Les propriétaires des robots doivent payer davantage d’impôts

L’idée de «taxer les robots» relancée récemment par Bill Gates, le fondateur de Microsoft devenu philanthrope, mérite réflexion.

Afin de raisonner correctement à ce sujet, il est avant tout nécessaire de définir ce qu’est un robot au sens de la loi fiscale. En clair, il faut identifier quelles applications informatiques vont être des «personnes électroniques», à l’instar des personnes physiques et des personnes morales qui paient leurs impôts dans une juridiction donnée. Il est indubitable, en effet, qu’on ne peut pas assimiler un «software» pour le traitement de texte (comme celui qui, entre autres, a permis à Bill Gates de devenir milliardaire) à des robots qui fabriquent des voitures sans faire appel à des travailleurs.

S’il est évident qu’un programme informatique pour le traitement de texte ne doit pas être taxé car il est un outil de travail des personnes qui l’utilisent sur le plan professionnel, il est moins certain de savoir pourquoi une «machine intelligente» ne doit pas être soumise à une imposition fiscale similaire à celle des personnes physiques et des personnes morales. Au fond, si les robots font les travaux qui auparavant étaient effectués par des hommes et des femmes, ils doivent alors prendre la place de ces personnes physiques même en tant que contribuables afin d’assurer le financement des dépenses publiques, ne serait-ce que pour les politiques sociales visant à soutenir notamment les personnes au chômage suite à la «quatrième révolution industrielle» en devenir.

La discussion sur l’imposition fiscale des robots est toutefois déplacée dans la mesure où elle est focalisée sur les processus d’automatisation de la production au lieu de se concentrer sur les propriétaires du capital investi pour remplacer des travailleurs par des «machines intelligentes». Ce sont, en fait, ces capitalistes qui doivent être appelés à la caisse, leur demandant d’y verser les recettes fiscales qui ont été biffées suite à la diminution du nombre de travailleurs à cause des robots qui les ont remplacés. Ce déplacement de la charge fiscale du travail au capital est d’autant plus nécessaire si l’on considère que, dans le cas contraire, l’augmentation de la productivité suite à l’automatisation induira la prochaine crise de surproduction du capitalisme financier, à cause de l’impossibilité de vendre à l’ensemble des consommateurs tout ce qui sera produit tant par les robots que par les personnes en chair et en os qui effectueront encore un travail rémunéré.

En effet, il est d’ores et déjà bien évident que la presque totalité des profits réalisés grâce à l’automatisation des processus de production est aspirée vers le haut de la pyramide sociale – d’où très peu «ruisselle» vers le bas de celle-ci. Celui qui ne reconnaît pas que l’innovation et le progrès technique sont encouragés (au lieu d’être freinés) par le déplacement de la charge fiscale du travail au capital – garantissant dès lors à l’ensemble des entreprises de vendre la totalité de la production – est soit un fou, soit un économiste néolibéral.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.

7 réponses à “Les propriétaires des robots doivent payer davantage d’impôts

  1. Une idée très intéressante, cela pourrait limiter le nombre d’employer perdu et pourrait établir un system de taxation qui limite la “consumption” de robots par les entreprises similaires à une taxe sur le tabac!

  2. Le problème avec la définition de ce qu’est une “personne électronique” provient d’une limite qui sera toujours plus floue entre le “software” tel que nous le connaissons aujourd’hui et les futures applications qui intégreront de plus en plus d’intelligence artificielle à même de remplacer une partie du travail humain.

  3. Taxer les robots est une fausse bonne idée car comme le remarque Nick il faut d’abord définir ce qu’est un robot. Je ne trouve pas évident qu’un traitement de texte ne soit pas aussi un robot, puisqu’il remplace bien une secrétaire et même plus. De même il faudrait définir ce qu’est l’intelligence, or cette notion est en pleine mutation (calculer ou jouer au échec n’est plus vu comme le pinacle de l’intelligence). En fait chaque fois que la mécanisation (remplaçant l’énergie musculaire) ou l’automatisation (remplaçant des mécanismes cérébraux simples) a détruit des places de travaille, l’idée s’est posée de taxer ces machines. Le vrai problème est de taxer les profiteurs du système de manière pas trop douloureuse. Le capitalistes, industriels, entrepreneurs profitent de l’infrastructure donnée par la société permettant de faire fructifier leurs affaires, les pauvres profitent aussi de la société dans la mesure où celle-ci offre des aides sociales. A quand des études objectives quantifiant le profit que fait chacun de la société en fonction de son effort personnel ?

  4. Voilà précisément un article qui traite de la question: pourquoi taxer les robots est une mauvaise idée. En effet, il n’y a pas de définition de ce qu’est un robot, si ce n’est dans l’imaginaire collectif. Toute machine capable de répéter une tâche pour laquelle on l’a instruite est un robot, y compris le traitement de texte. La machine capable de fabriquer une pièce à partir d’un dessin ou d’assembler des objets n’agit pas autrement. Il est trop tard pour taxer les processeurs ou les logiciels et à quoi bon? N’importe qui peut aujourd’hui écrire une lettre beaucoup plus rapidement à l’aide de son traitement de texte. Faut-il le regretter? Si chacun en venait à posséder une imprimante capable de produire des objets, serait-ce une perte? Pourquoi vouloir, par l’impôt, imposer un modèle de société passéiste? S’il y a des décisions à prendre, elles doivent plutôt concourir à modifier notre rapport au travail de manière à ne plus en faire la référence absolue qui détermine notre place dans la société.

  5. Taxer les robots, c’est vraiment l’idée gadget à la mode – mais effectivement mauvaise, irréfléchie et sans recul. Le processus productif, dont un robot quel qu’il soit, physique ou numérique, fait partie, est déjà taxé au plan des entreprises. Et les personnes physiques le sont également, sur la base du concept de taxation du travail qui date du 19ème siècle, qui est dépassé et qui montre chaque jour davantage ses limites. Les robots remplaceront certaines tâches humaines ? C’est vrai – mais les humains auront toujours une activité et le problème est bien qu’elle ne peut plus être appréhendée sous l’angle de la seule productivité, prouvant la limite du modèle fiscal actuel. L’avenir réside dans une fiscalité des flux, non plus du travail et du rendement – modèle dépassé par ses niches, exceptions et injustices innombrables, et qui de ce fait induit fraude, suspicion, répression et in fine surveillance liberticide. C’est la seule manière de repenser l’assiette et cela de manière plus juste, car en la déplaçant du travail non pas nécessairement sur le capital, ce qui comporte aussi de l’injustice, mais sur les flux. Les flux représentent l’activité, humaine ou mécanique, sur une base moderne et qui inclut tout ce qui y échappe aujourd’hui, ce qui maintient injustement la charge fiscale sur le travail et les entreprises, et laquelle s’alourdit sans cesse en termes constants. Cette évolution économique et sociétale envoie en réalité le modèle fiscal actuel dans le mur. J’en parle et en reparlerai régulièrement sur mon blog http://www.revolawtion.ch

  6. Taxer les robots, sans solutionner définitivement les paradis fiscaux et autres différentiels fiscaux ne serait qu’illusoire. Une presse rotative ou une imprimante high-speed sont-ils des robots?

    Le seul outil possible ne démotivant pas l’entreprise est une juste répartition des bénéfices à la collectivité.
    Cas échéant, aux Etats et aux administrations de s’adapter.
    Avec l’ONU, nous avons un bel exemple d’un monstre au coût exorbitant ne bénéficiant qu’à peu de ses donateurs, pour ne pas dire à un seul.

    Que ce soit par la taxation des flux financiers (Tobin) ou un prélèvement ne supportant que le moins d’astuces évasives, il est important de prévoir un revenu universel, qui ne pourra qu’être la seule réponse à la civilisation 4.0 et sans doute très vite 5.0.

  7. Évidemment ! La solution consiste à remplacer les cotisations qui gonflent les prix – et la TVA s’y ajoute sur le plan intérieur; à l’extérieur nous vendons hors TVA – par la TVA. Le Danemark nous montre l’exemple car il y a très peu de cotisations, l’impôt asssurant l’essentiel. Faire payer les cotisations par la TVA serait encore supérieur car les produits importés, subissant aussi les taxes, seraient plus chers .

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