Assurances-maladie : le Suisse est-il maso ?

Officiellement, on dit que c’est un marché libre et qu’on peut changer d’assurance si on n’est pas content.

Mais, d’abord, le marché n’est pas libre au point de permettre de s’assurer auprès d’assureurs étrangers, par exemple, qui seraient une concurrence bienvenue ce qui, on peut rêver, profiterait peut-être à l’assuré au niveau des primes.

Dans les faits, comme on ne peut s’assurer qu’auprès d’assureurs suisses, ceux-ci bénéficient, depuis 1994, d’un marché captif et lucratif à cause de la loi sur l’assurance maladie (LAMAL), qui stipule que cette assurance maladie est obligatoire.

DÉCRYPTER LE JARGON POUR CHOISIR SON ASSURANCE

Ce système aberrant de l’assurance maladie en Suisse oblige l’assuré qui aurait des velléités de changer d’assurance à faire un choix dans des prestations compliquées et souvent pénalisantes, exprimées dans un jargon volontairement ambigu.

Il faut faire chaque fois soi-même toutes les recherches pour savoir, par exemple, si les assurances appliquent ce qu’elles appellent le tiers garant ou le tiers payant.

On se garde bien d’expliquer ce que peut bien vouloir dire ce très chic et très flou « garant », qui évoque de rassurantes garanties, et on évite de préciser qui est le « tiers » en question.

LE TIERS GARANT : REMBOURSERA ? REMBOURSERA PAS?

Un des deux « tiers » – devinez lequel ? – vous fait payer vos factures et c’est à vous de vous les faire rembourser ultérieurement par l’assurance, ce qui suppose des réserves financières que tout le monde n’a pas.

Si en tant qu’assuré, vous choisissez le tiers garant – le système que la LAMAL a choisi par défaut, on se demande bien pourquoi – vous vous retrouvez à payer la facture et à tâcher de vous faire rembourser ensuite, si l’assurance le veut bien, et si elle est assez diligente pour le faire dans les deux-trois mois qui suivent.

LE TIERS PAYANT : REMBOURSERA PEUT-ÊTRE

Si vous ne pouvez pas payer vous-même vos médicaments à la pharmacie par exemple, il vous faut trouver une assurance qui applique – et encore, pas dans tous les cas – le tiers payant : la caisse reçoit directement et paie elle-même certaines factures de prestataires de soins. L’assuré ne s’acquitte que de la franchise et de sa participation aux coûts.

C’est la Fédération romande des consommateurs, sur sa page consacrée à ce sujet, qui le souligne : « Une personne avec beaucoup de frais médicaux ou des problèmes de liquidités devrait éviter les caisses qui fonctionnent en tiers garant pour les factures de pharmacie. »

LE CACHET DE LA POSTE NE FAIT PAS FOI

Vous voulez changez d’assurance-maladie ? Calculez bien votre coup, et ne vous fiez surtout pas à la Poste, car votre résiliation doit être arrivée chez l’assureur le 29 au plus tard.

Si vous avez une confiance absolue dans le système postal suisse, le site comparis.ch met en garde l’assuré : « Comme on ne peut pas exclure d’éventuels retards, il est conseillé d’expédier sa résiliation au plus tard le 27 novembre par envoi recommandé, de sorte à avoir une trace que la résiliation a été effectuée dans les délais ».

Comparis va jusqu’à sonner l’alarme en posant la question-clé : Pourquoi le cachet de la poste ne fait pas foi ? Mais se garde bien d’y répondre.

Et pourtant la question est tout à fait pertinente : on se demande bien pourquoi le cachet de la poste ne fait pas foi.

Si les assureurs ont besoin d’un délai pour enregistrer le changement, pourquoi ne donnent-ils pas une autre date, disons le 27 novembre, avec la mention « cachet de la poste faisant foi » et ainsi pas d’ambigüité ?

CE QUI EST REMBOURSÉ ? UNE QUESTION DE LINGUISTIQUE

Justement, en matière d’assurance maladie, on nous conseille à longueur d’année de faire son marché, de faire jouer une prétendue concurrence qui, dans les faits, se retourne contre l’assuré.

Dans un récent article du Temps sous la plume d’Emmanuel Garessus – La santé suisse est à plusieurs vitesses – on apprend, par exemple, que si une opération est planifiée dans un hôpital, on conseille de ne pas changer d’assureur de base pour réduire sa prime d’assurance: «Même si l’assureur actuel a donné une garantie de paiement à l’établissement hospitalier choisi par l’assuré, le nouvel assureur n’y est pas lié. Il peut donc aussi décider de refuser la prise en charge du traitement hospitalier stationnaire.» 

De même, on nous explique que «L’assurance obligatoire essaie toujours plus d’émettre des restrictions, par exemple dans la durée estimée pour une douche ou celle de l’entretien psychiatrique (..) En pratique, on distingue entre les soins (remboursés par l’assurance) et l’aide (non payée). Face à un patient âgé, on considère que faire une tartine est une aide alors que porter la nourriture à la bouche est un soin. »

LA VRAIE QUESTION

À ces discussions byzantines autour de ce qui est considéré une aide et ce qui est considéré un soin, il faut encore ajouter le système de franchise, qui accentue encore l’inégalité dans l’accès aux soins.

Car subside ou pas subside, plus on est pauvre, plus on choisit une franchise élevée, et plus on évite d’aller se faire soigner, parce qu’on ne sait pas où trouver l’argent pour payer de sa poche les premiers Frs 1500.- de la franchise.

La seule vraie question c’est : À quand une caisse unique ?

Qu’on y comprenne enfin quelque chose et qu’on respire un peu.