Ma voiture m’a fait coffrer et m’a contraint à marcher! (1er épisode)

Recherche oldtimer, soit un véhicule dépourvu de tout capteur, respectivement de toute électronique.

Un contrôle strict sera opéré lors de la prise de possession. Il s’agit d’un élément essentiel du contrat.

La partie venderesse devra également être en capacité de prouver l’historique des services, de l’immatriculation du véhicule, et l’identité de tous les détenteurs antérieurs.

Le prix offert sera supérieur si le véhicule n’a appartenu qu’à un seul propriétaire, qu’il n’a pas roulé et qu’il n’a pas été fabriqué ou commercialisé aux États-Unis ou au Japon.

À cela s’ajoute le fait que si des réparations doivent être opérées pour qu’il satisfasse aux conditions légales, les pièces devront être disponibles sur un marché dépourvu de traçabilité, par le fabricant notamment.

Le soussigné est au bénéfice du statut de collectionneur de véhicules.

Annonce singulière vous en conviendrez! Au terme de la lecture de cet article (en plusieurs épisodes),  votre regard sur votre véhicule aura probablement changé, au point de vous interroger sur la minimisation de son utilisation. L’automobile n’est plus un espace de liberté, respectivement va devenir votre pire cauchemar en cas d’accident et/ou d’infraction. Démonstration liminaire au moyen d’un exemple réel récent. 

Monsieur Enzo Lamborginatto (pseudonyme)  se déplace sur une autoroute rectiligne dans le Canton du Valais. Inattentif au moment de bifurquer à la hauteur d’une bretelle, il perd le contrôle du véhicule qui est sévèrement endommagé, les airbags s’étant déclenchés. Suite à cet accident, le service d’appel d’urgence du constructeur a été engagé, suite à la transmission de données. L’un des collaborateurs de la marque allemande l’appelle alors sur son portable et lui pose un certain nombre de questions relatives, pour la plupart, à son état de santé. Insatisfait des réponses formulées, ce collaborateur, nonobstant l’indication expresse d’une absence de dommages corporels, informe la police de la survenance de l’accident. Résultat des courses: ouverture de deux procédures distinctes (administrative et pénale) pour perte de maîtrise, violation des devoirs en cas d’accident, soustraction à la prise de sang, etc…!

Le conducteur est furieux et s’interroge sur la légalité de l’attitude du constructeur automobile. Son avocat lui demande de lui fournir les documents signés lors de l’acquisition de cette automobile et débute l’examen des clauses topiques. Lors de la vente, Monsieur Lamborginatto a signé le contrat dénommé « XYZ du Bonheur d’être connecté » garantissant l’accès à des services supplémentaires. Ces derniers comprennent un système de « Téléservices », assistance d’entretien du véhicule connectée, et un service d’appel d’urgence intelligent. Les conditions générales désignent la succursale helvétique comme responsable de la mise à disposition des services supplémentaires et mentionnent également les données pouvant être traitées lors de l’utilisation de ces services (nom du client, e-mail, localisation géographique du véhicule, etc). Aucun document n’indique toutefois nommément à quelles conditions le constructeur peut, en cas d’accident, informer la police et/ou les services de secours. Le conducteur ne bénéficie donc pas d’une information complète avant d’avoir accepté les conditions pas sa signature. Son consentement est vicié, car non éclairé.

Pour être certain de disposer de tous les documents contractuels (dans la mesure où le client ne se remémore plus totalement de ce qu’il a signé), l’avocat exerce un droit d’accès fondé sur l’article 8 de la loi fédérale sur la protection des données. En clair, il exige de la succursale helvétique de recevoir toutes les données détenues par le constructeur sur son client final, dont celles spécifiquement liées à l’intervention du service d’appel d’urgence, suite à l’accident. Et là surprise, après moult tergiversations, le constructeur, par son représentant, oppose un veto de principe et refuse cet accès. Le conducteur est donc réduit à attaquer le constructeur de l’automobile qu’il a acquise pour en savoir plus sur ses propres données… un comble! L’issue de la procédure ne fait guère de doute, mais il est stupéfiant de constater la posture de défense adoptée pour éviter que le client ne sache ce qu’il advient de ses données, lorsque l’on propose des Téléservices censés accroître la sécurité du conducteur.

À ce stade donc, mieux vaut lire très attentivement les documents contractuels et biffer les clauses qui autorisent le constructeur à communiquer des données non souhaitées, respectivement à les communiquer à certaines autorités… avec le risque induit, toutefois, de ne pas pouvoir bénéficier de secours en temps opportun! Ce dilemme va prochainement disparaître. Le système européen d’appel d’urgence eCall va en effet devenir la règle dès le 1er avril 2018. Il devrait être accompagné de gardes fou en matière de protection des données:  les données eCall collectées par les centres d’urgence ou leurs services partenaires ne devront pas être transférées à des parties tierces sans l’accord explicite de la personne concernée. Les fabricants devront également s’assurer que la conception de la technologie eCall permette d’effacer totalement et de façon permanente les données collectées. Reste à savoir si la Suisse intégrera dans sa législation un dispositif similaire?

 

Pour de plus amples informations sur le Big Data en matière automobile: