre étant entendu que l’hyper-mondialisation et l’hyper-financiarisation n’ont été que les révélateurs de cette ère d’anomalies. Sans succomber au vortex du complotisme, nous devons enfin – une bonne foi pour toute! – nous affranchir de cette vue de l’esprit des sociopathes qui postulent toujours, à l’instar du milliardaire Kevin O’Leary qui déclarait dans Forbes, en janvier 2014, que “les inégalités sont une nouvelle fantastique car elles motivent le pauvre à regarder en haut vers les 1% et à se dire : je veux faire partie de ces gens”. Ou comme Tom Perkins, magnat des fusions-acquisitions qui revendiquait un mois plus tard, sur CNN, en février 2014: “un droit de vote plus important pour les riches que pour le reste de la population”. S’il y a naturellement des riches et qu’ils se sont exponentiellement reproduit durant ces crises “perpétuelles” depuis 2007, comprenons bien qu’il y a également les “méga riches” : c’est-à-dire ces 0.01% qui, à eux seuls, sont encore plus riches que les 1%, tout en payant moins d’impôts que les 1% ! Et, ce, en ne cochant aucune case de la méritocratie mais plutôt celle d’une “tyrannie rigoriste moderne”. Pour de nombreux critiques du World Economic Forum (WEF) de Davos, la méchanceté de l’organisation pourrait être résumée en un seul mot : “néolibéralisme”. Certes, c’est un terme qui évoque des images de ploutocraties et de marchés débridés ravageant la planète et exploitant les cols bleus au nom du profit. Mais, curieusement, le fondateur K. Schwab est lui-même d’accord avec cette évaluation des maux du monde. Pourtant, quand il vante les mérites de ce forum, il prend bien garde à préciser que celui-ci n’exerce aucun pouvoir politique formel et ne peut obliger personne à faire quoi que ce soit. Néanmoins, depuis sa fondation en 1971, le WEF est devenu une organisation qui incarne la confiance suprême dans l’impératif d’un type particulier de personne dirigeant le monde du haut vers le bas. Dans son célèbre essai de 2004 intitulé “Dead Souls”, le politologue Samuel P. Huntington a appelé ce prototype: “Davos Man”. Un surnom astucieux dont ni Schwab ni le WEF n’ont jamais réussi à se débarrasser; “Davos Man” était la description abrégée de Huntington des “universitaires, fonctionnaires internationaux et cadres d’entreprises mondiales, ainsi que des entrepreneurs de haute technologie prospères” qui pensaient de la même manière et avaient tendance à considérer les loyautés et les frontières nationales “comme des résidus du passé”. “Davos Man” a également regardé avec un dédain non dissimulé ceux qui n’étaient pas d’accord avec le programme – quel que soit le contenu de celui-ci. C’est d’ailleurs là que réside le problème le plus profond avec le WEF. Si c’est une chose que les gens se réunissent dans des contextes internationaux pour discuter de problèmes, partager des idées et réseauter. Les chefs d’entreprise, les politiciens et les types d’ONG le font tout le temps. C’en est une autre pour une structure comme le WEF de décider que le moment est venu de réorganiser le monde du haut vers le bas et de refaire la planète à l’image corporatiste.

    Nous devrons nous en souvenir avec cette nouvelle ère!

  14. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison 2023 (2): Tout va toujours bien dans le Meilleur des mondes?

    Pour le professeur d’économie et de sciences politiques à Harvard, Kenneth Rogoff, “le fait que le monde n’ait pas connu de crise financière systémique en 2022 tient du miracle”; ajoutant que si “jusqu’ici l’économie mondiale a résisté sans heurts majeurs à la flambée des prix d’une part et à la remontée des taux d’autre part, la récession ne sera pas du même ordre et sera accompagnée ou non d’une crise financière”. Quel scoup!

    En 2022, les banques centrales auront acheté la plus grande quantité d’or de l’histoire récente. Selon le World Gold Council , les achats d’or des banques centrales ont atteint un niveau jamais vu depuis 1967. Les banques centrales du monde ont acheté 673 tonnes en un mois, et au troisième trimestre 2022, le chiffre a même atteint 400 tonnes. C’est intéressant car le flux des banques centrales depuis 2020 avait été éminemment des ventes nettes. Mais pourquoi une telle razzia sur “la relique barbare”? Tout d’abord, le pourcentage le plus important des réserves de la plupart des banques centrales est constitué de dollars américains, qui se présentent généralement sous la forme de bons du Trésor américain. Il serait donc logique que certaines banques centrales, notamment la Chine, décident de moins dépendre de l’hégémonie du dollar sur le fond d’une “guerre économique mondiale”, doublé d’une “crise financière systémique”, comme je l’ai déjà analysé et partagé lors de différents posts courant en 2020/2021/2022. Également partagé l’année dernière, les banques centrales ont évoqué (et testé) l’idée d’émettre une “monnaie numérique de banque centrale”, ce qui changerait complètement le fonctionnement de l’argent aujourd’hui. En émettant une “monnaie numérique” directement sur le compte d’un citoyen à la banque centrale, l’institution financière aurait non seulement accès aux informations des épargnants, mais plus important encore, elle serait en mesure d’accélérer le mécanisme de transmission de la politique monétaire tout en favorisant le phénomène de destruction du pouvoir d’achat des monnaies observé au cours des cinquante dernières années. Dans un tel environnement, le statut de la “relique barbare” en tant que réserve de valeur serait alors inégalé. Quant au marché des crypto-actifs privés (“crypto-monnaies”) non régulé, il a prouvé que la liquidité était leur talon d’Achille. Quelques hausses de taux par la Fed ont rapidement démenti cette vue de l’esprit consistant à faire croire que les monnaies numériques privées (crypto-actifs) ne pouvaient que prendre de la valeur.

