L’État doit rester à l’écart du bitcoin

La mode du bitcoin affecte un nombre de plus en plus élevé de collectivités publiques en Suisse, disposées à accepter le paiement de toute sorte de taxes et impôts en cette «cryptomonnaie». En réalité, le bitcoin n’est pas une monnaie, mais un instrument financier particulier car il n’est lié à aucune valeur lorsqu’il fait son apparition suite à la solution de problèmes de calcul dont le degré de complexité augmente au fur et à mesure de l’écoulement du temps. Une fois créé à partir du néant, le bitcoin s’approprie de la valeur associée aux monnaies nationales avec lesquelles il est échangé à travers les plateformes où se rencontrent virtuellement les acheteurs et les vendeurs de cette «cryptomonnaie». En l’état, accepter des bitcoins revient à accepter d’être payé avec des jetons virtuels, sur la base de la confiance de pouvoir s’en débarrasser plus tard en échange de marchandises ou de services quelconques, voire de véritables actifs financiers.

Or, contrairement à ses propres citoyens, l’État ne peut pas se permettre de prendre des risques au «grand casino» de la finance globale. En clair, les recettes fiscales doivent être à l’abri de la forte volatilité que l’on observe sur le marché du bitcoin, parce que dans le cas contraire le secteur public s’expose à des risques incalculables qui pèsent finalement sur les citoyens dont les intérêts sont ignorés par la majorité de gouvernement.

Si l’État garde, pour une durée plus ou moins longue, les bitcoins qu’il encaisse sous la forme de taxes ou d’impôts, il expose les finances publiques au risque que le pouvoir d’achat des bitcoins en sa possession chute de manière brutale, soudaine et inattendue. Dans ce cas, l’État sera amené à réduire les dépenses publiques ou à augmenter la pression fiscale afin d’équilibrer ses propres comptes. Par ailleurs, si l’État envisage de dépenser les bitcoins qu’il encaisse, il pourrait en subir une perte si, dans l’intervalle, le prix du bitcoin a diminué. Il existe aussi un risque réputationnel, au vu du fait que les plus grands utilisateurs de bitcoins se trouvent dans l’économie souterraine, qui les utilisent afin de régler des transactions illégales ou pour la soustraction d’impôts. Aussi, la mode du bitcoin pourrait-elle déboucher sur l’éclatement d’une bulle similaire à celle des tulipes en 1636. Les conséquences pour le secteur public comme pour l’ensemble de l’économie seraient alors catastrophiques.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

9 réponses à “L’État doit rester à l’écart du bitcoin

  1. “En réalité, le bitcoin n’est pas une monnaie, mais un instrument financier particulier car il n’est lié à aucune valeur lorsqu’il fait son apparition ”

    En l’occurence, le franc suisse (ainsi que l’euro, le dollar, etc…) ne sont lies à aucune valeur non plus.
    L’or et l’argent sont les vrais seules monnaies. Le reste n’est que substitut.

    1. “En l’occurence, le franc suisse (ainsi que l’euro, le dollar, etc…) ne sont lies à aucune valeur non plus”

      Sauf erreur, la valeur de la monnaie est liée aux crédits émis par le système bancaire. Les banques sont en effet responsables de la création monétaire. Si ces crédits permettent une production de biens et de services, alors la valeur de la monnaie émise sera égale à cette production supplémentaire. La banque centrale peut influencer indirectement l’émission monétaire des banques commerciales, avec la politique des taux d’intérêt, ou directement, en (r)achetant des actifs (par exemple, dans le cas de la BNS, des “subprimes” de UBS ou des euros, lors de la politique du taux plancher).

  2. “Aussi, la mode du bitcoin pourrait-elle déboucher sur l’éclatement d’une bulle similaire à celle des tulipes en 1636.”

    La “mode” du bitcoin, cet article est superficiel, aucune étude, aucune mention de la technologie sous-jacente au bitcoin, aucune mention de l’offre et de la demande, aucune mention du fait que ce soit une monnaie déflationniste. Si elle a explosé ces derniers temps, il serait temps que les dinosaures de l’ancien monde se posent des questions et essaient de comprendre les avantages (et inconvénients) de ces nouvelles cryptomonnaies.

