L’équilibre des finances publiques est un problème majeur

Les conséquences macroéconomiques négatives de la pandémie ont aggravé, entre autres, les finances publiques de la Suisse et du reste du monde, suite à la nécessité d’augmenter les dépenses de l’État afin de soutenir les acteurs économiques qui ont beaucoup souffert et continuent de souffrir pour différentes raisons.

Tant les États-Unis que l’Union européenne ont décidé et déjà mis en œuvre plusieurs interventions publiques visant d’abord à soutenir puis à relancer les activités de l’économie privée, allouant des milliers de milliards d’euros ou de dollars américains sans se soucier de l’équilibre budgétaire des finances publiques.

Il est vrai qu’en allemand le mot «dette» se traduit par «Schuld» (qui veut aussi dire «faute»), induisant à penser que la dette publique est une faute à éviter. Dans ce cas, il faudrait également noter que la dette privée doit aussi être évitée, tandis que beaucoup de politiciens et d’acteurs financiers sont bien contents de voir (et faire) enfler l’endettement privé nécessaire pour assurer la croissance économique qui, sinon, serait avortée à cause des bas salaires d’une partie importante de la population active.

Dans tous les cas, l’équilibre des finances publiques ne doit pas être considéré comme le point de départ pour déterminer le niveau des dépenses publiques. En fait, cet équilibre doit être le résultat d’une longue série de décisions visant avant tout à satisfaire les besoins essentiels de la population par des choix publics qui, en second lieu, doivent décider les modalités de financement des dépenses publiques, à savoir, qui doit être appelé à la caisse en payant des impôts sur le revenu et le patrimoine des personnes physiques et sur le bénéfice et le capital des personnes morales.

La Confédération suisse, à l’instar de bien des Cantons, vise l’équilibre budgétaire indépendamment de la nécessité de satisfaire les besoins essentiels d’une partie importante des personnes physiques ou des personnes morales qui résident dans sa propre juridiction. Si les politicien.ne.s au pouvoir ne changent pas leur fusil d’épaule, l’équilibre des finances publiques va mener l’ensemble des parties prenantes droit dans le mur prochainement.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

38 réponses à “L’équilibre des finances publiques est un problème majeur

  1. Sergio, un peu court comme explications.
    Merci de développer…
    Serge

    Si les politicien.ne.s au pouvoir ne changent pas leur fusil d’épaule, l’équilibre des finances publiques va mener l’ensemble des parties prenantes droit dans le mur prochainement.

    1. Je suis sceptique comme vous.
      Les pays qui ont des dettes élevées sont eux déjà dans le mur, un mur d’inflation qui frappe directement les populations pauvres.

      1. Ah bon? Vous oubliez le Japon alors. Certes, l’empire du soleil levant est doté d’une particularité propre qui le met à l’écart des gros spéculateurs sur dettes souveraines, entre-autres. Mais comme je l’ai aussi écrit dans la chronique précédente, avec la grande mutation des bourses durant cette dernière décennie, les investisseurs en mal de rendement se sont détournés des marchés obligataires puisque le marché des actions dévoyé leur est plus profitable au regard du risque encouru. Les dividendes ont donc remplacé les revenus par coupon.

        Mon intervention de 2018:

        https://michelsanti.fr/banque-du-japon/japon-extraordinaire-cas-decole-macroeconomique

        1. Je ne vois pas en quoi le Japon serait un succès économique.
          La situation suisse est bien meilleure que la situation japonaise.
          L’absence d’inflation du Japon provient sans doute de sa position géographique, qui lui a permis de profiter de tout ce qui se produisait juste à côté, dans les pays voisins en pleine croissance.
          Mais attendez la remontée du prix de l’énergie, qui est inéluctable, ainsi que l’effondrement démographique.
          Le Japon n’a plus aucune marge de manœuvre à long terme. Ce n’est absolument pas un modèle, sinon dans le fait que sa dette publique est détenue par les Japonais.
          L’endettement avait un sens avec la croissance économique, qui justifiait cet endettement auprès des investisseurs. Mais avec la décroissance qui s’en vient, seule l’absence de dette a un avenir durable.

          1. SVP, épargnez moi votre vision économique et ne me prêtez pas des mots que je n’ai tenu!

            Vous ai-je parlé de succès économique du Japon? Non. Ai-je réagis à votre affirmation? Oui. Je vous cite : “Les pays qui ont des dettes élevées sont eux déjà dans le mur, un mur d’inflation qui frappe directement les populations pauvres”.

          2. OK, vous avez trouvé un bon exemple de pays dans une situation d’endettement très compliquée, mais qui n’a pas d’inflation (jusqu’à récemment).
            C’est une exception très particulière qui ne change rien à la règle générale.

          3. Samy, vous êtes incroyable. Je n’ai pas trouvé cet exemple (Japon) comme vous le dîtes, je le sais par métier.

            Ensuite, votre “règle générale” est-elle celle que vous avez avancé? À savoir “l’absence de dette a un avenir durable”. Bippp perdu!!! Karl Marx (1818-1883) et John Maynard Keynes (1883-1946) tombent d’accord : l’argent est le but même de toute production et de tout service rendu. La production commence et se conclut avec l’argent. Keynes n’évoquait-il pas la “théorie monétaire de la production”? Même Milton Friedman (1912-2006), chantre de l’école monétariste et ardent défenseur du néolibéralisme rejoignait Marx et Keynes dans son appréciation du rôle crucial de l’argent. Mais ce que vous-même et beaucoup d’autres semblez passer à côté, c’est que l’Argent est de la Dette et sans Dette pas d’Argent. Un principe que l’on a plus le droit d’ignorer en 2021.

          4. Votre idée est démesurée.
            L’argent n’a de valeur que dans la confiance du public pour échanger des biens. Donc continuez à faire l’autruche avec l’endettement et ses chantres – cause directe de la crise structurelle dans laquelle nous sommes entrés depuis 2008.
            Ces prochaines années vont montrer à quel point un endettement excessif aboutit à la destruction de la valeur de l’argent, donc à la destruction de l’économie elle-même.
            Les succès du capitalisme passé n’ont plus d’avenir, avec l’épuisement de l’énergie bon marché.
            Passée la crise actuelle (sans doute encore plusieurs années), la durabilité deviendra la norme. Que vous le vouliez ou non. Durabilité signifie équilibre dans l’exploitation des ressources. Et cela présuppose un endettement nettement réduit par rapport à ce qui est habituel aujourd’hui.

  2. Quand l’enfant d’un ouvrier (23 francs de l’heure) porte dans sa poche un smartphone de la même marque que celui du fils de Bill Gates, il n’y a plus besoin pour l’Etat d’inventer de nouveaux besoins pour déséquilibrer davantage le budget. CHF 215 milliards de dettes souveraines (CH, cantons & communes). Si les taux remontent à 4%, où est-ce qu’on va trouver les 8 ou 9 milliards chaque année de plus pour le service de la dette? La plus grosse manipulation de chiffres est celle qui met en équation un déficit budgétaire avec le PIB d’un pays, alors que le déficit devrait être mesuré par rapport aux REVENUS. Genève dépense 8 milliards et n’a que 7 milliards de revenu. Son budget est déficitaire de 12,5% par an!!! alors que les magiciens qui tiennent la barre nous présentent: 1 milliard/45 milliards de PIB, ça n’a aucun sens!

    1. Comme nous nous l’étions déjà écrits en privé, très cher Professeur Rossi, nos prêches finissent toujours dans le désert 😉. Alors, comment faire boire un âne qui n’a pas soif – d’autant que ce dernier s’estime toujours rationnel – si ce n’est que frapper et frapper encore sur le clou? Merci pour la justesse de ce billet!

      Au propre et dans le passé, ces “Bêtes” de somme prêtaient leur échine au transport des marchandises; au figuré et dans le présent, leurs bosses d’asphalte opposent leur relief aux transports motorisés. L’âne, chacun le sait, est un animal à la fois robuste et têtu: sa constitution rustique convient au convoyage des fardeaux les plus lourds, mais son obstination congénitale bloque le mouvement des choses et des gens; tout est censé reposer sur lui (on le charge comme bon nous semble), mais tout bute souvent sur lui (il refuse de bouger comme on l’entendrait). Ainsi “l’âne de Buridan” – que nous connaissons sous le “paradoxe du philosophe Jean Buridan” – est cet animal affamé qui, placé à égale distance de deux quantités semblables de nourriture, ne parvient pas à choisir, et se laisse donc mourir de faim. Par ailleurs, “le syndrome de Stokholm” tombe aussi à propos, puisqu’il désigne la propension des otages ayant partagé longtemps la vie de leur geôlier à sympathiser avec eux et à adopter leur point de vue. L’histoire du syndrome remonte à un hold-up dans une banque commis à Stockholm en 1973 par deux évadés de prison qui prennent en otage quatre employés. Après six jours de négociation, ils libèrent les otages qui vont s’interposer entre les forces de l’ordre et leurs ravisseurs, qu’ils iront visiter par la suite en prison.