    Et enfin, les banques centrales ont besoin de cette “relique barbare” car elles se préparent peut-être à une période de dévastation monétaire sans précédent, comme l’a entre-autre souligné le Financial Times. “Les banques centrales subissent déjà des pertes importantes en raison de la baisse de la valeur des obligations qu’elles détiennent dans leurs bilans. À la fin du deuxième trimestre 2022, la Réserve fédérale avait perdu 720 milliards de dollars tandis que la Banque d’Angleterre avait perdu 200 milliards de livres sterling. La Banque centrale européenne fait actuellement réviser ses finances et il est prévu qu’elle subira également des pertes importantes. La Banque centrale européenne, la Réserve fédérale américaine, la Banque d’Angleterre, la Banque centrale australienne et la Banque nationale suisse font désormais face à des pertes possibles de plus de 1 000 milliards de dollars au total, alors que des obligations autrefois rentables se transforment aujourd’hui en passifs”, comme les RMBS par exemple. Certes, si une banque centrale subit une perte, elle peut combler le vide en utilisant les réserves disponibles des années précédentes ou en demandant l’aide d’autres banques centrales. Néanmoins, à l’instar d’une banque commerciale, elle peut rencontrer des difficultés importantes, ce qui peut amener une banque centrale à cette possibilité de se tourner vers les gouvernements en dernier ressort. Cela implique que le trou sera payé d’une manière ou l’autre par les contribuables et les coûts seront astronomiques. Autant dire que le mécanisme de fonctionnement atypique du “Hedge fund BNS” risque de montrer ses limites à l’avenir, au grand damne des cantons, des épargnants, des fonds de pension et des fonds SUVA et AVS.

    “Gouverner c’est prévoir”, paraît-il, alors autant s’en souvenir!

  15. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison 2023: Master class

    Autre temps, autre époque? Son nom est “Personne”.

    90 ans ont passé – presque un siècle – et nous sommes bien loin du temps du procureur Ferdinand Pecora (1932) et/ou du président Franklin Roosevelt, ainsi que l’époque de la commission d’enquête du Sénat américain (Commission Pecora – 1933) qui éplucha les comptes des grands établissements financiers et convoqua les banquiers pour des audiences contradictoires : délits d’initiés, conflits d’intérêts, corruptions de hauts fonctionnaires, malversations financières, manipulations de cours, fraudes fiscales. Sans compter le soutien de Wall Street aux régimes autoritaires d’Europe qui éclatèrent au grand jour. Franklin Roosevelt eut dès lors les coudées franches pour mettre un terme à la force de chantage de Wall Street ; cette victoire sur la dictature financière prit le nom de Glass-Steagall Act (Banking Act 1933).

    Cette loi fut votée en juin 1933 pour séparer les banques de dépôts et les banques d’investissement.

    Mais, en 1999, le “Gramm-Leach-Bliley Act Financial Services Modernization Act” sera cette nouvelle loi américaine votée par le Congrès, dominé par une majorité républicaine et promulguée par l’administration Clinton (démocrate) le 12 novembre, où même le président Clinton ne fera pas usage de son droit de veto. Pourtant une époque en pleine globalisation financière/flux financiers et prémisse à la montée en puissance de feu de la financiarisation de nos économies modernes. Elle mettra notamment en place des services de banques universelles, c’est-à-dire qui assurent aussi bien les services d’une banque de dépôt que d’une banque d’investissement et qu’une compagnie d’assurance. Autant d’entités “Too big to fail” où les relations incestueuses sont devenues monnaie courante. Le vote de cette loi aura été l’objet d’un intense lobby des banques pour permettre la fusion de Citibank avec la compagnie d’assurances Travelers Group, formant le conglomérat Citigroup, l’un des plus importants groupes de services financiers au monde. Cette loi aura ainsi abrogé une partie des dispositions du Glass-Steagall Act (Banking Act 1933) qui établissait notamment l’incompatibilité entre les métiers de banque de dépôt et de banque d’investissement, distinguant ainsi deux métiers bancaires, d’une part les activités de prêts et de dépôts et d’autre part les opérations sur titres et valeurs mobilières (ouvrant la voie à spéculation mondiale caractérisée et démocratisée sur tous les marchés). Dès 1999, cette relation contre nature facilitera la concurrence entre les banques de dépôt, les banques d’investissement et les compagnies d’assurances, menant au krach boursier de 2001-2002 (puis à la conflagration mondiale de 2008, après la mise en faillite de la banque d’investissement Lehman Brothers, le 15 septembre). La suite ne sera qu’une succession de fuites en avant et les États des pots cassés.

