Cher Pierre Carrey,

c’est le reflet de ma vie, j’existe à contre-temps. Et le pire, c’est que je ne le fais pas exprès.
J’aurais sans doute dû sortir cette chronique, début mai, pour coller à l’actualité cycliste. Mais me voici, en ce début d’automne, loin de la dernière édition du Tour d’Italie, à lire “Giro” (je vous entends me dire, de là où vous êtes, avec votre bienveillance habituelle à mon égard, que je suis, aussi, en avance sur le prochain !). Ce n’est pas faux !
Qu’importe, la saison se prête allègrement à la lecture et les feuilles comme les vélos se ramassent à l’appel de cet octobre…rose !
A vous lire, cette compétition, c’est un roc, c’est un cap, que dis-je, c’est un cap, c’est une péninsule !
Où l’on érige des statues en haut des Dolomites à ceux qui les ont vaincues. Où se trame pléthore de complots, de compromis, d’alliances en tous genres. Où la roublardise est devenue un sport national. Où l’on jette des fioles dans les buissons, qui deviendront ardents. Où, sans opiniâtretés, sans mollets, sans don de soi, on ne gagne pas, ici.
Où la ferveur de la course a fait sortir, par milliers, des oratori italiennes, des passionnés, venus, sur les routes défoncées, boueuses, neigeuses, encourager, accompagner (pousser ?) leurs “Campionisimmo”.
Où l’on se chuchote, à l’heure des sermons, sur les bancs en bois des églises, les échappées de la veille, les exploits de demain. Écoutez le confessionnal, vous entendrez parler vélo, vous entendrez parler Giro. Les papes en sont venus à douter d’eux-mêmes, car les Dieux, ici, se nomment Bartali, Coppi, Girardengo ou Binda.
Où l’on a entendu le bruit des bottes et vu les chemises noires sur le bord des routes. Le Tour d’Italie en fut brisé, outragé, martyrisé, mais le Tour d’Italie s’est libéré, relevé et s’est enchanté des assauts de Gaul.
Où l’on envoie aux quintuples : Merckx, Binda et Coppi. Où flottent aussi, aux vents tourmentés, sur les fanions et pour l’éternité, les noms de Fignon, Hindurain, Anquetil, Nibali, Pantani, Hinault…
Ce livre est en fait, une commode à tiroirs que l’on ouvre et referme avec délectation. On en ressort mille et une histoire du Tour d’Italie, éparpillées façon puzzle. Je ne les retiendrais pas toutes en mémoire, qu’importe, que la sensation est douce.
Sachez, cher Pierre, que vous êtes un narrateur, que dis-je un narrateur, vous êtes un conteur ! Vous nous invitez à la veillée. L’on entendrait presque le crépitement du bois qui se consume dans la cheminée et qui réchauffe les âmes et les cœurs aux hivers ruraux et rigoureux d’antan.
Il nous faut à présent, installer ce meuble à tiroirs, cette commode à histoires, dans le salon. Et l’habiller, tendrement, en ce mois d’octobre, d’un joli bouquet…de roses.
Sébastien Beaujault

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.

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