Un plan B pour la zone euro

Le mois de novembre commence habituellement par la fête des morts. Cette année, il y a lieu d’y intégrer la mort de l’idéal européen qui fut à l’origine de la signature du Traité de Rome le 25 mars 1957 entre les 6 pays fondateurs de la Communauté économique européenne (l’année prochaine marquera le 60ème anniversaire de cette signature épique…).

Cet idéal européen était tributaire des ravages de la Deuxième guerre mondiale à travers le Vieux continent et tablait sur l’intégration au plan économique des dits pays pour éviter que de tels drames frappent de nouveau la population européenne. Au milieu de l’époque des «Trente Glorieuses» (1946–73) les politiciens au gouvernement étaient inspirés par les travaux de J.M. Keynes, qui montraient l’importance du rôle de l’État dans le fonctionnement ordonné du système socio-économique, afin de contribuer au bien commun.

La «contre-révolution» néolibérale intervenue à partir des années 1970 a mis fin à cette période de prospérité et cohésion sociale, remplaçant l’économie sociale de marché par une financiarisation croissante de la sphère économique aux niveaux national et international, faisant table rase de l’intérêt général pour lui substituer l’intérêt privé d’une partie de moins en moins nombreuse de la population dont le pouvoir financier a enflé de manière inversement proportionnelle au nombre des individus qui en sont les bénéficiaires.

La suite des événements est bien connue et leurs résultats concrets à travers le monde sont tristement visibles de nos jours. Or, célébrant la mort de l’idéal européen des pères fondateurs de l’Europe «unie», il y a tout de même lieu de noter l’émergence d’une initiative réunissant de plus en plus de partisans à travers le Vieux continent autour d’un «Plan B» visant à proposer une alternative viable à la dérive visiblement anti-démocratique et autodestructrice de l’Union européenne actuelle.

Après les sommets de Paris (en janvier 2016) et de Madrid (en février), le prochain sommet du «Plan B» aura lieu à Copenhague les 19 et 20 novembre, pour discuter des possibilités de réformer la zone euro dans le cadre actuel de l’Union européenne ou la nécessité d’une rupture de ce cadre, compte-tenu de l’émergence de partis et mouvements qui se fondent sur le populisme nationaliste à travers l’Euroland.

Si les autorités politiques du Vieux continent veulent éviter de susciter une troisième guerre mondiale dont les contours sont de plus en plus clairement visibles, il faut entamer un virage radical en ce qui concerne la politique économique en Europe et réformer les fondements mêmes de l’Union monétaire européenne, transformant l’euro en une monnaie commune afin de permettre à ses pays membres de réintroduire leurs propres monnaies nationales pour récupérer un instrument important (entendez la politique monétaire) visant l’intérêt général des individus.

À défaut d’un tel virage, le projet d’intégration européenne sera enterré à jamais et ne sera donc plus évoqué que lors des célébrations du 1er novembre par quelques nostalgiques du temps où l’économie était au service des besoins humains.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.