L’origine néolibérale du terrorisme islamiste

Les récentes attaques terroristes à Paris et Bruxelles qui ont plongé la population européenne dans la terreur et l’incertitude ne sont pas dues en dernière analyse à la radicalisation des personnes ayant conçu ou mis en œuvre ces actes ignobles et barbares au détriment de l’intérêt général. Au-delà de la composante religieuse, qui n’est qu’une façade médiatique diffusée à l’échelle planétaire, ce qui pousse bien des gens en Europe à se radicaliser de manière agressive contre la société est leur marginalisation (voire exclusion) de cette dernière.

Ces individus, souvent encore très jeunes, ont perdu visiblement tout espoir de réussir à s’intégrer dans la société, étant donné qu’ils vivent avec leurs pairs dans des ghettos laissés pour compte, sans travailler ou suivre une quelconque formation leur donnant l’espoir de réussir à décrocher une place de travail digne de ce nom. Il est donc très facile de les manipuler pour les induire au martyre au nom d’une religion qui vraisemblablement leur est largement inconnue. Mutatis mutandis, cela rappelle la situation italienne des années 1970–80, lorsque les mafiosi n’avaient aucune difficulté à recruter de nouveaux adeptes, dépourvus de tout espoir face à la société dont ils avaient été marginalisés – suite aussi à l’absence de l’État, notamment dans les régions du pays qui avaient le plus besoin d’un soutien public.

La vision néolibérale qui oriente la politique économique aujourd’hui et plus encore que jadis est la cause essentielle des attaques terroristes menées par des individus dont le malaise social est le résultat du «libre marché» poussé à ses extrêmes par les idéologues néolibéraux et les pouvoirs publics. Au lieu d’utiliser l’armée et les services secrets pour frapper et détruire les lieux où les terroristes ont décidé et planifié leur action abominable, mettant ainsi de l’huile sur le feu au lieu d’essayer de l’éteindre, les autorités nationales et celles de l’Union européenne devraient s’engager fermement pour permettre à toutes les personnes désirant et capables de travailler de trouver une place de travail dont les conditions d’engagement et de rétribution salariale leur permettent de s’épanouir tout en s’intégrant dans la société qu’ils contribuent ainsi à développer pour le bien commun.

Or, au nom du «libre marché», désormais mythifié et considéré comme s’il était un Dieu tout-puissant à vénérer, les tenants du néolibéralisme économique continuent mordicus à prêcher le «mantra» des «réformes structurelles» sur le marché du travail, biffant des places de travail qui, en fait, devraient être préservées afin de permettre le plein-emploi des personnes qui souhaitent et peuvent travailler.

La crise économique de l’Euroland, ainsi que la crise des migrants et le terrorisme islamiste qui frappent l’Europe, ne vont pas disparaître aussi longtemps que l’idéologie dominante sera celle qui vise à réduire, sans solution de continuité, le «coût du travail» afin d’augmenter sans cesse le rendement du capital financier, ignorant les règles de la méritocratie au détriment de l’intérêt général.

Tant que la radicalisation néolibérale de la pensée économique évitera coûte que coûte de considérer la cause finale de la situation de crise et de terreur en Europe, la haine autodestructrice mortelle l’emportera sur tout le reste. Asinus asinum fricat.

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.