Bernal et les fils de la Cordillère – Guy Roger

Bernal

Cher Guy Roger,

ce n’est pas un livre de sport, mais bien un livre d’Histoire que vous nous avez écrit là.
L’Histoire d’un pays, la Colombie. Où vient s’écarteler la Cordillère des Andes.
Vous nous racontez ces Dieux, pour certains encore vivants. Avec qui vous taillez la bavette et le bout de gras dans votre pèlerinage andins.
La Colombie, ce pays qui nous offre des grimpeurs insatiables, infatigables.
Tout est dit dans ce dicton colombien : “il suffit de soulever une pierre pour trouver un cycliste”. Et là-bas, les pierres roulent !
Comme un symbole, dans le Tour de France 2019, Egan Bernal revêt le maillot jaune. Cette couleur que l’on retrouve sur le drapeau colombien. La couleur du soleil, de l’harmonie et de la justice. Enfin un Colombien se pâme de la toison d’or ! Il était temps !
Qui se souvient ici, sur nos terres continentales, de Cochise Rodriguez, d’Alfonso Florez, de Fabio Parra, de Soler le malchanceux ?
Il y a peut-être Lucho Herrera qui traîne encore au fin fond de nos mémoires. Nous étions jeunes et beaux dans les montées de l’Alpe-d’huez et de Morzine. La caravane passe et les scarabées fredonnent.
Pour paraphraser Forero : “en bas dans la vallée on salue les généraux, en haut des montagnes les escarabajo”.
Pas un endroit dans ce pays où ne traîne, sur la place du village, la statue d’un régional de l’étape. Héraut de pierre et de béton qui transmet le message aux touristes de passage : “ici est né Quintana, ici est né Herrera, ici est né Bernal… ici est mort Alfonso Florez Ortiz !”.
À chacun ses monuments et ses croyances.
On apprend, en vous lisant, que la genèse d’un destin prend racine dans le terreau de la pauvreté et de la misère sociale. Car on ne dompte pas les cols de la Cordillère avec une cuillère d’argent dans la bouche. Il faut avoir souffert bien avant. Il faut avoir connu bambin, le goût du sang, de la sueur et des larmes.
À vous lire, c’est sentir la torpeur estivale de Medellín et au loin, entendre chanter Carlos Gardel. C’est apprendre que les frères Escobar ont vu passer Ramón Hoyos dans un virage du Alto de Minas.
Ce sont des cols dans les montagnes, des chemins de croix : “Paramo de Letras”, Altao de la Linea”, Escobero”, “Alto de Minas”, “Santa Elena”, “San Miguel”… que juste à chuchoter du bout des lèvres on a les cuisses qui tirent et l’oxygène qui vient à manquer. Et si le Tour de Colombie était plus dur que le Tour de France ? Nombreux de nos héros s’y sont essayés. Nombreux sont venus, ont vu et ont été battus ! Soyez sûr, cher Guy Roger, que nous parlerons encore longtemps de grimpeurs colombiens. Mais bien sûr, “si Dieu le veut !”.

Dans l’attente de votre retour.
Sébastien Beaujault

“Bernal et les fils de la cordillère”
Guy Roger
Éditions Solar

Playlist pour la lecture : Intégral Deezer de Garlos Gardel

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.