      Enfin – comme nous ne sommes pas encore japonnais au sens de leur circuit monétaire/budgétaire bien spécifique – que le temps nous est compté, pourquoi ne pas conclure sur “la théorie du Coyote suspendu” de l’économiste Paul Krugman (hétérodoxe)? Celle-ci est illustrée dans les dessins animés de Tex Avery (Warner Bros.) par le personnage créé par Chuck Jones: “Vil Coyote” qui, emporté par son élan en pourchassant Bip Bip, poursuit sa course au-delà du bord d’une falaise dans les nuages, il ralentit, s’immobilise, reste un court instant suspendu en l’air et, prenant conscience soudainement de sa situation qu’il courrait dans le vide, nous regarde l’air incrédule, cherche à tâter la terre ferme avant une chute vertigineuse.

    2. Sacré Elie,

      Pour quelqu’un qui pratique dans le Family Office, votre question: “Si les taux remontent à 4%, où est-ce qu’on va trouver les 8 ou 9 milliards chaque année de plus pour le service de la dette?” et mes réponses ci-dessous (link) vous placeront – respectueusement parlant – entre le marteau et l’enclume. Le dilemme des monétaristes, non? Prenez donc le raccourci vers la fin du fil et vous les aurez vos réponses.

      https://blogs.letemps.ch/sergio-rossi/2021/11/08/leconomie-ne-merite-pas-de-prix-nobel/

      1. On ne méprise que ceux qui sont meilleurs que soi-même (j’ai oublié le nom de l’auteur). Alors éclairez-nous sur votre ratio de préférence: dette/revenu ou dette/PIB ? Chaque fois que l’Etat dépense 1 million il emprunte 125 mille sans avoir aucun plan de remboursement ni aucune volonté de le faire. Genève ne frappe pas monnaie, elle frappe les esprits saints par sa folle politique.

        1. Qui méprise qui? Ne soyez pas vexé, Elie, vous avez posé une simple question (par provocation et non pertinente au sens de votre idéologie) en supposant en plus un taux d’intérêt tout aussi absurde et, moi-même, je n’ai fait que vous apporter honnêtement des réponses plus fouillées à une vue de l’esprit. Puis, maintenant, vous renchérissez avec l’outil de “l’injonction paradoxale” en espérant une autre réponse – mais tranchée cette fois – en trois lignes? De mieux en mieux, Elie. Ma position sur le PIB, je l’ai déjà exprimée d’une manière plus générale…ici-même:

          RAYMOND
          28 mai 2019 à 21 h 26 min
          [Non seulement la croissance économique, mesurée par rapport à l’évolution du Produit intérieur brut (PIB), est devenue une obsession pour la plupart des économistes, des institutions financières et des politiciens, mais la nature même du “PIB est désormais obsolète” pour paraphraser l’économiste hétérodoxe, Joseph Stiglitz, car ce thermomètre reste imparfait eu égard aux nombreux agrégats déjà pervertis par l’idéologie dominante. Durant le WEF de Davos, en janvier 2016, la fronde de Joseph Stiglitz résonnera encore en prônant que les instruments de mesure de l’activité économique doivent urgemment évoluer. Pour ce qui a trait à l’économiste hétérodoxe Paul Krugman, lui aussi titulaire du Prix de la Banque de Suède en sciences économiques (Nobel), il publiera une critique éloquente du PIB dans une tribune: “Le Viagra et la richesse nationale symbolise la problématique ambiguë d’un produit, le Viagra, qui donne du bonheur aux utilisateurs/consommateurs alors que sa présence dans les statistiques de production est quasiment absente]. Traduction libre.

  3. Analyse macro 2021

    “Le Japon est le laboratoire du monde. C’est dans ce pays que furent mises en place pour la toute première fois, en 2001, les fameuses baisses de taux quantitatives ayant tenté de percer la barrière réputée infranchissable des taux d’intérêt nuls instaurés dès 1999. Entreprise révolutionnaire pour l’époque, menée par des gouvernements successifs mobilisés pour ressusciter leur économie, cette politique monétaire résolument hétérodoxe est aujourd’hui pratique commune au sein des banques centrales occidentales. Elles n’en furent en effet pas avares, nos banques centrales, de la Fed à la BCE en passant par la Banque d’Angleterre et consorts, de ce levier inversé dont l’objectif avoué et limpide était de relancer les pressions inflationnistes. Cette précieuse reflation serait nécessairement au rendez-vous de l’intensification de la dépense publique, qui stimulerait à son tour la relance de la consommation et des investissements privés. Pour reprendre la très significative expression de Paul Krugman, les banques centrales – au rang desquelles la Banque du Japon fut pionnière – devaient signaler au public qu’elles étaient disposées à perdre si nécessaire le contrôle de l’inflation.

    Pourtant, 20 ans après, le Japon est encore englué dans sa stagnation, se débat toujours dans une soupe faite de croissance économique anémique, d’inflation négligeable, de salaires déclinants et de productivité en berne. L’implosion calamiteuse de la bulle spéculative nippone des années 1990 conjuguée à la crise financière mondiale démarrée en 2007 couronnée par la crise sanitaire a aujourd’hui pour conséquence que la population japonaise compte désormais 16% de pauvres, que ce pays est le second plus mauvais élève des pays du G7 de ce point de vue après les USA. Le Japon est également la terre de tous les records, puisque son endettement public est de l’ordre de 265% de son PIB, ce qui en fait le champion universel toutes catégories. Là aussi, il est précurseur, puisque la dette publique mondiale a surgi de plus du tiers entre 2020 et 2021. Alors, le cas d’école nippon nous indique clairement que les nations disposant d’une monnaie souveraine peuvent poursuivre leurs dépenses publiques sans craindre l’inflation. Il faut, cependant, affiner ce verdict car le Japon – à l’image de bien des pays à travers le globe – est lesté de problèmes structurels qui ont pour effet mécanique de saper reprise, croissance, inflation et confiance. Bas salaires, retraites en peau de chagrin (à cause des taux d’intérêt négatifs), niveau de l’instruction et de la formation qui se dégrade, population vieillissante qui consomme donc moins, sont autant de fardeaux pesant lourdement sur l’économie du Japon et de bien d’autres nations dites développées.

    Il a néanmoins tout essayé, Shinzo Abe, Premier Ministre entre 2012 et 2020 et il a failli réussir avec ses programmes énergiques articulés autour d’une trilogie consistant à augmenter massivement la dépense publique, à activer des achats frénétiques de dette publique par sa banque centrale, et à réduire la taxation des sociétés. Il fut hélas confronté à un secteur privé radin qui ne joua strictement pas le jeu et qui, trop heureux de constater que le secteur public dépensait sans compter, a ainsi augmenté ses réserves de liquidité à des niveaux records. En réalité, cet échec japonais à relancer l’inflation révèle la mentalité des entreprises qui – elle – est déflationniste, au Japon comme dans nombre d’autres pays. Ces entreprises ne cherchent pas à prendre un peu le relais de la force publique car elles s’avèrent entièrement centrées sur leurs sauvegarde et sur leurs profits. Jusqu’à preuve du contraire, les multiples crises ayant jalonné notre monde ces 20 dernières années l’attestent formellement. Jusqu’à preuve du contraire donc, on ne peut compter que sur les Etats pour sauver l’économie”.

  4. Elie Hanna m’oppose un choix impossible en me demandant de vous éclairer sur mon “ratio de préférence: dette/revenu ou dette/PIB”. Ma réponse en trois lignes? Aucun, bien évidemment. Par respect pour les autres lecteurs, voici mon argumentaire:

    Voilà plusieurs décennies que toutes les politiques économiques sont construites autour d’un seul et même objectif : faire progresser un Produit Intérieur Brut qui ne prend pas en compte les inégalités croissantes, le manque de résilience face aux crises à répétition, le bien-être global et le manque de durabilité vis à vis de la planète. Résultat? Une course utopique et folle vers une croissance sans fin – soutenue par une financiarisation débridée – et jonchée de crises économico-financières successives et de saccage du bien commun.

    Par cette question fermée, Elie Hanna a sans doute – à dessein? – oublié le rapport de septembre 2009 de la commission Stiglitz-Sen-Fitoussi. Un rapport sur la mesure de la performance économique et du progrès social. Ce document s’appuie sur les très nombreux travaux de recherche appliquée qui ont été menés à bien dans les divers domaines des sciences économiques et sociales au cours des années récentes. Ces travaux se sont efforcés de proposer des indicateurs synthétiques de bien-être plus appropriés que le PIB, ainsi que des tableaux de bord visant à appréhender performance économique et qualité de la vie à travers leurs différentes facettes. La commission a surtout privilégié dans ses travaux le caractère multidimensionnel du bien-être. Elle n’a pas proposé de tableau de bord tout constitué, mais son rapport peut ainsi se lire comme une esquisse des grandes lignes à suivre lors de la construction d’un tel tableau de bord. L’utilisation d’indicateurs alternatifs de niveau de vie conduit à quelques reclassements entre pays mais sans véritablement remettre en cause l’avance apparente des États-Unis.

