Premier mai: fête du travail ou fête des travailleurs?

En Suisse, seulement certains cantons reconnaissent officiellement le premier mai comme un jour chômé, étant donné que dans beaucoup d’autres cantons il s’agit d’une journée de travail comme les autres.

Au-delà des cortèges et des allocutions, la journée du premier mai devrait être l’occasion pour réfléchir sur l’avenir du travail – et donc sur l’avenir des travailleurs – à une époque où, suite aux énormes inégalités dans la répartition du revenu, l’on remarque déjà la tendance à la raréfaction des places de travail pour les personnes en chair et en os.

Afin d’éviter une stagnation séculaire et donner un (nouvel) élan aux activités économiques, il faut considérer avant tout qu’une partie importante du travail effectué par les êtres humains de nos jours est dépourvue de toute rémunération. Le travail gratuit est, par exemple, celui effectué par les individus qui, en surfant sur Internet, permettent à bien des entreprises de récolter un ensemble d’informations que celles-ci exploitent d’une manière ou d’une autre afin d’accroître leurs propres profits. Un autre exemple de travail gratuit est celui des activités de volontariat, effectuées au sein du ménage ou ailleurs, qui contribuent de différentes manières à faire augmenter le produit intérieur brut et de là aussi les profits des entreprises.

Dans une société où, selon l’éthique protestante, l’on valorise le travail, il faudrait rémunérer de manière conséquente toutes les personnes qui contribuent au bien-être de l’ensemble de la société, leur distribuant un revenu de base inconditionnel.

De surcroît, la numérisation des activités économiques comporte un effet de substitution des travailleurs par des “machines intelligentes”. Celles-ci, d’un côté, permettent de faire augmenter la productivité en termes physiques, mais, de l’autre, ne pourront jamais consommer, en termes économiques, ce que pourraient faire les personnes physiques dont ces machines ont pris la place.

Si l’on veut continuer à célébrer le premier mai, il est dès lors nécessaire de repenser le système économique dans son ensemble, mettant au centre de celui-ci le bien commun.

Même si cela semble utopique, la numérisation des processus de production doit aller de pair avec l’introduction d’un revenu de base inconditionnel dont les modalités de financement doivent permettre de faire d’une pierre deux coups: il faut récompenser la contribution de tout individu au bien-être social, permettant aux entreprises de vendre tout ce que leurs collaborateurs ont produit au-delà de ce qui sera fabriqué par les robots qui en prendront la place.

Seulement de cette manière il sera possible de transformer la fête du premier mai en une journée de fête pour l’ensemble de la société, se rappelant ainsi au moins une fois par année que le bien-être de tout individu est tributaire du bien-être social.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

2 réponses à “Premier mai: fête du travail ou fête des travailleurs?

  1. L’introduction d’un revenu de base inconditionnel est en effet une idée bien pertinente au vu de l’économie de plus en plus automatisée. Le principal problème pour son introduction est l’évasion fiscale, ou la taxation juste de tous les revenus et fortunes. Peut-être qu’une taxation automatique des transactions électroniques offrira une solution.

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