Politique, l’Eurovision ? Sans blague !

Sur les réseaux sociaux, c’est l’émeute : « Aucun point pour la Suisse de la part du public, c’est incompréhensible », s’énerve une facebookienne qui rajoute encore : «Un nombre de points jamais obtenu dans l’histoire de l’Eurovision attribué à l’Ukraine ? Pourquoi ce concours puisque c’est un vote politique et non artistique ? ». Un autre met son grain de sel : « Cousu de fil pas très blanc… », alors qu’un troisième ajoute, plus philosophe (et en rimant, ce qui ne gâche rien) : « Je trouve ça d’une nullité !! Déjà en temps normal je trouve ça assez con, mais cette année c’est le pompon !! ».

On a l’air de tomber des nues alors qu’on sait bien que ce concours a toujours été plutôt kitschos que chicos, passablement nunuche et forcément politique, c’est ce qui fait son charme, il faut croire, puisque chaque année les groupies se réunissent autour du téléviseur avec bières et pizzas pour se faire la soirée Eurovision. On a même vu dans nos contrées un performer, Massimo Furlan, nous refaire le concours de 1973 avec notre Patrick Juvet national qui nous chantait, allez youpiii, « Je vais me marier », alors que le mariage gay n’était pas encore légal.

En résumé, l’Eurovision c’est donc bien un truc assez con et assez politique, et cela depuis sa naissance, où nous autres Helvètes avons notre part de responsabilité : c’est au Suisse Marcel Bezençon, longtemps directeur de Radio Lausanne puis de la Société Suisse de Radiodiffusion (SSR) qu’on doit la création de l’Eurovision en 1955, sur le modèle des grands radios crochets dans le style du très suivi Festival di Sanremo, fondé en 1951.

LA PREMIÈRE GAGNANTE : UNE SUISSESSE

La première idée politique c’était qu’on sortait d’une sale guerre et qu’on commençait à s’en remettre, alors quoi de plus rassembleur et de plus neutre qu’un concours de variétoche organisé par un Suisse, une compétition sympa voire bisounours d’où toute animosité serait exclue y compris dans les paroles et la musique ? On commencerait par sept pays d’Europe dont certains s’étaient sérieusement étripés quelques années plus tôt, l’Allemagne et la France, par exemple.

Pour qu’il n’y ait pas de susceptibilité froissée, la deuxième idée politique c’est qu’il valait mieux organiser ça en 1956 en Suisse, à Lugano, qui ferait moins germanique et davantage San Remo, et, troisième idée politique : si possible, et même si elle s’est broutée, faire gagner la Suissesse Lys Assia – Rosa Mina Schärer à la ville, née à Rupperswil en Argovie – pour ne pas faire de jaloux et que ça recommence à se taper dessus. En tout cas, pas de risque d’irritation avec son bien gentil Refrain, co-écrit par deux suisses, Émile Gardaz pour les paroles et le jazzman Géo Voumard pour la musique, devenu un tube, et le concours était lancé.

Lys Assia, qui est décédée à 94 ans il n’y a pas si longtemps (2018) était encore interviewée comme une vedette en 2016 par le quotidien barcelonais El Periódico. Il faut dire qu’elle avait beaucoup chanté à Barcelone dans différents endroits à la mode et elle aimait beaucoup cette ville. Elle expliquait, pour l’Eurovision : « C’était un projet suisse qui avait pour ambition d’ouvrir les portes de l’Europe après la guerre, pour que les gens voyagent et connaissent d’autres cultures, l’idée est géniale ! ».

L’ANNÉE PROCHAINE À MARIOUPOL

Évidemment, la politique y a toujours été présente : l’Espagne a commencé a participer – et à perdre, disent les mauvaises langues – depuis 1961, malgré la dictature de Franco qui durera jusqu’en 1975. La même année, pour équilibrer, c’est la Yougoslavie communiste qui est aussi entrée (elle disparaîtra lors de la guerre des Balkans, pour y reparaître par petits morceaux, d’abord avec la Bosnie-Herzégovine, la Macédoine, la Croatie et la Slovénie en 1993, puis la Serbie et le Monténégro en 2004).