    Les indicateurs de conditions de vie font apparaître en revanche des contrastes bien plus marqués dans les domaines de la santé, de l’éducation, des risques de chômage et de pauvreté ou de sécurité. Les contributions des différents pays au problème de soutenabilité climatique varient du simple au triple en 2009 et sont d’autant plus révélateurs après le compte rendu de la COP21.

    Concernant les résultats d’une toute récente étude sur la soutenabilité climatique, un élément de cette dernière précise que les émissions par habitant de la moitié la plus pauvre de la population mondiale devraient rester bien en deçà du seuil de 1,5 °C fixé pour 2030; tandis que les 1 % et les 10 % les plus riches devraient émettre des émissions respectivement 30 fois et 9 fois supérieures à ce seuil (donc de futurs taxes mutualisées pour l’océan de serfs). Pour atteindre l’objectif de 1,5 °C, les 1 % les plus riches devraient réduire leurs émissions actuelles de carbone d’environ 97 %.

    Ainsi, quelque soit les exemples, tous convergent dans le sens où l’océan de serfs s’appauvrit sur le plan du bien commun, peine à prendre l’ascenseur social, supporte injustement les dettes de “la guerre des classes” – en plus de la bonne dette destinée à son bien être – et inversement proportionnel, finance injustement la durabilité de la planète. “Le Meilleur des mondes” pour une infime minorité s’offrant encore le luxe d’un voyage dans l’espace, sachant que les émissions de carbone par passager/ère sont estimées à au moins 75 tonnes. D’après un autre rapport publié récemment, un milliard des personnes les plus pauvres émettent moins d’une tonne de CO2 par an. CQFD

    Désolé, j’ai dépassé les trois lignes!

  5. Diantre, SAMY!
    Vous faîtes maintenant usage du schisme sans faire de distinguo entre la bonne dette et la dette odieuse. Sans compter que vous amalgamez par hérésie la gestion de la dette publique comme celle d’un ménage. Ceci sans compter que vous ignorez les fondements de la “théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie” parue en 1936.

    Pourtant, la dette odieuse fut tolérée et accueillie grâce à l’obscurantisme et la soumission aux dogmes des années post 1970. Alors, comme défenseur de l’Intérêt général, ancien lanceur d’alerte de la crise du subprime, ex-spécialiste des marchés financiers et ex-enseignant-manager en finance/économie, je ferai l’impasse sur votre condescendance qui n’a lieu d’être en l’état. Le diable se cachant dans les détails, je ne fait que vous les rendres plus visibles. Ceci dit, effectivement, la dette odieuse – qui ne doit pas être confondue avec le besoin nécessaire de creuser les déficits comme outil de relance économique au travers du budget – doit être répudiée. Pourtant, la dette odieuse n’est que le résultat d’un transfert implicite des richesses du bas vers le haut et je n’ai de cesse à le prêcher. Oui, la croissance telle que nous la connaissons est bornée depuis les années 1970 mais les peuples continuent de soutenir ce “Titanic effect” au travers de la pensée dominante. Je vous renvoie donc naturellement à mon post métaphorique. De même qu’à l’une de mes nombreuses contributions faites à un ancien ami (qui a jugé utile de publier “son” dernier ouvrage – co-rédigé – en m’invincant pour s’attribuer tout le mérite d’un long travail partagé)

    https://michelsanti.fr/argent/levangile-selon-saint-argent#comments

    Et oui, un grand OUI, je soutiens pleinement l’extrême justesse du billet (des billets) de l’éminent Docteur et Professeur en économie (hétérodoxe) Sergio Rossi, dont la notoriété est reconnue bien au-delà des frontières helvétiques. C’est un immense privilège pour le pays de pouvoir compter sur son expertise pointue, faut-il encore que les orthodoxes et les politiciens ouvrent les yeux et les oreilles!

    1. A vous entendre, vous auriez découvert l’Eldorado.
      C’est votre opinion.
      Pour le coup, je ne crois pas être condescendant en vous présentant une autre opinion.
      Vous voulez réquilibrez les richesses? Ce n’est pas en creusant les déficits que vous y arriverez – car les riches accumulent d’abord des terres et des biens de grande valeur autres que l’argent. C’est ces biens qu’il faudra un jour rééquilibrer.
      A ce que je vois, les pays qui ont de gros déficits ne semblent pas se porter mieux que les autres, ni être plus égalitaires.
      Depuis 2008, les USA et l’UE creusent allègrement leur déficit et veulent y entraîner le monde entier.
      C’est une voie sans issue autre que l’inflation, l’austérité ou l’ultra-nationnalisme.
      Ne pas creuser ses déficits, c’est rester dans l’équilibre des choses.

  6. – Encore une fois vous me prêtez des mots? Ça devient usant.
    – Encore une fois vous dîtes n’importe quoi puisque l’UE s’est enfoncée dans l’austérité budgétaire mortifère de 2009 à 2018 en suivant les dogmes monétaristes. Ce qui a aggravé la crise en Europe. Puis les technocrates se sont (enfin) timidement avancés vers la relance budgétaire (trop tard le mal étant fait) mais avec la courroie de transmission de la politique de l’offre (au lieu de la demande).
    – Vous amalgamez les USA à l’UE alors même que le mandat de la BCE et celui de la FED sont intrinsèquement différents pour mener la conduite de la politique monétaire. Par ailleurs, les l’État US a rapidement engagé la vitesse sur une politique budgétaire contracyclique (mais principalement axée sur l’offre). Et à contrario de l’UE, cette puissance est une “ZMO” (optimale) selon les critères de Robert Mundell. Sans compter que les USA ont le privilège de l’hégémonie du dollar.

    Allez SAMY, je cesse avec vous car vous me faites perdre mon temps (gratuit pour le cas). Ma générosité a ses limites!

    1. Je ne suis simplement pas convaincu par votre approche.
      Ne cherchez pas plus loin.
      La relance budgétaire américaine? Et bien, on verra comment tout cela se terminera pour la population américaine.
      A mes yeux, la poursuite de la croissance avec des plans de relance, cela n’a plus d’avenir dans un monde où les ressources diminuent (et il y a même risque d’effondrement à présent).
      Il faut cesser de gaspiller nos ressources limitées et mieux les partager.

      1. 16 mars 2020

        MS: “…Le titre de mon dernier article est en fait celui d’un livre à paraître prochainement, écrit en collaboration avec Raymond qui intervient régulièrement sur cette plateforme depuis plusieurs années…”

        MS: “…Comme je l’écrivais à Raymond il y a quelques jours, je suis démoralisé…”

        Conclusion : MS/R: “…Un testament est par nature un don: vous en ferez ce que vous voudrez, lecteur, mais vous ne direz pas que l’on ne vous a pas prévenu…”

        MS : Macroéconomiste hétérodoxe, expert des marchés financiers et ancien conseiller de banques centrales.

        https://michelsanti.fr/capitalisme/le-testament-dun-economiste-desabuse

  7. La Suisse semblerait avoir un penchant prononcé pour la culture de la stabilité macroéconomique, laquelle confine parfois au conservatisme; tout particulièrement quand l’équilibre des finances publiques devient une fin en soi et que les besoins de la population passent au second plan. De toute évidence, la Suisse a abordé la crise sanitaire qui continue à déployer ses effets dévastateurs sur l’économie et la vie sociale, avec des marges macroéconomiques confortables: un excédent budgétaire, un faible ratio dette publique/revenu, un excédent de la balance commerciale, un faible taux de chômage, un taux d’épargne des ménages élevé.

    Malgré cela, le pays des Helvètes continue à afficher une phobie à la dette publique, et donc à l’usage d’une politique budgétaire expansionniste afin d’amortir les conséquences de la pandémie et créer les conditions d’une relance de l’économie. Certes un soutien public relativement conséquent a été apporté aux ménages et aux entreprises pour éviter l’effondrement de l’économie. N’en déplaise à tous les partisans de l’orthodoxie budgétaire, il n’y avait pas d’autre alternative à la fonction stabilisatrice de la puissance publique, tout particulièrement quand les forces endogènes du système dans lequel nous vivons engendrent l’instabilité via la destruction de la confiance dans l’avenir. Cependant, certains commencent à donner de la voix en accusant l’Etat d’être allé trop loin dans le dérapage des finances publiques. Ainsi ils réclament à cor et à cri le retour à l’équilibre financier, et par voie de conséquence le respect du frein à l’endettement qui est gravé dans le marbre de la Constitution de la Confédération.

