A vos marques… pages

“Les tragiques” – Christian Montaignac

Les tragiques

Voici que défilent sous nos yeux ébahis, une table des matières mortuaire. Une liste, non-exhaustive, de ceux qui furent, pour certains, fauchés avant d’avoir été. Foudroyés avec gloire et beauté pour d’autres. Certains mourront sans peur et sans proches. D’autres au fait de leurs gloires. Sous les hourras de foules en délire.
Qu’importe comment, pourquoi et où. Christian Montaignac nous dépeint avec style et passion, les portraits de celles et ceux “qui sont morts qu’une fois”.

C’est bien connu, la faucheuse frappe au hasard. La mort est aléatoire. Il n’y a pas de sexe, pas d’âge, pas de catégorie socioprofessionnelle. Ici pas d’algorithmes. Pas de codage numérique.
C’est comme cela, c’est la vie !
Dans ce grand jeu de dés, de chance ou de malchance, les sportifs et sportives ne sont, bien entendu, pas épargnés, loin de là. Il était bon de le rappeler.

Les terrains de jeux mortifères sont nombreux. Un ring, témoin du dernier souffle. Une route de campagne, dans un virage mal négocié ou un putain de camion croisé. Un champ d’horreurs sous les bombes et les balles des mitrailleuses.
Ou modestement, dans un lit, le corps meurtrit par les coups, la maladie.
Le moyen de locomotion pour le voyage de non-retour ? Le vélo, l’automobile, l’avion…

Pour tous, un chemin de fleurs et de larmes d’amis, de femmes, d’enfants, d’aimants à jamais inconsolables. On pleure des aventuriers, des inconscients, des profiteurs de vie, des malchanceux. Des battus merveilleux. Des vainqueurs exaltés.

Ils sont partis trop tôt, trop vite, trop loin, trop haut !

 

“C’était au temps héroïque, forcément héroïque, où le cyclisme
bâtissait son histoire, élevait ses mythes. Un temps où le Tour de
France, de Paris à Paris, était le tour de la France”.
Christian Montaignac

 

Bien sûr, dans cet ouvrage, il y a quelques âmes encore fumantes. Les Ayrton Senna, Emiliano Sala… Mais j’avoue un faible pour les porteurs de cape d’invisibilité historique et médiatique. Ceux que j’ignorais. Ceux que j’avais oublié, manqué. Faute à mon ignorance en ces sujets.

Heureux les oubliés, Christian Montaignac vous a ressuscité.

Comme le premier de la liste (classé par leur prénom !), Adolphe Helière, mort noyé pendant… le Tour de France ! Ironie tragique de celui qui se voyait rouler en ses terres bretonnes.
Et que dire de Georgette Gagneux, sportive acharnée, mal née. Car vivante dans un monde où l’homme ne laissait guère de place à la gent féminine. Georgette Gagneux, morte à 23 ans “d’une longue maladie”. Preuve pour certains de l’époque que le sport est dangereux pour la santé féminine. Tout un combat encore mené de nous jours.

Cher Christian Montaignac, vous nous offrez là, un livre magnifique, sublime. De par le sujet traité, cela va de soi, mais aussi et surtout de par la qualité de votre écriture. Mon Dieu que la lecture est un plaisir divin quand on parcourt ses lignes.

Lire “les tragiques”, c’est assister à une pièce d’Eschyle. Confortablement installé dans un théâtre de Dionysos. On applaudit à tour de bras. On connaît la fin, mais peu importe ce n’est pas l’histoire qui nous intéresse, mais comment elle nous est contée.

Si certains ont leur statue, leur mausolée. Leur nom, au fronton d’une salle de sport, la plupart étaient disparus, de nos mémoires sélectives, ils ne le sont plus.

Alors bien entendu, il en manque. Les feuilles des morts se ramassent à la pelle. Et c’est tant mieux. Car j’espère que vous allez, Cher Christian Montaignac, nous faire le plaisir d’en sortir un deuxième.

Car, ils ne sont peut-être mort qu’une fois, mais avec “les tragiques” les voici à vivre une nouvelle vie.

“Les tragiques”
De Christian Montaignac
Aux éditions en-exergue

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