    Pourtant, ambitieuse et destinée à rappeler les grandes réformes de Roosevelt dans la banque et la finance, la Loi SOX de 2002 – “Sarbanes-Oxley” – sera votée dans ce contexte très particulier qui suivra le krach de 2001/2002, ainsi, elle fera directement écho aux différents scandales financiers révélés aux États-Unis au début des années 2000, tels ceux d’Enron et de Worldcom, Global Crossing ou encore Adelphia. Des années plus tard, dans une interview accordée à la presse, l’ex- Executive Vice President International du New York Stock Exchange de 1996 à 2003 déclarera, entre-autre, au sujet de la SOX Act, dont il n’a jamais été un grand fan : “j’avais remarqué durant mon mandat à la Bourse de New York que les entreprises et les gouvernements n’ont pas confiance aux banquiers et des banquiers d’investissement en général. Les entreprises venaient me voir en me disant: je peux faire confiance à mon banquier quand il me dit ceci ou cela”? Cette loi SOX de 2002 a certes rassuré les investisseurs en imposant des règles et sanctions nouvellement rigoureuses, mais elle avait été rédigée à la hâte et était très complexe, de sorte qu’elle a causé des maux de têtes aux responsables de la réglementation durant plusieurs mois, puis des années durant mais surtout ne permit aucunement – en 2006/2007 à déjouer les fraudes qui avaient pourtant cours. Avec ce retour dans le temps et l’espace, arrêtons-nous encore un instant en 2002, si vous le voulez bien! Des parlementaires républicains américains, dont les deux candidats à la présidentielle de 2008, John McCain et Ron Paul, dénoncent la politique des GSE (Governement Sponsored Enterprises) Fannie Mae et Freddie Mac, consistant à cautionner sur demande des Démocrates les crédits immobiliers aux ménages insolvables, ceci malgré le danger de défaillance du système bancaire que cela représente. Les deux organismes à caution publique mandatent alors Joseph Stiglitz pour répondre à ces attaques, celui-ci publie un rapport qui conclut à leur quasi absence de risque de défaillance (?), affirmant qu’ils disposent de suffisamment de capital:

    http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.8.3820&rep=rep1&type=pdf

    Pourtant, qu’écrira ce prix nobel – conseiller économique sous l’administration Clinton (démocrate) – après son départ pour la banque mondiale? “Le triomphe de la cupidité”:

    P.47 : “Une réglementation laxiste sans argent bon marché n’aurait peut-être pas conduit à une bulle. Mais l’important c’est que l’argent bon marché avec un système bancaire bien géré ou bien réglementé aurait pu conduire à une expansion […]”

    P.48 et 49 : “Ce sont les banques, sans aucune incitation de l’État, qui se sont lancées dans les subprimes”.

    P.231 : “Ce renflouement et ses nombreux prédécesseurs des années 1980,1990 et des premières années 2000 ont envoyé un signal fort aux banques : n’ayez pas peur des prêts qui tournent mal, l’État ramassera les morceaux”.

    P. 265 : “Quand la crise s’est développée, l’autre exigence des banques […] a été l’interdiction des ventes à découvert » […] « La vente à découvert incite puissamment les acteurs du marché à débusquer la fraude et le crédit imprudent – certains pensent qu’elle a davantage contribué à mettre un frein à ces mauvais comportements que les autorités de contrôle de l’Etat”

    P. 283 : “Ils [les marchés financiers] ont coupé en rondelles les crédits hypothécaires dans des titres, puis coupé en rondelle ces titres dans des produits toujours plus compliqués”

    P. 284 : “AIG vendait des assurances contre l’effondrement d’autres banques – type particulier de dérivé qu’on appelle un Credit Default Swap (CDS)”

    Vous l’avez sans doutes déjà compris, la crise de 2008 […] et ses conséquences ne sont ni la faute des banquiers “privés”; ni la faute aux banquiers centraux; ni la faute aux régulateurs; ni la faute aux Nobélisés; ni la faute aux banques centrales; ni la faute aux agences de notations; ni la faute aux autorités judiciaires; ni la faute aux emprunteurs crédules. Encore moins la faute aux gouvernements successifs. Autant de “Personne” qui n’ont bien évidemment posés aucun réel soupçon sur l’adepte de la cavalerie de l’ami Bernie Madoff (avant 2008) et qui fut quand même – de 1990 à 1993 – président du Nasdaq (rien que ça!). Surtout, ne voyons aucune relation incestueuse entre “les coquins” censés être derrière les barreaux et ceux qui ont exercés, de près comme de loin, au sein de cabinets d’avocats prestigieux tels que Covington & Burling et Bryan Cave LLP; Jenner & Block ou encore Morrisson & Foerster. Ni voyons également aucun éventuel syndrome Stockholm entre politiciens et banksters peu scrupuleux. Donc, la faute à “Personne”!

    Autre temps, autre époque, vraiment?

    Question de banquiers centraux, le cas Greenspan étant déjà réglé puisqu’il reconnaîtra publiquement devant le Congrès, le 23 octobre 2008, avoir trouvé un défaut dans son système consistant à faire du marché libre le meilleur moyen d’organiser l’économie. La Réserve fédérale américaine, pour contrer une récession grandissante occasionné par krach de 2008 – dans un premier temps rachètera les dettes d’organismes fédéraux spécialistes des prêts hypothécaires (RMBS) et une grande quantité d’obligations du Département du Trésor des États-Unis. Une année plus tard, fin 2009, la FED aura donc acquis pour environ 3 500 milliards de dette pour contenir la crise du subprime aux États-Unis. En 2010, les bénéfices dus à ces dividendes s’élevaient à 82 milliards de dollars, soit plus du double des années précédant la crise. Un bon deal avanceront certains! Même qu’en 2012, l’on constatera que les investissements destinés à aider l’économie Américaine auront rapporté gros à la FED puisqu’elle enregistrera des profits jamais atteint en 99 ans d’existence. Inutile de rappeler que les bénéfices engrangés par la FED sont venus directement renflouer les caisses du département du Trésor des États-Unis, organisme ayant pour fonction de répondre aux besoins fiscaux et monétaires des États-Unis, sans compter que l’hégémonie de leur devise – comme monnaie de réserve mondiale, un médium d’échange au pouvoir démoniaque, pérennise son tonneau des Danaïdes. Mais encore une fois, c’est la faute à :Personne”. À plus grande échelle, nous observons ensuite une manipulation des métaux précieux (or & argent); une manipulation du marché des dérivés; une manipulation des swaps; une manipulation du Libor; une manipulation du Tibor; le jeu des cartels; le démarchage illicite et industriel par des personnes non agréées; aide industrielle au blanchiment de fraude fiscale, etc […] toujours la faute à “Personne”, hormis une poignée de lampiste jetée aux gémonies par un “état sans droit”. Alors, si ce n’est véritablement la faute à “Personne”, ne serait-ce pas l’architecture elle-même du système financier et économique global qui n’a rien à envier aux plus conséquentes républiques bananières? Comme dans toute construction, déboulonnez les pièces maîtresses et c’est tout l’édifice qui s’effondre et, croyez-moi, les intéressés des plus hautes sphères de la politique l’ont très bien compris, d’où leur déclin du courage. Pourtant, il faudra bien que quelque chose craque!

    La morale de l’histoire? Aujourd’hui, d’un côté du miroir, les parties prenantes profitent d’une “chance providentielle” et néanmoins ironique afin de construire les actes d’accusation, puisqu’elles n’ont toujours trouvé “Personne”, hormis la pandémie mondiale; le conflit géopolitique Russo-Ukrainien; et enfin le réchauffement climatique après un demi-siècle de léthargie.

  16. “Voyage dans le temps et l’espace”

    Saison 2023 (3) : Royaume-Uni, que de progrès en un peu moins de 45 ans?!

    En 1979, les Tories laissent le pouvoir au parti conservateur et à Margaret Thatcher, au pouvoir jusqu’en 1990. La “dame de fer”, disciple de Friedrich Hayek, mènera une politique néolibérale sans faille : hausse des taux d’intérêts, contrôle de la masse monétaire et réduction des dépenses publiques (ceci ne nous rappelle-t-rien?).

    Ainsi, en 1985 sont réduits les aides au logement, les allocations chômage ainsi que le minimum vieillesse. Les impôts pour les plus riches sont nettement réduits et les inégalités sociales s’accroissent alors nettement. Le gouvernement mène alors une politique de l’offre importante. Une déréglementation semblable à celle observée aux Etats-Unis, où Ronald Reagan mènera lui aussi une politique néolibérale, mais Friedmanienne (ceci nous rappelle-t-il toujours rien?)

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    “Il n’est pas surprenant que la baronne Thatcher (1925 – 2013) ait été négligente face à la soupe versée sur Lord Howe, étant donné qu’elle était parfaitement préparée à l’envoyer au guichet avec une batte cassée. Lorsque j’ai prononcé mon premier discours dans cette Assemblée, il y a un peu plus de deux décennies, Margaret Thatcher avait été élevée à l’autre endroit, mais le thatchérisme sévissait encore et avait provoqué, au cours de la décennie précédente, les dommages sociaux, économiques et spirituels les plus odieux sur ce pays, sur ma circonscription et sur mes électeurs. Nos hôpitaux locaux tournaient à vide. Les patients séjournaient sur des chariots dans les couloirs. Je tremble à l’idée de ce qu’aurait été le taux de mortalité parmi les retraités cet hiver si cette version du thatchérisme avait été pleinement opérationnelle cette année. Nos écoles, parents, professeurs, gouverneurs, même élèves, semblait passer un temps démesuré à collecter des fonds afin de pouvoir fournir des matériaux de base tels que du papier et des crayons. Le plâtre sur les murs de nos salles de classe a été maintenu en place par les œuvres d’art des élèves et des kilomètres et des kilomètres de ruban adhésif.