    Il va sans dire qu’en matière de gestion des finances publiques, la Suisse est le meilleur élève de la classe parmi les pays de l’OCDE. Mais tout de même une interrogation à cet égard: à quoi sert l’excellence, si celle-ci n’est pas utilisée dans les circonstances exceptionnelles pour éviter la récession et le chômage? Sauf bien évidemment à accepter la situation de l’âne de Buridan qui fait le choix absurde de mourir de faim et de soif entre un sac d’avoine et un sceau d’eau. Pourtant il existe des arguments théoriques et empiriques qui montrent que la phobie à l’égard de la dette publique a quelque chose d’irrationnel dans le cas de la Suisse. En général la dette publique n’est pas un problème lorsqu’elle est détenue par les résidents, ce qui est le cas du Japon et dans une certaine mesure celui de l’Italie. En effet, les intérêts sur la dette publique sont versés aux créanciers qui dépensent ces revenus à l’intérieur du pays, et ceux-ci peuvent être taxés par la puissance publique pour financer des dépenses utiles à la collectivité. En outre, dans un environnement de taux d’intérêt négatifs, l’Etat peut gagner de l’argent en empruntant, ce qui est le cas de la Suisse. En effet, la Confédération emprunte à un taux d’intérêt négatif de -0,5% auprès des banques, des compagnies d’assurance et des caisses de pension. Pourquoi s’en priver dans ces conditions, surtout quand le prêteur paie l’emprunteur? Les travers d’un monde qui marche sur la tête devraient être exploités sans état d’âme, dans le souci d’améliorer le bien-être collectif!

    Puisque certains commentaires du billet du professeur Rossi ont mis un accent particulier sur le ratio dette publique/revenu, j’ai choisi d’explorer cet aspect sur le plan théorique afin de préciser les conditions dans lesquelles la dette publique devient problématique, mais aussi pour montrer que certains aspects de l’analyse keynésienne restent pertinents et que l’équivalence entre dette publique et impôts ou effet Ricardo-Barro doit être relativisée par la prise en compte de certains aspects du monde réel, lequel est en effet caractérisé par le rationnement du crédit bancaire, par l’imperfection des marchés financiers qui fait de l’Etat un prêteur privilégié aux ménages à un taux d’intérêt faible, et par la nuance de l’altruisme intergénérationnel qui est en fait un chantage utilisé notamment dans certaines familles aisées.

    D’emblée remarquons qu’un Etat ne saurait être traité comme un ménage ou une entreprise, même s’il est soumis à une contrainte budgétaire intertemporelle qui pourrait être habilement exploitée pour lutter contre les fluctuations conjoncturelles induites par divers chocs aléatoires (crise financière, crise sanitaire, technologie ou préférences des consommateurs). Il est à cela deux raisons fondamentales: d’une part, l’Etat dispose d’un pouvoir exclusif de lever des impôts et de recourir au seigneuriage (émission de la monnaie par la banque centrale sans limite); d’autre part, l’Etat a une durée de vie infinie, même s’il est vrai que les Etats sont mortels à l’instar des empires et des civilisations. Par ailleurs, notons que ce pouvoir a des limites: la fiscalité ne saurait dépasser un certain seuil au-delà duquel l’activité économique risque d’être asphyxiée, déformation du système d’incitation des agents ou développement de l’économie souterraine. Politiquement et socialement il y aurait également de nombreuses résistances à la montée de la pression fiscale pour financer uniquement les paiements d’intérêts sur la dette publique.
    Compte tenu de ces limites, il convient d’examiner la nature de la contrainte budgétaire intertemporalle à laquelle sont soumises les actions discrétionnaires des autorités publiques.

    L’émission de la dette pubique est la conséquence directe de l’existence de déficits budgétaires ou insuffisances des recettes fiscales par rapport aux dépenses publiques pendant une certaine période. Dans un tel contexte la contrainte budgétaire de l’Etat en termes de flux s’exprime par une relation ou une équation entre la variation du stock de la dette publique entre deux périodes consécutives et le déficit budgétaire ou surplus budgétaire (= dépenses publiques + intérêts de la dette – recettes fiscales). En exprimant tous les agrégats macroéconomiques sous forme de ratios par rapport au revenu on peut mettre en évidence une relation ou une équation qui exprime la dynamique du ratio dette publique/revenu, à la suite de variations du déficit budgétaire primaire ou déficit budgétaire hors intérêts sur la dette publique. A partir de cette relation simple on peut distinguer deux cas qui dépendent de trois paramètres, à savoir le taux de croissance de l’économie, le taux d’intérêt réel et le taux d’inflation.

    1) Si le taux de croissance du PIB excède le taux d’intérêt réel (taux d’intérêt nominal – taux d’inflation), le ratio dette publique/PIB est sur une trajectoire stable quel que soit le déficit budgétaire de l’Etat. Ce résultat se comprend aisément dès lors qu’on considère un budget hors intérêts de la dette équilibré (dépenses publiques = recettes fiscales). Dans un tel cas de figure le service de la dette publique est financé par des emprunts supplémenataires auprès du secteur privé. La dette publique nominale croît à un rythme égal au taux d’intérêt nominal. En revanche la dette publique en termes réels croît, elle, à un rythme égal au taux d’intérêt réel. Malgré l’accroissement continu de la valeur réelle de la dette publique, le ratio dette/PIB ne sera pas sur une trajectoire explosive dans la mesure où le taux de croissance du PIB réel est supérieur au taux de croissance de la dette réelle. Par conséquent l’économie pourrait soutenir un déficit budgétaire primaire permanent. En outre, le ratio dette publiqe/PIB réel d’équilibre à long terme sera d’autant plus élevé que l’écart entre le taux de croissance et le taux d’intérêt réel est faible. Autrement dit, le problème de la soutenabilité de la dette publique disparaît dans un tel contexte. Un équilibre de ce type n’est autre qu’une situation de Ponzi: l’économie peut financer les paiements d’intérêts sur sa dette en empruntant toujours davantage sans se heurter à la contrainte de solvabilité.

    2) Si le taux de croissance du PIB est inférieur au taux d’intérêt réel, alors les forces de stabilisation ne jouent plus et le ratio dette publique/PIB est sur une trajectoire explosive, donc insoutenable. C’est dans ce cas qu’émerge la question de la solvabilité de l’Etat. En effet en cumulant les ratios dette publique/PIB sur un horizon infini, on peut montrer que la contrainte de solvabilité de l’Etat implique que la dette publique existante doit avoir comme contrepartie des excédents budgétaires futurs avant intérêts. Autrement dit, il faut que la structure de la fiscalité et le profil des dépenses publiques soient tels que le budget primaire puisse dégager des excédents, au moins pendant certaines périodes dans le futur. Un corollaire important de cette analyse est que la dette publique représente une imposition différée dans le temps avec des conséquences lourdes sur le bien-être des générations futures. Tel est l’argument invoqué par la macroéconomie classique pour contester l’efficacité de la politique budgétaire financée par un emprunt dans la mesure où celui-ci serait compensé par un surcroît d’épargne des ménages soucieux du bien-être de leurs descendants (enfants et petits enfants).

    Par ailleurs, cette condition de solvabilité soulèvera de nombreux problèmes, si les autorités publiques ne sont pas en mesure de dégager des excédents budgétaires en raison du caractère incompressible de certaines dépenses publiques et des limites à la pression fiscale. Dans ce cas la politique budgétaire sera insoutenable. Etant donné la structure du budget, il y aura un accroissement des intérêts sur la dette publique sous forme de boule de neige, qui entraînera tôt ou tard une explosion de la dette publique. Cela pourrait rendre impossible le recours à l’endettement et la seule solution envisageable dans ce cas, certes extrême, c’est le recours à la monétisation d’une partie de la dette publique avec sans doute une forte probabilité de déclencher une poussée inflationniste.

    Enfin, pourquoi la dette publique n’est pas neutre? Selon les économistes ultra-libéraux, une politique budgétaire financée par un emprunt est totalement inefficace. Autrement dit, les effets de relance de la demande qui sont traditionnellement mis en avant par les analyses d’inspiration keynésienne seraient tout simplement neutralisés par des variations compensatoires du taux d’épargne des ménages en prévision des impôts futurs qu’implique le recours courant à l’emprunt. En réalité il est possible de réhabiliter les effets vertueux de la politique budgétaire dès lors qu’on lève les hypothèses restrictives introduites par la macroéconomie classique.

