Franc fort et idées faibles

Deux mois après le «tsunami» monétaire provoqué par l’abandon du taux de change plancher entre l’euro et le franc suisse, la force de la monnaie helvétique sur le marché des devises continue d’aller de pair avec la faiblesse désopilante des idées proposées pour y faire face de manière appropriée.

Le débat au niveau politique n’a livré que trois solutions erronées:

1.   Demander à la Banque nationale suisse (BNS) de réintroduire un taux plancher, que ce soit au niveau de 1,10, 1,20 ou 1,30 franc pour un euro.

2.   Mettre sur pied un fonds souverain financé par les sommes que la BNS a créées de toutes pièces, afin de dégager des recettes utiles pour l’économie helvétique.

3.   Distribuer de l’argent aux ménages en utilisant la planche à billets de la BNS, afin de relancer les dépenses de consommation et induire de l’inflation en Suisse.

Le caractère erroné de ces «fausses idées claires» est évident.

1.   La BNS a perdu toute crédibilité lors de son annonce du 15 janvier 2015. De ce fait, elle serait soumise à des attaques spéculatives intenables le jour même où elle annoncerait la réintroduction d’un taux plancher quelconque. De surcroît, l’augmentation exorbitante de la masse monétaire suisse augmenterait visiblement le degré d’instabilité financière du marché hypothécaire helvétique.

2.   Un fonds souverain alimenté par la création monétaire de la BNS reposerait sur «le néant habillé en monnaie» (Jacques Rueff) et ne servirait pas l’intérêt général de la Suisse car ses placements seraient essentiellement en devises, bénéficiant ainsi le reste du monde sans véritablement aider l’économie helvétique, malgré la possibilité d’augmenter timidement les exportations suisses vers les pays au sein desquels le fonds souverain aurait investi.

3.   La distribution de francs suisses par l’hélicoptère friedmanien piloté par Thomas Jordan ne ferait pas augmenter les dépenses de consommation (ni donc le niveau des prix sur le marché des produits) tant que les perspectives des ménages suisses sur le marché du travail restent sombres à cause de la crise en zone euro.

En fait, si le franc est fort, la faute n’est pas de la BNS (et le mérite n’est pas de la classe politique suisse). Le péché originel se trouve dans l’Euroland dont tant la structure économique que la gouvernance politique ne sont pas viables mais sont véritablement la cause ultime de la crise européenne.

Il faudrait alors dépêcher à Bruxelles et Francfort les meilleures têtes pensantes suisses. La mise au concours ne devrait pas tarder, mais il est nécessaire tout d’abord de définir les membres du jury…

Sergio Rossi

Sergio Rossi est professeur ordinaire à l’Université de Fribourg, où il dirige la Chaire de macroéconomie et d’économie monétaire, et Senior Research Associate à l’International Economic Policy Institute de la Laurentian University au Canada.