  3. Cher Mr Rossi,

    Vous-même, ainsi que tous les atomes qui vous entourent et ceux de tout l’univers, avez également été créés à partir du néant. N’avez-vous donc pas de valeur ?
    Est-ce que les concepts d’entropie vous sont familier ? Pour un professeur dirigeant une chaire de macroéconomie, vous me semblez avoir un champ de vision bien restreint…
    Un bitcoin n’apparaît pas comme ça du néant, pouf! Il faut (et c’est bien là l’un des défauts de la blockchain que de nombreux ingénieurs et codeurs à travers le monde s’évertuent à corriger en ce moment) une très grande quantité d’énergie, dépensée sous la forme de millions de milliards de cycles processeurs, pour créer chaque bitcoin. La complexité des calculs nécessaires augmentant avec le temps, afin de reproduire la raréfaction de l’or. Quantité limitée et demande qui augmente = prise de valeur.

    Bref le sujet est très vaste et vous semblez bien loin de le comprendre. Dans l’attente que vous l’ayez bien assimilé, je vous suggère d’éviter de vouloir dire à l’Etat ce qu’il doit faire ou ne pas faire. Il y a déjà bien assez d’incompétents dans les gouvernements, alors soyez gentil et laissez au moins à ceux qui savent de quoi ils parlent, la lourde tâche de les conseiller.

  4. Je suis effaré par le côté passionnel que revêt le débat sur le bitcoin. C’est à l’évidence une des caractéristiques de toute bulle puisqu’il faut de la passion, de la cupidité et de l’engouement pour qu’elle se développe. Oui, la blockchain est une invention géniale et utile, également géniale celle du bitcoin, mais surtout pour son inventeur et ceux qui ont initié les échanges.

    Ceux qui répondent avec tant de véhémence à cet article feraient bien de réfléchir sur la différence entre les courbes, celle logarithmique de la création et celle exponentielle de la valeur du bitcoin. Le bitcoin n’est pas une monnaie, c’est un droit qui repose sur du vent. Actuellement où 80% du potentiel de bitcoins est émis, les créateurs qui les ont payés entre presque rien et quelques dollars en sortent gentiment, par blocs de plusieurs millions de dollars. Ils en sortiront milliardaires grâce à l’effet boomerang de l’engouement crée en chaine par la presse et internet. La cupidité humaine est facile à attiser, il faut juste être très intelligent et savoir attendre quelque temps. Le bitcoin est une tornade qui redeviendra vent.

    1. Et le bilan des banques centrales qui ont massivement racheté de la dette des dernières années, quel type de courbe a-t-il suivi par rapport à la création de richesse ?

      Prétendre qu’il y a une différence entre le bitcoin et l’euro, c’est oublier que toutes les monnaies actuelles sont basées sur du vent, celui de la confiance dans le système. Le bitcoin n’est qu’une monnaie qui poussée le concept de monnaie dans ses dernières extrémités, mais la base du bitcoin est la même que l’euro, le franc suisse ou le dollar.

    2. Un mois après le doublement du la valeur du bitcoin et l’annonce par le du CBOE et du CME d’ouvrir des produits dérivés sur le bitcoin, en relisant vos conclusions Monsieur Rossi, je crois que celles-ci sont prémonitoires. Nous allons de nouveau à la catastrophe comme lors du bon vieux temps des subprimes… c’est désespérant. Plus le monde de la finance est régulé plus il est con !

  5. Merci pour cet article intéressant sur la position que doit avoir l’Etat par rapport aux cryptomonnaies, malheureusement il est un peu naïf de penser que les gouvernements ne vont pas prendre le contrôle de ces monnaies virtuelles. On peut déjà voir le cas en Russie, après avoir tenté à plusieurs reprises de censurer et d’interdire le bitcoin dans le pays, l’état Russe a décidé d’en prendre le contrôle en mettant la main directement sur les chaînes de blocs. Ne soyons pas naïfs et comprenons bien que la blockchain est un système tellement intéressant et qui va énormément changer nos habitudes et simplifier beaucoup de transactions que l’Etat va évidemment se l’approprier et le réglementer au maximum. Et c’est bien dommage car le principe du bitcoin était d’avoir une monnaie qui ne dépendait que de son propriétaire et surtout pas des banques et des gouvernements qui au final ne font que poser leurs mains sur ce qui à la base devrait nous appartenir.

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