    En présence des rigidités nominales, les ménages peuvent subir des contraintes d’emploi sur le marché du travail. Ces contraintes peuvent réhabiliter le revenu courant comme argument fondamental de la fonction de consommation. De même si les ménages subissent des rationnements sur les marchés de crédit du fait qu’ils sont détenteurs de contrats de travail précaires, leur revenu courant sera le facteur déterminant de leur consommation. Des allégements fiscaux, qui augmentent le revenu disponible des ménages, peuvent exercer des effets expansionnistes habituels transitant par le truchement de la relance de la demande. A cela il faudrait ajouter le caractère imparfait des marchés de capitaux: les ménages et l’Etat ne peuvent pas emprunter au même taux d’intérêt en raison d’un profil différencié en matière de risque d’insolvabilité. On comprend dans ces conditions qu’une réduction d’impôts financée par l’emprunt implique une augmentation du patrimoine des ménages. Tout se passe comme si l’Etat empruntait sur le marché des capitaux pour le compte des ménages à des conditions relativement plus favorables en termes de taux d’intérêt.

    1. Et si le bien-être collectif en Suisse, c’était moins d’argent?

      A mes yeux, l’argent n’est plus la solution à nos problèmes, l’argent est la cause de beaucoup de nos problèmes sociétaux, de par le fait qu’il détermine presque toute la vie sociale contemporaine.

      Or aucune société ne peut se développer seulement par l’intérêt – qu’il soit privé ou public ne change pas grand chose.

      La solution, je ne crois donc pas que ce soit plus de dette publique et moins de dette privée. Il n’y a aucune solution en déplaçant une valeur devenue toxique par son omniprésence.

      Mais moins de dette, moins d’argent, moins de réflexions et décisions centrées sur l’argent.

      Nous sommes loin du compte, mais le côté positif de la crise Covid, c’est la mise à nu de certaines limites (économiques, mais aussi étatiques). Ce qui provoque des envies chez pas mal de personnes pour revenir vers des fonctionnements plus simples. En cela, il n’est pas difficile d’entrevoir des potentialités pénibles à très court terme (violence, divisions), mais aussi un retour vers une forme de réalité, qui pourrait se révéler positif à long terme, qui sait?

      Ce n’est sans doute que le début, mais une fois que cette dynamique sera en marche, les institutions actuelles retrouveront peut-être leur juste place, qui est de rendre des services et non de créer des dépendances et des esclavages, des abus de position dominante (aussi pour l’Etat, si, si).

      Sinon, elles seront complètement détruites.

      La partie conservatrice d’épargne que vous critiquez volontiers n’est pas le problème principal. C’est un vieux reste de lien envers la réalité – la sobriété.

      En ce sens, il pourrait même se révéler vertueux, s’il peut réunir les gens et leur réapprendre à partager des ressources.

      1. Bonjour Samy,

        Merci pour votre commentaire. Je comprends et je partage votre vision de la sobriété et de la nécessité de remplacer la compétition par la coopération ou la solidarité pour rendre le monde vivable et désirable. Mais malheureusement la monnaie ou l’argent que vous dénoncez sans doute en raison de sa violence sociale sourde, est théorisée comme un mal nécessaire qui permet de surmonter tous les inconvénients inhérents à une économie de troc, où les biens s’échangeaient contre d’autres biens, comme ce fut le cas dans les sociétés primitives où, par exemple, les meules de gruyère s’échangeaient contre les sacs de blé sur le marché local d’un village suisse. En effet la monnaie permet de surmonter la contrainte de la double coïncidence des besoins, comme on dit dans le sabir des économistes.

        Je ne vous apprendrais rien si je vous disais que nos actions sont souvent motivées par la recherche de l’intérêt ou du profit, ce qui n’est d’ailleurs pas incompatible avec les sentiments d’altruisme envers les autres, qui peuvent habiter certains d’entre nous. Nous vivons dans un monde qui continue à baigner dans les eaux glaciales du calcul égoïste; comme vous pouvez le constater, Marx n’est pas mort! En effet, une société qui fait jouer un rôle fondamental à l’intérêt que vous dénoncez, nous conduit droit dans le mur! Pourtant, la discipline économique qui est enseignée dans les universités du monde entier a mis au centre l’intérêt égoïste des acteurs économiques. A ce propos, le père fondateur de l’économie politique moderne, l’écossais Adam Smith, nous dit que ce n’est pas de la bienveillance du boulanger, du boucher ou du brasseur de bière que nous attendons notre dîner, mais du soin qu’ils apportent à leur entreprise. C’est la fameuse “main invisible” qui est censée mettre de l’ordre dans le chaos du marché, et que les ultra-libéraux défendent bec et ongles, en dépit de ses multiples défaillances (risque systémique, risque pandémique).

        En fait, on peut démontrer à l’aide du dilemme du prisonnier que la rationalité individuelle peut conduire à une catastrophe collective. Par exemple, une entreprise qui licencie une partie de son personnel dans le seul but de sauver sa peau ou de faire monter ses actions en bourse, contribue de manière non-intentionnelle à la dégradation de son environnement (baisse de la demande, anticipations pessimistes sur le climat des affaires, chômage involontaire) et à la destruction de l’équilibre financier des institutions de protection sociale comme l’assurance-chômage. Tout particulièrement, quand chaque entreprise se comporte de la sorte en considérant que les effets de ses propres décisions sont similaires à ceux d’une goutte d’eau dans l’océan. Force est de reconnaître que le monde réel, fondé sur le calcul rationnel individuel, fonctionne selon cette logique qui ignore les externalités négatives ou positives.

        Enfin, je respecte votre point de vue, mais je ne le partage pas à propos des conséquences de la pandémie. Certes, les épidémies sont aussi vieilles que le monde: la peste dans la Grèce antique à l’époque de Périclès ou la peste noire à Florence en 1348, décrite de manière saisissante quant à ses ravages sur la vie sociale dans le Décaméron de Boccace. Ce dernier a théorisé la préférence pour le présent de l’analyse économique contemporaine: en gros, si l’on annonce que la fin du monde est pour demain soir, il faudra s’attendre à ce que les gens cherchent à jouir des biens de ce monde ici et maintenant. La mondialisation sauvage qui n’a de respect ni pour les populations pauvres (sous prétexte qu’elle apporte quelques miettes à celles-ci sous la forme sonnante et trébuchante), ni pour la biodiversité, ni pour le climat, a mis aux prises des masses humaines dont les habitudes alimentaires sont différentes, et ainsi elle a contribué grandement à la diffusion de l’épidémie à l’échelle planétaire. La conséquence en fut le blocage de l’économie mondiale et sa mise à l’arrêt. Heureusement il y avait la puissance publique qui a joué son triple rôle de régulateur, d’assureur et de protecteur. En un mot comme en cent, il existe des circonstances qui ont tendance à se répéter avec une fréquence élevée où la main visible de l’Etat sauve la mise à la main invisible de Smith.

        1. Personne ne nie le rôle utile que peuvent jouer l’Etat ou l’argent.
          Mais comme le dit le proverbe, l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître. C’est la même chose pour l’Etat.
          Ce ne sont pas des règlements ou des artifices qui vont changer le cours de l’histoire actuelle (avec tout ce que vous dénoncez avec justesse).
          Notre époque demande de revenir à la vie dans sa simplicité. Et c’est possible.
          D’ailleurs, nous n’aurons bientôt plus le choix.

    1. A part la comparaison des dettes publiques, nous ne pourrions retirer aucun enseignement valable concernant la Suisse de ces graphiques. En effet, la dette des personnes est imputable à l’hypothécaire, et pour rendre la comparaison valable il serait nécessaire de soustraire de la dette le trillion des fonds du 2ème pilier, qui n’existe presque pas dans les grands pays comme l’Italie, la France et l’Allemagne. S’agissant de la dette non-financière des entreprises, celle-ci contient les dettes des multinationales comme Caterpillar et Nestlé, zéro possibilité de comparaison avec d’autres pays. Comparaison n’est pas raison, et à plus forte raison cette fois-ci!

    2. Bonjour Raymond,

      Merci pour le partage. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article consacré à l’endettement du secteur privé en Suisse. Je savais déjà que la Suisse est traditionnellement un pays de locataires et que le loyer a une propriété héréditaire au sens mathématique de cette expression, comme c’est le cas lors d’une démonstration par récurrence par exemple, dans la mesure où il n’est pas impossible que les générations entières de la même famille se succèdent comme locataires dans le même appartement ou dans la même maison.

      De plus, comme vous le savez, une forte majorité des Suisses ne sont pas propriétaires de leur logement, et ce malgré un environnement de faibles taux d’intérêt, lequel devrait logiquement stimuler les ménages pour accéder à la propriété immobilière. Or, la lecture de l’article m’a permis de déceler un paradoxe que je ne pourrai expliquer qu’en recourant à des conjectures. Effectivement le taux d’endettement des ménages suisses est relativement élevé en comparaison des données internationales; mais en même temps il n’est compatible ni avec l’épargne des ménages, qui est de plus de 19% en pourcentage du PIB, ni d’ailleurs avec la proportion des propriétaires qui reste somme toute relativement faible. Alors, comment expliquer ce qu’il convient d’appeler un paradoxe? En effet l’endettement des ménages n’est visible ni dans les statistiques des propriétaires des logements ni dans le taux d’épargne des ménages. En tout cas, le principe d’endettement des ménages ne semble pas refléter une demande de biens en propriété, comme c’est le cas par exemple en France, où l’endettement des ménages s’explique par la demande des crédits auprès du système bancaire en vue de l’achat d’un appartement ou d’une maison. Sachant que, il est vrai, cette propension au rêve d’accéder à la propriété immobilière n’est pas toujours proportionnée à la capacité de financement des candidats à l’accession à la propriété immobilière. C’est pourquoi d’ailleurs la Banque de France vient de renforcer les règles prudentielles afin de prévenir le risque de surendettement des ménages.