Israël, qui a priori ne fait pas partie de l’Europe, est entrée dans le concours de l’Eurovision en 1973, l’année de la guerre du Kippour. La Turquie, éternelle recalée à l’Union européenne, participe au concours depuis 1975 en guise de consolation. Le Maroc y entre en 1980, on ne comprend pas bien à quel titre, mais il y a sûrement une bonne raison (politique). Quant à l’ex-bloc de l’Est, Russie comprise, il y entre dès la chute du Mur, même si la Russie en a été éjectée cette année, et on comprend bien pourquoi.

À titre personnel, je suis très content que l’Ukraine, qui participe depuis 2003, ait gagné l’Eurovision avec le groupe Kalush Orchestra : le Concours de l’Eurovision, c’est kitsch, c’est toc et c’est politique, et si ça peut redonner un peu d’espoir à un pays martyrisé qui en a urgemment besoin et à le faire se sentir déjà officiellement un peu plus intégré à l’Europe, c’est non seulement le bon moment pour le faire, c’est aussi totalement en accord avec le cahier des charges historique du Concours de l’Eurovision.

Слава Україні.

Du 14 au 23 août, un tout nouveau festival de musique pour permettre aux artistes de se produire : allez-y !

En Suisse comme partout, la crise du coronavirus touche tous les corps de métier, et les dégâts sont terribles pour l’ensemble des arts de la scène. Toutes les catégories d’artistes, de techniciens, d’organisateurs et de lieux de présentation sont touchées.

Il est important de soutenir tous les événements et toutes les initiatives qui permettent aux artistes de se produire et aux arts de la scène d’exister.

Ce n’est pas facile, il faut rapidement et dans des conditions difficiles, mettre sur pied un programme qui s’adapte à de nouveaux formats et qui permette aux artistes de se produire dans de bonnes conditions pour offrir le meilleur d’eux-mêmes à un public qui, en toute sécurité, assiste au concert dans le respect de toutes les mesures sanitaires, entre public limité à 80 personnes, hygiène des mains, distanciation sociale et port du masque.

LA MUSIQUE AU VERGER

C’est pourquoi il faut saluer L’Été au verger, un tout nouveau festival qui a lieu du vendredi 14 au dimanche 23 août 2020 au Petit-Veyrier (GE) dans le verger d’une très belle propriété privée.

La responsable de la petite équipe, l’historienne et professeure de piano genevoise Corinne Walker, explique la démarche : « Pendant le confinement, nous avons voulu redonner espoir aux jeunes musiciens et artistes professionnels de la scène genevoise.  Nous avons alors créé l’association L’Eté au verger pour mettre sur pied ce festival plein de découvertes artistiques. Vu l’urgence dans laquelle nous avons dû travailler et l’absence de soutien financier des traditionnelles fondations culturelles, nous comptons sur la présence du public, sur le bouche à oreille et les réseaux sociaux et sur un soutien direct sur le compte de notre association, dont les coordonnées se trouvent sur notre site internet, créé tout exprès pour l’occasion. »

Les réservations sont obligatoires par email ([email protected])  via le site internet : https://www.eteauverger.com

AU PROGRAMME

Vendredi 14 août :

19.00 Quatuor Emrys (musique classique)

21.00 Mimoji (musique du Cap-Vert et bossa nova)

Samedi 15 août :

20.00 Caroline Gasser & Quatuor Arteo (lecture classique)

Dimanche 16 août :

17.00 Barlovento trio (latino)

Mercredi 19 août :

19.00 Zéphyr (jazz-baroque)

21.00 Forever overhead (folk-pop)

Jeudi 20 août

20.00 Crome (jazz)

Vendredi 21 août

18.00 Concert de fin de stage

21.00 Nomadim (jazz nomade)

Samedi 22 août

19.00 Anouchka Schwok & Benjamin Faure (chant classique)

21.00 Les Floxx & co (folk/latino)

Dimanche 23 août

17.00 Ajar (Création littéraire)

19.00 Operami (airs d’opéra)