    Nos bibliothèques scolaires étaient dominées par des étagères vides et très peu de livres ; les livres qui s’y trouvaient étaient maintenus ensemble par le ruban adhésif omniprésent et des chutes de papier peint des enseignants étaient utilisées pour relier ces volumes afin qu’ils puissent au moins tenir ensemble. La manifestation de loin la plus dramatique et la plus odieuse du thatchérisme a certainement été vue non seulement à Londres, mais dans tout le pays dans les zones métropolitaines où chaque nuit, chaque porte de magasin est devenue la chambre, le salon et la salle de bain des sans-abri. Ils ont grandi par milliers, et nombre de ces sans-abri ont été jetés à la rue à la suite de la fermeture des hôpitaux psychiatriques de longue durée. On nous a dit que cela allait s’appeler — ça s’appelait — « soins dans la communauté », mais ce n’était en fait aucun soin dans la communauté. J’ai été intéressé d’entendre parler de la volonté de la baronne Thatcher d’inviter ceux qui n’avaient nulle part où aller pour Noël; il est dommage qu’elle n’ait pas commencé à construire de plus en plus de logements sociaux, après son entrée en droit d’acheter, pour qu’il y ait peut-être moins de sans-abri qu’il n’y en avait. Comme l’a dit une de mes amies, à son époque, Londres est devenue une ville que Hogarth aurait reconnue – et, en effet, il le ferait.

    En revenant à la base du thatchérisme, j’en viens à la partie spirituelle de ce que je considère comme la piste désespérément erronée dans laquelle le thatchérisme a mené ce pays. On nous a dit que tout ce qu’on m’avait appris à considérer comme un vice – et je les considère toujours comme des vices – était, en fait, sous le thatchérisme, une vertu : la cupidité, l’égoïsme, l’indifférence aux plus faibles, les coudes pointus, les genoux pointus, tout cela était la voie à suivre. Nous avons beaucoup entendu parler, et nous continuerons d’entendre la semaine prochaine, des barrières qui ont été brisées par le thatchérisme, l’establishment qui a été détruit. Ce que nous avons entendu, avec les mots qui tournent comme des étoiles, c’est que Thatcher a créé une société ambitieuse. Il aspirait à des choses. Un ancien Premier ministre qui avait lui-même été élevé à la Chambre des Lords, a parlé de vendre l’argenterie familiale et de gens qui connaissaient à cette époque le prix de tout et la valeur de rien. Ce qui m’inquiète, c’est que je commence à voir ce que pourrait être la réémergence de cet dénigrement total de ce que je considère comme la base spirituelle de ce pays où nous nous soucions de la société, où nous croyons aux communautés, où nous ne laisser les gens passer de l’autre côté. Ce n’est pas le cas actuellement, mais si nous revenons à l’âge d’or de cette époque, je crains que nous ne voyions se reproduire une fois de plus les dommages humains extraordinaires dont nous avons souffert en tant que nation et le talent qui a été totalement gaspillé à cause de l’incapacité de voir véritablement la valeur individuelle de chaque être humain”.

    Pamphlet courageux de Glenda Jackson à la chambre des Lords – le 12 avril 2013 – soit quatre jours après le décès de Margareth Thatcher dont un hommage lui était adressé par l’institution.

    ******

    Nous retiendrons encore – en 2023 – à l’heure où le Royaume-Uni s’enfonce dans une profonde récession, que les anglais (et le monde) doivent à feu la “Sorcière du 10 Downing Street” l’ensemble des mesures de libéralisation des marchés financiers britanniques prises en 1986 (Big Bang). En 2010, Nigel Lawson, chancelier de Margaret Thatcher à l’époque du “Big Bang”, est apparu dans l’émission Analysis de la BBC Radio Four pour discuter de la réforme bancaire. Au cours du programme, Nigel Lawson est signalé comme s’étant “converti à la cause Glass-Steagall” [qui consiste à séparer la banque de détail de la banque d’investissement] en raison de problèmes d’aléa moral: “les banques ne seront pas aussi prudentes et prudentes et aussi prudentes qu’elles devraient l’être”. Au cours de l’émission, le présentateur, Edward Stourton, a déclaré : “Lord Lawson n’est pas le seul à admettre que par le Big Bang nous sommes entrés dans le nouveau monde bancaire sans vraiment comprendre les risques encourus”.

    Un nouveau monde depuis lequel la spéculation s’est transformée en leitmotiv au travers d’idéologies normatives et dogmatiques. Un appauvrissement des classes moyennes et moyennes supérieures, mais pour autant toujours communément accepté en 2023. Que de progrès!