      D’autre part, si la proportion des locataires en Suisse reste relativement élevée, c’est sans doute parce que les loyers sont encadrés par les pouvoirs publics et que sans doute les entreprises et les administrations publiques financeraient une partie des loyers, comme c’est le cas à Vienne, en Autriche, par exemple. Sinon on aurait assisté à une ruée sur les achats des logements, compte tenu de la faiblesse du coût des crédits, à moins que les normes macro-prudentielles en Suisse ne soient plus sévères qu’ailleurs. Pour expliquer le paradoxe susmentionné, je suis tenté pour ma part d’introduire une inégalité entre les ménages: l’ accroissement de l’endettement constaté des ménages pourrait être le fait d’une petite minorité riche qui achète des logements à des fins de spéculation, vu qu’il existe des tensions sur le marché immobilier, lesquelles s’étendent aussi à la France voisine. Bien sûr, il ne s’agit que d’une hypothèse qui reste fragile. En tout cas elle mérite d’être étayée par des éléments empiriques.

      Bien à vous

      1. Bonjour cher NOEL,

        Merci de partager cette analyse pertinente dont je mets en exergue cet extrait pour ma réponse:

        “Pour expliquer le paradoxe susmentionné, je suis tenté pour ma part d’introduire une inégalité entre les ménages: l’accroissement de l’endettement constaté des ménages pourrait être le fait d’une petite minorité riche qui achète des logements à des fins de spéculation, vu qu’il existe des tensions sur le marché immobilier”.

        Réponse: Il est juste de dire que la notion de propriétaire immobilier ne fait pas partie de l’ADN des Suisses; cependant, les coûts des loyers rendus de plus en plus prohibitifs – par le truchement d’un marché immobilier spéculatif – poussent de plus en plus de ménages vers la pierre, sachant que l’helvétie a cette particularité qui veut que la majorité des propriétaires fonciers ne rembourse son endettement qu’à hauteur du titre hypothécaire (garantie) inscrit en premier rang au registre des “débiteurs fonciers”, respectivement comme “propriétaires” (Registre Foncier). Soit, techniquement parlant, qu’il reste à un ménage commun un endettement maximal de 66% de la valeur vénale de son bien immobilier, dès l’âge de la retraite. Sous réserve d’un appel de marge du créancier-gagiste lors d’un aléa financier ou d’un retournement d’un marché immobilier surévalué. Ceci m’amène à dire – sans concession – qu’une grande majorité des “petits propriétaires” (ménages) demeure des “locataires captifs” de leurs créanciers gagistes (banques/assurances), sachant que leur créance penche le plus souvent du côté du pourvoyeur de capitaux. D’ailleurs, comme le soulignait également le FMI en 2019, 85% des actifs bancaires en Suisse sont concentrés dans le crédit immobilier. Les caisses de pension de même que les assurances étant substantiellement exposées aux risques de ce marché, et que “toute crise dans ce domaine va forcément résonner dans l’ensemble de l’économie avec des conséquences négatives pour la stabilité financière”. Alors qu’en parallèle, le taux d’endettement (tout endettement confondu) des ménages suisses est l’un des plus élevés au monde.

        D’autre part, en 2019, pas moins de 20,7% des Suisses ne pouvaient pas se permettre une dépense imprévue de 2500 francs et, avec l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du baby-boom et l’augmentation de l’espérance de vie, la part des personnes de 65 ans et plus dans la population atteindra près de 30% dans les années 2050, ce qui correspond à un taux de vieillissement plus rapide que dans la plupart des pays de l’OCDE. La Suisse est sur la pente descendante mais se voile toujours la face. À cet égard, les gouvernements successifs n’ont-ils pas fermés successivement les yeux sur le “business du secret bancaire” pour lequel la Suisse recevait déjà des avertissements répétés sous la présidence Kennedy dans les années 60? Voilà qui devrait me valoir – encore une fois – une volée de bois vert!

        https://www.avenir-suisse.ch/fr/une-personne-sur-cinq-en-suisse-naurait-pas-depargne/

        https://www.oecd.org/fr/economie/suisse-le-pays-doit-se-preparer-au-vieillissement-de-sa-population-pour-maintenir-des-niveaux-de-vie-eleves.htm

        Un développement de cette analyse a été fait pour Élie Hanna plus avant sur le fil (immobilier).

        Bien à vous

  8. Bien évidemment, Elie Hanna, tout ce que je poste est farfelu et sans fondement, même les “clins d’oeil” au travers des links. D’ailleurs, heureusement que le ridicule n’a pas encore eut ma peau.

    Dans la même veine – avec le choc pandémique – autant dire que les pertes de revenu liées au chômage partiel, suppression de postes et disparition de revenus d’appoint ne sont plus des indicateurs préoccupants pour un petit pays qui supporte un tel endettement des ménages. Et des entreprises. Autant dire qu’un dénouement du filet social de sécurité n’aura aucun impact sur les ménages (actifs et retraités) sur leurs capacités de remboursement en toutes circonstances, ceci, même s’ils ont massivement eu recours à leur fonds de pension pour garantir un minimum de fonds propres. Toujours en suivant cette logique caractérisée, autant dire qu’aucune corrélation n’existe dans la politique des risques (bancaires et assurantiels) face aux endettements privés et commerciaux. Bien évidemment, la grande disruption accélérée par la pandémie n’aura aucune incidence sur les emplois, les salaires et le chômage à l’avenir.

    Allez, plus sérieusement, Elie Hanna, comprenez bien que nos gouvernements ont délibérément choisi la voie de la “zombification” de nos économies réelles au travers du levier de l’endettement (privé et commercial). En effet, que les flambées immobilières ne nous induisent pas en erreur car, tant aux Etats-Unis, en Europe et bien évidemment en Suisse, les multiples aides en faveur de l’accession à la propriété n’ont été que la manière la plus facile pour les banques et pour l’Etat de créer des capitaux afin de nous donner une illusion de confort matériel et, ce, à mesure que les salaires pour leur part étaient en plein déclin. Le processus est élémentaire car l’argent créé par les banques est ainsi utilisé au jour le jour pour l’ensemble de nos transactions quotidiennes, sans même que l’on y pense ou qu’on le soupçonne. De fait, nos cycles économiques sont désormais très substantiellement affectés par le marché immobilier, car c’est à ce dernier que nos économies doivent l’essentiel de la masse monétaire en circulation (selon la logique que les crédits font les dépôts et non l’inverse). Dès lors, et comme l’immobilier est le régulateur fondamental de notre croissance, toute crise immobilière exerce des effets quasiment dévastateurs sur l’ensemble de l’activité économique. L’effet multiplicateur du marché immobilier est donc magnifié, dans le bon sens mais surtout dans le mauvais, car huit des dix dernières récessions occidentales furent provoquées par des crises immobilières. En effet, en dépit de l’intégration de nos économies, malgré toutes leurs avancées technologiques et leur taille parfois gigantesque (comme celle par exemple des Etats-Unis), une tourmente immobilière dégénère quasi-immanquablement en récession généralisée, car l’immobilier est aux sources d’une création monétaire massive. Comme le système financier, et avec eux les pouvoirs publics, sont pertinemment conscients des dangers existentiels d’une chute brutale de ce marché, c’est également le système de la valorisation des biens qui se retrouve faussé. Il y a en effet trois principales méthodes pour estimer la valeur d’un bien immobilier: le cash flow, le coût de remplacement et par comparaison. Cependant, comme le cash flow – c’est-à-dire les loyers – et comme les coûts de remplacement – c’est-à-dire la reconstruction pure et simple du bien en question – ne justifient évidemment pas les prix pratiqués, c’est donc la valorisation par comparaison qui prévaut. Cependant, comme le système bancaire privé s’adosse principalement sur l’immobilier pour sa création monétaire, et comme nul mécanisme ne saurait remplacer de nos jours l’effet de richesse induit par ce marché permettant de soutenir la consommation au sein de nos économies, nous nous retrouvons donc dans des situations aberrantes comme celle qui prévaut toujours aujourd’hui aux Etats-Unis, où c’est l’Etat qui contrôle de facto le marché immobilier. En d’autres temps et avec l’or, ceci s’appelait l’étalon or dont la convertibilité avec les billets de banque était légale et clairement définie. Aujourd’hui, les dollars, les euros et les francs suisses que nous possédons sont indirectement convertibles contre de l’immobilier car l’essentiel de la monnaie créée par les banques est justifiée par l’essor du marché immobilier. Comme les banques et comme le “shadow banking” créent de l’argent ex-nihilo simplement adossé sur une valorisation de l’immobilier – dont on sait de surcroît qu’elle est fallacieuse – nous vivons donc – non dans un système d’étalon or – mais d’”étalon immobilier”, où la quasi-totalité de notre monnaie n’existe que par ce marché et que pour encourager son appréciation.

