Cher Arnaud Jamin,

la procrastination que j’élève, chaque jour, au rang d’un art à part entière, produit sur moi un phénomène inattendu. Je deviens bâtisseur. Oui, je construis, je suis architecte d’un monument toujours plus haut, plus grand, plus impressionnant. Cette méga structure, je l’ai nommée : “Ma pile de livres à lire”. J’en rajoute un, presque quotidiennement. Je m’assure, régulièrement, par de rapides vérifications techniques qu’elle ne va pas vaciller et s’écrouler comme un vulgaire château de cartes. Le plus beau serait peut-être, qu’elle s’échoue sur moi. “Mort enseveli sous une pile de livres à lire” inscrirait-on alors, comme épitaphe sur ma tombe. La grande classe !
Mais avant d’en arriver là, c’est en réécoutant le dernier épisode “des éclaireurs”, que me vient, soudainement l’idée, de tirer, très délicatement (pour ne pas faire trembler ce monstre de papiers), votre ouvrage : “le caprice Hingis”. Et je me flagellai en me disant que j’aurais dû le lire plutôt, au regard de la nationalité de la joueuse en question et le pays d’origine de ce quotidien qui me fait l’honneur de m’accueillir en son sein.
Sachez, cher Arnaud Jamin, que j’aime à murmurer les mots tapés sur le clavier. Et je nota en le lisant, une certaine musicalité dans ce titre : “le caprice Hingis”.
Ça sonne comme le titre d’une chanson, fredonnée dans les allées de Roland un 5 juin 1999. “Le caprice Hingis”, c’est comme un sacrifice vécu jusqu’à l’hallali. Les chiens ont été lâchés, au bord du précipice. “Le caprice Hingis” est une mise à mort. Le corps meurtrit, les plaies béantes, un genou sur la terre, battue par les vents de la colère d’un public enragé qui a choisi son camp. La bête suffocante ne se relèvera pas. On brandira, une nouvelle fois les oreilles et la queue d’une petite suisse au “caprice d’Hingis”.
“Le caprice Hingis” comme un maléfice. Les fées se sont penchées sur le berceau de la jeune Martina. Elle gagnera, oui, beaucoup, mais pas ce tournoi, pas là, pas maintenant. “Le caprice Hingis” comme un calice bu, jusqu’à la lie. “Le caprice Hingins”, comme un supplice !
Mais “au caprice Hingis” se lève un souffle nouveau, celui de la révolte. Celui de vouloir casser les codes bien habillés et bien établis du monde du tennis. Qu’importe : “le filet tu ne dois pas franchir”. “Au caprice d’Hingis” on aime tout envoyer en l’air, les principes, les traditions, les règles, le protocole, la table des commandements. Ce n’est pas une révolte, Sir, c’est une révolution.
Sur ce, je vous laisse, cher Arnaud Jamin, à vos nombreuses occupations. Et je m’en vais remettre votre ouvrage, très délicatement dans une autre structure en perpétuelle construction : “ma pile de livres lus”.
Sébastien Beaujault

“le caprice Hingins”
Arnaud Jamin
Editions Salto

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.