Dix années de crise ne sont pas suffisantes

Ce mois-ci tombe le dixième anniversaire de l’éclatement de la crise financière globale qui a suivi la mise en faillite aux États-Unis de la banque d’affaires Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Durant ces dix années, les effets négatifs de la crise ont fait de très nombreux ravages dans les pays occidentaux. Les banques de toute sorte ont dû révéler leurs fragilités face au tsunami provoqué par la première crise systémique du capitalisme financier. Ces fragilités ont induit plusieurs autorités de réglementation à accroître les exigences financières que les banques doivent respecter pour continuer à fonctionner sur le plan global.

Avec les années et l’apparente atténuation des conséquences négatives de cette crise, tant les régulateurs que les autorités politiques ont subi de multiples pressions des milieux intéressés, afin d’édulcorer les règles à respecter par les institutions financières dans le monde occidental. Au fur et à mesure de l’écoulement du temps, ces règles ont été biffées ou affaiblies, permettant ainsi aux banques de s’y soustraire d’une manière ou d’une autre, transférant à d’autres acteurs économiques les risques et les coûts de la prochaine crise financière d’ordre systémique.

La rhétorique anti-réglementation est toujours la même: les adeptes du libre marché affirment – souvent sans conviction et de toute manière sans aucune raison – que les banques soumises à des règles plus sévères vont réduire le volume de crédit octroyé aux petites et moyennes entreprises. Celles-ci n’auront dès lors pas d’autre choix que de diminuer la production et le niveau d’emploi. A moyen-long termes il y aurait ainsi un effet négatif sur l’évolution de l’économie dans son ensemble, qui subirait un ralentissement conjoncturel suite aux réglementations accrues du secteur bancaire.

S’il est vrai que durant cette décennie les banques ont réduit les lignes de crédit qu’elles ont ouvertes aux entreprises de petite taille, cela n’est certainement pas à cause des nouvelles règles à respecter sur le plan financier. Il s’agit en fait d’une conséquence dramatique de la crise économique provoquée par la crise financière: bien des entreprises réduisent la production, donc aussi la demande de crédits bancaires, parce qu’elles ne réussissent pas à vendre tout ce qu’elles ont produit, étant donné la réduction de la capacité d’achat des consommateurs de la classe moyenne dans de très nombreux pays.

Les solutions pour sortir de cette décennie de crise existent et ont été proposées par différents économistes hétérodoxes. Si l’on veut remettre la finance au service de l’économie «réelle» pour satisfaire les besoins de la population mondiale, au lieu de faire souffrir celle-ci et de nombreuses entreprises afin de satisfaire l’avidité des institutions financières, il suffirait d’interdire tous les produits dérivés et structurés, qui ne font qu’enrichir celles et ceux qui spéculent sur le dos de la collectivité.

La prochaine crise financière systémique pourrait donc éclater déjà dans quelques années…

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

2 réponses à “Dix années de crise ne sont pas suffisantes

  1. Bonjour Cher Professeur Rossi, très heureux de vous lire à nouveau…Merci.

    Nos « élites » ne devraient jamais oublier cette maxime du professeur d’économie à l’Université de Washington, Hyman P. Minsky : « La stabilité est instable »

    Cliquez sur le lien, puis sur l’image pour l’agrandir.

    https://ei.marketwatch.com/Multimedia/2017/11/28/Photos/NS/MW-FZ157_allthe_20171128163701_NS.png?uuid=44e9a602-d484-11e7-b2b7-9c8e992d421e

  2. Inside Lehman Brothers – Pour ne jamais oublier la folie de la finance prédatrice et la passivité (la collusion!) des autorités prudentielles et gouvernementales.

Les commentaires sont clos.