    Vous voyez Elie Hanna, encore une réaction ridicule de ma part ou peut-être une simple illustration de la théorie de “Vil Coyotte”!

    1. Oups, j’ai failli oublier “un autre détail sans importance”.

      “Heureusement que la Suisse n’est pas un pays comptant un secteur bancaire systémique, que l’autorité de surveillance (FINMA) est extrêmement sérieuse et sans reproche ni conflits d’intérêts.”

      “Heureusement que la BCE n’envisage pas un changement de paradigme et que la BNS a une composition de bilan que l’on connaît.”

      Tout va pour le mieux dans le “Meilleur des mondes”… Elie Hanna!

      https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2021/html/ecb.pr210714~d99198ea23.fr.html

  9. Samy reproduit le proverbe: “l’argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître”. En ce sens, il a parfaitement raison étant donné que la monnaie (l’argent) est un médium d’échange reposant sur la confiance des parties; “un bon serviteur”. Mais la monnaie est également “un mauvais maître”. Effectivement, au sens de l’argent/dette, d’ailleurs pour illustrer ceci, il faut comprendre la “politique des réserves fractionnaires” :

    RAYMOND
    15 mai 2021 à 17 h 15 min

    La population helvétique – au sens de l’Intérêt général – détient un formidable outil qu’elle n’utilise convenablement pour forger ses propres intérêts, faute d’une culture économique suffisante et d’un conditionnement pavlovien qui lui est finalement contreproductif.

    Ce “quidam”, au moment de la votation en question (monnaie-pleine) savait-il seulement que la création d’un pouvoir d’achat qui ne trouve pas son origine dans un travail, c’est en quelque sorte voler ceux qui ont travaillé? Avec le système monétaire actuel, les banques ont pu se construire un empire financier sans avoir jamais rien produit. Par leur création monétaire ex nihilo (à partir du néant qui ne résulte pas d’une production de richesse), elles créent un pouvoir d’achat sans sortir un centime de leur poche, mais en percevant un intérêt (le prix du temps) sur ce pouvoir d’achat qui ne leur appartient pas. Maurice Allais, détenteur du prix de la Banque de Suède en mémoire à Alfred Nobel (Nobel d’économie 1988) ne comparait-il pas la création monétaire par les banques privées à celle des faux-monnayeurs? La seule différence, disait-il, est que les banques le font légalement, mais d’un point de vue économique, le résultat est identique.

    La plupart des gens pensent toujours que tous les francs suisses sont déjà créés par la Banque Nationale Suisse, or ce n’est pas la réalité car seuls les pièces et les billets émis par la BNS sont de la “monnaie pleine” accessible au public. Ils ne représentent que 10% de la monnaie en circulation puisque le système actuel de création monétaire est composé pour 90% de “monnaie électronique privée”, créée par les banques commerciales lorsqu’elles octroient des crédits (les crédits font les dépôts). C’est-à-dire qu’avec 1 en monnaie “papier” en compte, je créé 9 en monnaie “électronique” via le secteur bancaire privé et par le truchement d’une écriture comptable. Ou dit autrement, avec 1 en capital confiance aujourd’hui (la monnaie “papier” ou le produit du travail), comme banque commerciale privée, je matérialise une nouvelle création monétaire * 9 avec le levier du crédit (respectivement grâce à une “promesse de remboursement dans le futur”, c’est-à-dire qu’aujourd’hui, j’hypothèque le travail futur d’une population). Ou pire encore puisque si je couple à ce volet monétaire la financiarisation exacerbée par les marchés financiers, alors je peux dire que je capte aujourd’hui – et aussi – toute création de richesse future.

  10. Et quand j’écris ceci: “Ou pire encore puisque si je couple à ce volet monétaire la financiarisation exacerbée par les marchés financiers, alors je peux dire que je capte aujourd’hui – et aussi – toute création de richesse future”.

    Je veux repréciser cela:

    RAYMOND
    27 septembre 2021 à 13 h 03 min
    Extraits” (…) Bien entendu, les travaux de William Lazonick, économiste de l’université du Massachusett – intitulés “Profits Without Prosperity” – auront échappé à la vigilance du ”bon peuple” mais pas le mantra d’Arthur Laffer écrit sur le coin d’une nappe de bistrot. Et, si la “théorie” de Laffer est néanmoins recevable dans le cadre de l’hypothèse ceteris paribus, les études empiriques tentant de vérifier cette relation aboutissent à des résultats plus que controversés (…) Aujourd’hui encore, comment ignorer le fait incontestable que la seule circulation du capital (avec sa vélocité de circulation stratosphérique) suffit à le faire fructifier, à contrario du facteur travail qui, lui, tend à disparaître. Autrefois, dans un temps désormais révolu, les bourses (les marchés financiers par analogie) étaient encore au service de l’économie; le marché des actions offrait traditionnellement rentabilité et croissance sur le long terme aux investisseurs et le marché obligataire permettait, lui, de dégager du revenu, aujourd’hui, la donne a changé. Les politiques non conventionnelles des banques centrales – couplées aux dogmatismes des orthodoxes – ont exacerbé le changement de paradigme entrepris depuis des lustres, car les liquidités globales se sont agglutinées vers les marchés boursiers internationaux qui disposaient d’un atout de taille dans un cycle durable de taux déprimés : les dividendes. Le “prix du temps” ayant dès lors opéré sa mue. Par cette grande transformation, les investisseurs, en mal de rentabilité, et s’étant rendus compte que la distribution de dividendes sur les portefeuilles actions répondait très honorablement à leur quête de rendement (revenus) ont ainsi détourné le marché boursier de sa vocation originelle de financement des entreprises pour en faire une machine à produire du rendement (revenus) par dividendes interposés. Constaté par de nombreux experts, ce phénomène reste sans précédent dans l’histoire des bourses depuis plus d’un demi siècle, le marché des actions étant ainsi devenu un marché obligataire alternatif et, à l’évidence, sera encore plus lourd de conséquences – post pandémie – pour le monde de l’entreprise, pour les travailleurs, et bien-sûr pour les banques centrales comme pour les dirigeants politico-économiques.

    À l’avenir, ce phénomène amènera donc l’État à revoir encore considérablement la copie de ses propres contraintes en reportant la prime de risque (devenue exorbitante) sur ses administrés asservis. Et, si dans le débat théorique dominant, non seulement la “Supply-side economics” a justifié à tord la réduction des dépenses publiques durant dix ans de crise(s), cette dernière allergie fiscale représentée par le résultat du vote populaire du 26 septembre 2021 – néanmoins totalement décorrélé des réalités – accroîtra mécaniquement l’effet de paupérisation à moyen/long terme.

    Bien évidemment, en parlant de relance budgétaire dans l’Intérêt des peuples, l’on peut toujours crier aux loups et continuer de faire le jeu de ses maîtres, tout est question de point de vue. D’où “l’amour pour sa propre servitude”! CQFD.

  11. Quelques observations complémentaires à propos de la dette publique.

    L’envolée récente de la dette publique justifiée avant tout par la crise du Covid suscite une hostilité croissante dans les milieux économiques libéraux et celle des politiciens défendant leurs intérêts. Ainsi, avec des arguments souvent fallacieux, ils s’évertuent à nous faire croire que l’accumulation de la dette publique reflète un laxisme permanent des gouvernements. Ces derniers sont en effet accusés de dépenser sans compter et de tirer donc des chèques sur l’avenir pour des motifs étrangers au bien-être collectif. C’est ce que d’aucuns appellent “cramer la caisse”. C’est une expression qui relève du registre du langage familier; mais force est de reconnaître qu’elle est en train de s’imposer comme un slogan politique, même, s’il est vrai, sa propre autrice n’a pas encore récolté le gain électoral escompté, du moins selon les sondages.