  17. 2023 – Message d’espoir adressé à notre monde bipolaire.

    Le professeur à Sciences Po, Jacques Généreux, auteur de l’ouvrage “La déconomie”, nous a déjà formulé une critique constructive doublée d’une solution, à savoir que “la connerie économique, c’est aussi la maladie d’une société dont toutes les sphères sont contaminées par le virus de la compétition (la politique, l’usine, le bureau, l’école, la recherche, les médias). Un virus qui stimule la bêtise et pervertit la démocratie en piège à cons”.

    Un des antidotes existe, dit-il: “L’intelligence collective qui peut surgir de la délibération citoyenne. Sans installation de cette dernière au pouvoir, la meilleure des reconstruction sociales pourra toujours être anéantie par une prochaine génération d’abrutis”.

  18. Cher Raymond,
    Je vous suis avec beaucoup d’intérêt: permettez-moi cette correction importante du titre de l’ouvrage du Professeur Généreux : La déconNomie. Comme vous le dites, son livre propose une thérapie: l’éducation de têtes bien faites, plutôt que bien pleines pour lutter contre la “déconnerie ou le déconnage économique”: c’est la thèse de Mélenchon que je soutiens.
    Est-ce que cela suffira pour faire chuter le capitalisme ultra-libéral à court terme et permettre la survie de gouvernements “participatifs” pour ne pas dire de gauche ? Je ne le pense pas. …. car la bataille sera inégale et pour tout dire massacrante.
    Une intelligence politique et économique, cela doit se construire avec le temps. Mais ce n’est, de loin, pas suffisant pour lutter contre l’empire de l’argent que le Professeur Généreux ne nie pas.
    Mais sa thèse, c’est que Macron n’est pas méchant ou même malveillant, mais formé pour être bête, et s’entêter dans l’erreur. Il travaillerait dans l’intérêt du peuple, mais contre son avis et pour la gloire ! L’école forme des gens compétitifs et cons comme lui, mais qui ont l’intelligence de comprendre qu’une majorité de citoyens pensent que tout changement (révolutionnaire) est plus coûteux que la continuité, et qu’une certaine servitude volontaire n’est pas forcément une mauvaise solution …. ils ont tous compris cela, et ils en profitent !
    L’horreur ou la malversation n’est pas économique, mais politique avec une bonne cause anthropologique, c’est sa thèse, si j’ai bien compris, qui est défendable, bien sûr.
    Je veux bien avaler cette couleuvre pour tous les capitalismes qui ont précédé le dernier. Mais depuis la financiarisation du capitalisme, depuis l’invention de l’ordinateur chez IBM, il faut trouver d’autres raisons qui viendront s’ajouter aux causes politiques et anthropologiques: l’économie a été manipulée.

    Le capitalisme ultralibéral est une arnaque américaine: c’est la thèse que je défendrai ici.

    Dans une science économique molle par nature, les mathématiciens américains de Wall Street ont probablement introduit la science dure des mathématiques sous la forme d’algorithmes que je qualifierai de “stochastiques” jusqu’à preuves du contraire, tout cela au profit du dollar et de l’économie américaine : et pendant cinquante ans, le monde a travaillé pour eux, et ça continue …. jusqu’à quand ?
    Pardon Professeur Généreux, le citoyen est peut-être un peu paresseux, mais pas con ou bête:
    IL A ETE ARNAQUé
    Après l’introduction des algorithmes à la bourse, les Américains ont introduit les jeux d’argent virtuels et déconnectés de la réalité économique, un Monopoly gigantesque ou une “déconnomie” incontrôlable.
    Du pain certes, mais surtout des jeux pour aller dans le sens d’une paresse collective.
    Alors quelle solution ? Soyons généreux.

    Comme à la corrida, il faut saigner l’animal en le ménageant, … avant de porter une amicale estocade.

    En fait, la bête n’est pas bien portante et son calvaire pourrait être le nôtre si nous n’intervenons pas.
    La science économique est une science complexe, donc molle: elle devrait être totalement non prédictive, et pourtant elle l’est, c’est mon avis: on peut même en faire la démonstration. Elle est aussi artificielle, puisqu’elle ne tient pas compte de la Nature, et qu’elle exploite cette dernière sans compter dans la seule optique d’un PIB croissant, et sans se préoccuper du réchauffement climatique, de la disparition des matières premières, de la pollution croissante et de la démographie galopante.
    LA SOLUTION C’EST UNE ARMEE DE MATHEMATICIENS POUR DEVOILER LE POT AUX ROSES AMERICAIN … et un peu de courage …. pour découvrir pourquoi la mathématique de Wall Street est aussi précise et prédictive, pour donner un visage revisité à ce probable “Banquier sans visage” qui a arnaqué le monde.
    Je mets ma main au feu que l’on trouvera une tumeur solide de science dure dans cette science économique supposée molle.
    Donner une meilleure éducation aux nouveaux citoyens du monde est un voeux généreux et pieux pour qu’ils soient moins bêtes, mais donner aussi une fessée amicale aux Américains serait salutaire,
    si l’on pouvait découvrir qu’ils ont arnaqué le monde; et pour le prouver, ce n’est peut-être pas difficile. Pour que le monde nous pardonne, un lieu pour cette fessée publique ? Le Forum de Davos !

    1. Cher BERNARD,

      Merci de votre apport sur le blog du Professeur Sergio Rossi, puis acceptez mon mea-culpa pour avoir abîmé le titre de l’ouvrage du Professeur Généreux. Désolé.

      Comme vous le savez probablement, j’ai une profonde aversion pour l”‘Homo-politicus” en général, lequel a perdu tous sens des valeurs au fil du temps, mais pas celui des calculs. A cet effet, rappelons-nous que si la “Public Choice” théorie prit sa source dans les travaux de Nicolas de Condorcet, un intellectuel des Lumières qui a notamment proposé une théorie sur les systèmes de vote, utilisant les mathématiques et démontrant avec le “paradoxe de Condorcet” la difficulté à trouver un système de scrutin où les désirs des électeurs soient représentés correctement, ce n’est qu’à partir des années 1950-60 que des auteurs, tels qu’Anthony Downs, James M. Buchanan et Gordon Tullock, ont contribué à ce champ de recherche en élargissent la problématique au fonctionnement de l’Etat. L’oeuvre de Buchanan et Tullock « The Calculus of Consent » (1962) constitue de fait l’ouvrage de référence pour l’analyse des choix publics. Ainsi, dans la représentation que l’on se fait de la démocratie en Occident, l'”Homo-politicus poursuit dans la sphère politique la même logique qu’il applique dans la sphère marchande, à savoir celle de la poursuite de son propre intérêt. De par sa fonction, sa priorité devrait pourtant être l’intérêt général, on pourrait l’imaginer comme désintéressé et au service du bien commun. Or, en réalité, il cherche avant tout à maximiser son intérêt puisqu’il oriente son comportement en fonction de calculs qui lui permettent de se faire réélire: en proposant donc des mesures qui reflètent l’opinion de ses électeurs sans pour autant une fois élu, non pas leur “offrir une garantie de résultat” mais à minima une “obligation de moyens pour y parvenir” – selon le précepte du droit des mandats – ce qui n’est plus le cas.

      Certes, sur le plan des “sciences économiques”, si les mathématiques constituaient un outil pour démontrer des régularités, tout en gardant à l’esprit qu’elles sont contingentes et historiquement déterminées, l’économiste hétérodoxe John Maynard Keynes – très tôt – restera un critique avisé de la société d’économétrie en précisant que “la vérité n’est pas obtenue comme résultat d’une sophistication formelle, elle tient pour l’essentiel à la capacité de générer une efficacité pratique des énoncés”. En ce sens, l’utilisation extrême des mathématiques (comme science dure) tombera toutefois dans le giron des idéologues qui auront une fâcheuse tendance, à l’instar des économistes orthodoxes (mainstream), à se réfugier durant des décennies derrière l’outil mathématique et à tirer argument de l’usage de cette science dure pour affirmer à la fois la scientificité de leur discours, suggérer son exactitude et donc le caractère intangible des lois qu’ils révèlent au prisme de leurs théories économiques. Une véritable escroquerie!!! Comme l’écrira du reste Keynes dans sa Théorie générale, comme autant de prémonition avant la domination de la “science économique” – en tant que science molle et discipline des sciences humaines et sociale – par les pères du monétarisme et de l’idéologie néo-libérale ; “une beaucoup trop grande part de travaux récents d’économie mathématique consiste en des élucubrations aussi imprécises que les hypothèses de base sur lesquelles ces travaux reposent, qui permettent à l’auteur de perdre de vue les complexités et les interdépendances du monde réel, en s’enfonçant dans un dédale de symboles prétentieux et inutiles”. Et ce n’est pas l’économiste Paul Samuelson qui le démentira post-mortem, lorsqu’on se souvient de son expression faisant déjà état que la science économique “tombera dans le trou noir des mathématiques”.

      Ni l’économiste Richard H. Thaler, qui, après quarante ans de recherches en “économie comportementale” et de combat contre la doxa régissant les prestigieuses universités américaines, après celui des économistes George Akerlof et Robert Shiller, qui, eux, reprendront à leur compte “Les esprits animaux”, une formule choc que Keynes utilisa dans le très fameux chapitre XII de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie paru en 1936: “Une meilleure compréhension de nos modes de raisonnement réels, certes déviants de la rationalité économique, mais qui font de nous des humains, et non pas ces extraterrestres qui peuplent les manuels d’économie moderne”.

