L’intégration non-adhésive de la Suisse à l’Union européenne

25 années se sont écoulées après le refus du peuple suisse d’adhérer à l’Espace économique européen (EEE), préférant la voie solitaire. À cette époque-là, et durant l’ensemble des années 1990, l’économie helvétique était confrontée aux conséquences négatives de la crise immobilière éclatée à la fin des années 1980 au niveau national. Bien des activités économiques furent alors touchées de manière dramatique et les banques durent enregistrer des pertes colossales sur les prêts hypothécaires qu’elles avaient octroyés pour l’accès à la propriété du logement de la classe moyenne.

Afin d’éviter que la crise immobilière induise une crise économique à l’échelle nationale, les autorités politiques de la Confédération négocièrent une série d’accords bilatéraux avec la Communauté européenne, permettant à l’économie suisse de sortir de la crise immobilière par l’expansion du commerce international. Ces accords – et ceux qui les suivirent quelques années plus tard – permirent à l’économie suisse d’éviter d’être isolée du reste du continent après le refus populaire d’adhérer à l’EEE en 1992.

25 années après ce vote populaire, le bilan économique de ce choix n’est pas très positif. D’une part, la Suisse a pu réduire au minimum sa contribution financière à l’intégration européenne durant le dernier quart de siècle. Si elle avait adhéré à l’EEE, la Confédération aurait dû verser chaque année une somme d’environ 200 millions de dollars américains, et une somme bien plus élevée si le peuple suisse avait décidé de faire partie de l’Union européenne (UE). Avec les accords bilatéraux, la Suisse s’est limitée à accepter de verser un milliard de francs au Fonds de cohésion de l’UE (une somme échelonnée sur dix ans).

D’autre part, toutefois, le refus populaire d’adhérer à l’EEE n’a pas permis à l’économie suisse d’accéder à la totalité du marché unique européen. Les accords bilatéraux ne permettent de bénéficier que d’environ 70 pour cent des avantages liés au marché unique européen. Par ailleurs, les accords bilatéraux obligent la Suisse à adapter le droit helvétique au droit européen sans aucune possibilité de l’influencer.

25 années après le refus d’adhérer à l’EEE, l’économie suisse est confrontée à un autre gros problème. L’application de l’initiative «contre l’immigration de masse» acceptée lors du vote populaire du 9 février 2014 porte à craindre une forte chute du niveau des activités économiques en Suisse, avec des retombées négatives pour les finances publiques ainsi que pour l’emploi des résidents, si beaucoup d’entreprises sont amenées à quitter le territoire helvétique pour des raisons différentes.

À l’instar de ce qui s’était passé il y a 25 ans, la Suisse doit choisir entre l’improbable adhésion à l’UE et la marginalisation impossible du marché unique européen, avec la circonstance aggravante que la voie bilatérale est désormais une voie sans issue.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

3 réponses à “L’intégration non-adhésive de la Suisse à l’Union européenne

  1. Nous suisses… Si fiers de notre excellence et si sûrs de notre supériorité… En 1992, nous avons raté une chance de jouer un rôle plus grand… Nous avons démontré que la ville de Couard est bien en Suisse…

  2. Chouette, le pays des psycho-rigides va nous rejoindre (plus ou moins), comme si on en avait pas déjà assez …

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