    D’autres versent des larmes de crocodiles sur le sacrifice des générations futures que les impôts futurs vont pénaliser, en traitant les “vieux” d’aujourd’hui non seulement comme de sales égoïstes, mais aussi comme des sosies indiscernables en matière de pensions de retraite et de patrimoine. Alors que tant les statistiques que l’intuition suggèrent que les retraités sont loin d’être un bloc homogène. En effet les disparités salariales du monde professionnel se transposent mécaniquement et fidèlement au monde des vieux jours des retraités en termes de disparités des pensions de retraite. De même les inégalités de naissance mettent à mal l’équité horizontale. Sachant que celle-ci est une propriété importante associée au marché sans friction généralisé des économistes libéraux. Car contrairement à une croyance dominante, le marché ne traite pas de manière égale les individus ayant les aptitudes identiques. A cet égard notons que tant l’observation que les travaux théoriques suggèrent que les legs intergénérationnels induisent une inégalité rémanente. En effet, la transmission par la famille d’un patrimoine intellectuel et culturel conséquent, qui favorise l’acquisition de l’éducation, s’oppose à l’égalité des chances et donc à l’équité horizontale.
    C’est l’un des arguments les plus souvent répétés par les libéraux, qui serait que nous allons laisser une dette publique comme un fardeau pour les générations futures. Il importe de relativiser cette proposition qui tend à faire de la dette publique un épouvantail, par le fait que celle-ci est le mécanisme approprié afin de faire participer les générations futures à leur propre bien-être, mais aussi par le fait que le poids de la dette ne repose pas intégralement sur les épaules des générations futures, eu égard à la durée moyenne ou à la maturité de la dette publique. En effet une dette publique pourrait ne pas se rembourser, dans la mesure où elle peut être roulée indéfiniment. Sans parler de l’avantage que la dette publique présente en termes de sécurité pour les gestionnaires de portefeuilles d’actifs, surtout si ceux-ci ont de l’aversion pour le risque.

    Par ailleurs, on peut regretter que les gens sérieux qui nous font la morale matin, midi et soir avec l’envolée de la dette publique due en grande partie à des circonstances exceptionnelles, se soucient comme d’une guigne des générations futures et présentes, lorsqu’il s’agit de parler d’environnement et de la crise climatique. En vérité, cette inquiétude à l’endroit des générations futures n’est qu’un prétexte pour justifier la mise en place de l’austérité budgétaire (moins de dépenses publiques et baisse des impôts pour les plus riches). C’est pourquoi l’argument du fardeau de la dette publique pour les générations futures ne tient pas la route. Il est à cela plusieurs raisons qu’il convient de synthétiser à présent.

    Les administration publiques ont, certes, des dettes, mais aussi un patrimoine. Comparer ce que possèdent les administrations publiques à ce qu’elles doivent fait partie des indicateurs sur lesquels l’attention devrait se focaliser. Ainsi dans le bilan d’une entreprise privée, il y a des actifs en face de son passif. Il en va de même pour les administrations publiques. Autrement dit, l’Etat et les autres administrations publiques ont souvent un patrimoine considérable qui ne semble pas être pris en compte dans le discours anxiogène sur la dette publique. En général le patrimoine de l’Etat se matérialise par des bâtiments, du foncier, des actions d’entreprises ou encore des droits de propriété intellectuelle. Bien évidemment cette liste n’est pas exhaustive, mais elle permet de mieux saisir l’ampleur et la forme que prend le patrimoine des administrations publiques bien moins mis en avant que leurs dettes.

    La dette publique est souhaitable, tout particulièrement quand la dépense publique doit servir l’investissement. Comme souvent on ne peut se limiter à une approche quantitative pour saisir tous les enjeux autour de cette question sensible, s’il en est. En effet, tous les déficits publics ne se valent pas. Concernant l’Etat, si son déficit s’explique par une politique d’investissement massif dans l’éducation par exemple, cela va se traduire par une montée en qualification de la population. Cela pourrait provoquer un reflux du chômage, une augmentation des salaires et donc à la fois des dépenses en moins pour les finances publiques. Mais également des recettes fiscales supplémentaires. Autrement dit, le déficit budgétaire utilisé comme une impulsion pour stimuler l’activité économique grâce au multiplicateur keynésien, peut être financé grâce à la croissance économique. C’est pourquoi il n’est pas déraisonnable d’affirmer que le remède au mal nécessaire de la dette publique réside dans la croissance économique.

    De la même façon, si l’Etat investit dans le transport ferroviaire par exemple, il va faciliter les déplacements des personnes et des marchandises, réduire les gaz à effet de serre, limiter la pollution et donc permettre une meilleure santé pour la population et une productivité accrue qui pourrait faire baisser le chômage et augmenter les salaires.

    Dans ces deux exemples, on voit bien que le fruit de ces investissements pourra être transmis aux générations futures de manière immatérielle (capital culturel ou humain) et matérielle (meilleur réseau ferroviaire). Ainsi, contrairement à la vision libérale de la dette publique, chaque génération profite de l’accumulation des connaissances et des investissements des générations précédentes.

    Enfin, il importe de noter que les libéraux utilisent la dette publique comme ruse pour transformer le conflit de classes ou la lutte des classes pour utiliser un langage marxien, en un conflit des générations. En réalité les générations futures ne supportent pas intégralement le poids de la dette publique, notamment lorsque l’Etat roule sa dette et que la maturité de celle-ci n’excède pas dix ans, ce qui est le cas de la France et sans doute celui de la Suisse aussi par exemple. Ainsi les générations futures n’auront plus à rembourser la dette, car celle-ci sera financée par les générations actuelles. De plus, comme nous l’avons souligné, il n’y a pas que les dettes qui seraient transmises aux générations futures, les titres de créance le seraient également. Ceux qui toucheront les remboursements de la dette publique appartiennent aussi aux générations futures. C’est pourquoi il ne s’agit en aucun cas d’un conflit générationnel, mais d’un conflit entre les détenteurs de la dette publique (souvent des riches ou rentiers) qui touchent les intérêts de la dette et le reste de la population qui subit les coupes dans les dépenses publiques pour rembourser cette dette, lorsque les pouvoirs publics recourent à une politique austéritaire.

    1. Crise intestine portant sur les recettes ou les dépenses?
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      RAYMOND
      1 octobre 2018 à 10 h 10 min
      Renversement des valeurs et dévoiement de la pensée économique. Le néolibéralisme est un fascisme.

      Si les travaux qui commencent à suspecter les défaillances de l’État émergent à partir des années 1950, entre autres à l’aide du « paradoxe » de Kenneth Arrow, de la théorie du « Public Choice » de James McGill Buchanan, ou encore plus tard avec les travaux d’Elinor Ostrom portant sur « Analysis of economic governance, especially the commons », on retiendra que la nouvelle économie publique a toujours plaidé en faveur d’un État limité grâce au soutien des économistes « mainstream » qui appréhendent l’État dans une perspective microéconomique. Or, si l’on raisonne à une échelle macroéconomique, que ce soit pour justifier l’action de l’État (perspective keynésienne) ou la déprécier (école des anticipations rationnelles), les arguments différents et pourtant, en forçant quelque peu le trait, les phases connues par la pensée macroéconomique sont plus ou moins similaires à celles connues par la pensée microéconomique de l’État : âge d’or de l’intervention de l’État avec la révolution keynésienne et la synthèse néoclassique, suivi d’une méfiance envers les effets de son action avec l’école des anticipations rationnelles au travers des années 1970-80. La pensée macroéconomique moderne a néanmoins élaboré de nouveaux arguments en faveur de l’intervention de l’État (école des nouveaux keynésiens, modèles de croissance endogène…), arguments renforcés par certaines études empiriques comme celle par exemple d’Olivier Blanchard et Daniel Leigh du FMI : « Growth forecast errors and fiscal multipliers », IMF Working Papers, 2013. Enfin, si l’on retient ce propos de James McGill Buchanan : « Good games depends more on good rules than they depend on good players » (en d’autres termes, « si vous voulez améliorer la qualité de l’action publique, améliorez les règles du jeu et non pas les joueurs ») et que l’on y intègre la volonté d’un « État fort » comme postulé (à dessein) par Jean Tirole à l’occasion de l’attribution de son prix Nobel d’économie en 2014, alors on est en droit de se poser la question suivante: – Faut-il attendre d’un « État fort » qu’il soutienne le « néolibéralisme globalisé » au détriment de la notion d’« Intérêt général » ? Et à la lumière de la tirade de James McGill Buchanan, il est néanmoins surprenant de constater à quel point « la démocratie libérale » s’est imposée dans la vie politique en « triant ce qui est ou non acceptable pour les institutions internationales de la finance et du commerce » et « désavoue les souverainetés populaires et nationales », comme le relève très bien le psychanaliste français Roland Gori (professeur émérite de psychologie et de psychopathologie clinique à l’Université Aix-Marseille), pour finir par renchérir : Quand « la police des pensées et des comportements est assurée par les nouvelles formes sociales de l’évaluation qui réduisent la notion de valeur à la conformité et au calcul » ; quand « la concurrence économique n’est qu’une manière de poursuivre la guerre par d’autres moyens » … « on retrouve les trois caractéristiques principales du fascisme : parti unique, un contrôle social sévère et un expansionnisme guerrier ».

      https://blogs.letemps.ch/sergio-rossi/2018/10/01/la-promotion-economique-ne-se-fait-pas-avec-des-cadeaux-fiscaux/#comments
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