Banques TBTF: sauve-qui-peut

Le récent durcissement des dispositions légales sur les fonds propres pour les établissements bancaires qui, en Suisse, sont jugés «too big to fail» est un leurre. Il est d’autant plus dangereux de croire que cela va éviter d’avoir à sauver une banque par les fonds publics que même la Banque nationale suisse s’est réjouie de cette décision du Conseil fédéral.

La naïveté (ou le caractère irresponsable) d’une telle décision est évidente, lorsqu’on considère qu’aucune banque (qui se veut responsable) ne serait jamais d’accord d’octroyer un crédit quelconque à un emprunteur ne disposant que de 5 pour cent de fonds propres – le ratio vers lequel tend le «durcissement» dont il s’agit en ce qui concerne les banques d’importance systémique en Suisse. Si l’on exige que les débiteurs hypothécaires apportent (au moins) 20 pour cent de fonds propres (dont la moitié sous forme d’épargne liquide, sans faire appel aux institutions de prévoyance), comment peut-on croire qu’une banque – de surcroît dont l’importance est systémique – est à l’abri d’une défaillance majeure si elle n’a que 5 pour cent de fonds propres, sans compter qu’une très grande partie de ses engagements n’est aucunement couverte par un gage comme cela est en revanche le cas, normalement, dans le domaine hypothécaire (avec une garantie immobilière)? La plupart du temps, en fait, les transactions sur les marchés financiers ont pour objet «le néant habillé en monnaie» (J. Rueff, Le péché monétaire de l’occident, 1971, page 192).

Qui plus est, les régulateurs helvétiques semblent être aussi tombés dans le piège de croire qu’il est possible de mesurer les risques financiers par le calcul des probabilités, étant donné qu’ils tablent sur un ratio d’environ 14 pour cent pour les actifs «pondérés en fonction des risques» comme étant suffisant à éviter toute crise de solvabilité d’un établissement bancaire dont l’importance est systémique.

Il faut donc éviter de penser que les banques suisses sont les plus solides du monde, même s’il est vrai que tout est relatif car il s’agit de connaître le terme de comparaison (qui en général se situe aux États-Unis, un pays qui n’est pas vraiment un exemple à suivre en ce qui concerne les activités de la finance prédatrice).

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.