      Dès lors, comment faire aussi l’impasse sur l’économiste américain Robert Heilbroner (1919-2005), principalement connu pour “The Worldly Philosophers”? Dans sa première édition de 1953, l’ouvrage annonçait “un voyage à travers l’éthique” et pour cela partait à la découverte d’une poignée d’hommes qui, par leurs idées, donnèrent sens au monde économique moderne. Tous différents – “il y eut parmi eux un philosophe et un illuminé, un pasteur et un agent de change, un révolutionnaire et un gentilhomme, un esthète, un septique et un vagabond” – ils élaborèrent pour cela, intrigue, pièce, drame, scène, pour lever les doutes et les anxiétés que faisait naître un nouveau et vaste monde économique apparemment chaotique et pourtant en constante évolution; leurs récits permettant en définitive aux communautés humaines de comprendre et d’agir en vue d’adapter et de contrôler le capitalisme. L’ambition de ces hommes ne pouvait pas être celle de simples techniciens ou experts: leurs imaginations, nourries par ce large éventail de biographies singulières, leur donnaient l’audace d’embrasser l’ensemble de ce processus dans ses dimensions économiques, mais tout autant politique, sociale, culturelle, que paraissait rythmer l’accumulation progressive de richesses. Cet économiste américain, Robert Heilbroner, au fil de son épopée, posera un énième constat: “les mathématiques avaient insufflé une rigueur à la science économique avant de la tuer!”.

      Quant à l’aspect civilisationnel, avec ce “voyage dans le temps et l’espace, nous devrions aussi nous souvenir de l’expression d’Adam Smith – au sein de son ouvrage “La Richesse des nations” – que de gros efforts sont nécessaires pour arriver à rendre les gens aussi “stupide et ignorant qu’il est possible de l’être pour un humain”. Bien entendu, le deuxième président des États-Unis, John Adams, lui aussi avait déjà auguré qu”‘il y a deux façons d’asservir une nation, l’une par le glaive et l’autre par la dette”; ce qui est révélateur d’autant que par l’hégémonie du dollar US, les États-Unis sont parvenu à faire financer leur dette stratosphérique par la financiarisation débridée de nos sociétés modernes, alors que nous-mêmes, ne bénéficions de ce statut exceptionnel. De quoi réjouir les spéculateurs sur les dettes souveraines. Finalement, sommes-nous condamné à observer ce déclin comme d’autres civilisations éteintes avant nous? En ce qui me concerne, je m’y refuse!

      Bien à vous

  19. Pour caractériser un peu plus “l’économiste” de Wall Street que je désigne comme le “Banquier sans visage”: voilà le portrait (fait par un journaliste) d’un homme qui complète celui que dessine le Prof. Généreux: … mais un être pas bête, mais PSYCHOPATHE.
    “Une étude étonnante du psychologue canadien Robert Hare montre que dans le secteur financier, la proportion de personnes pouvant être qualifiées de PSYCHOPATHES est bien plus élevée que dans la population normale. Parmi les personnes ordinaires, ce ratio serait de 1% mais grimperait à 10% chez les financiers. Et selon Christian Bayer, psychologue à Wall Street, la proportion pourrait être encore plus grande. Quant au journaliste Sherree DeCovny qui s’est penché sur le sujet pour le CFA Institute, de ses entretiens avec des psychologues, il en ressort que ces “psychopathes de la finance” ont généralement peu d’empathie et d’intérêt pour ce que les autres pensent ou ressentent. Mais ils présentent en général une façade plutôt sympathique. Charismatiques, intelligents et manipulateurs, ces profils de financiers sont généralement recherchés puisqu’ils ont des facultés à dissimuler les (leurs) errements.
    Ainsi, comment ne pas percevoir dans cette radicalisation du “Libéralisme” (par abus de langage), tous les ingrédients d’un extrémisme.” ….

    C’est aussi le portrait d’un président que vous aurez sans doute reconnu.
    J’ajouterai, comment ne pas percevoir, qu’avec l’invention de l’ordinateur, des psychopathes à Wall Street n’auraient pas pu imaginer de pouvoir gouverner le monde avec des algorithmes ?
    Il est URGENT de démontrer, pour ne pas être qualifié de “conspirationniste”, qu’une mathématique prédictive et artificielle a été introduite par les Américains dans le commerce des devises, et qu’elle gouverne aujourd’hui tout le stock market et son Casino mafieux.
    SEULS DES MATHEMATICIENS PEUVENT FAIRE CE TRAVAIL POUR CONFONDRE LES VOLEURS ET SAUVER NOS EMPLOIS. QUAND LE DOLLAR AURA ATTEINT LE DEMI_FRANC SUISSE : on pourra dire comme Cesbron : “Il est plus tard que tu ne penses”.
    Un observatoire du cours des devises doit être installé quelque part pour valider des modèles mathématiques qui démontreront la supercherie, …… pardon …. le Crime contre l’Humanité.

    Remercions ici le Professeur Rossi pour ce blog et sa bienveillante ouverture au monde des gens qui ne “savent” pas, … mais qui cherchent quand même une solution pour que nos enfants ne soient pas des chômeurs “professionnels”.

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