Cher Marin Ledun,

il est nul doute, que vous maitrisez l’art de nous faire vaciller. De nous mettre en sueur, en déshydratation. Vous avez le talent de nous phagocyter la voûte plantaire. De nous réduire à moitié d’hommes. De disperser nos neurones façon puzzle.
Ici, votre héroïne, Vera, porte les stigmates d’une déchéance sportive. Une radiation pour dopage. 8 ans à attendre aux portes de l’Enfer, dans l’Élysée (lieu où les âmes vertueuses attendent une réincarnation). Et donc vient le temps de la  rémission.
La piste en élastomère pour décorum. 24 heures pour se racheter, pour se venger, pour gagner. Pour aller chercher l’Ibérique Michele Colnago, l’éternelle rivale.
Vous nous emportez dans une discipline sportive méconnue car bien trop exigeante. Elle inflige à celles et ceux qui la choisissent des souffrances à la limite du supportable. Ces circadiens (comme on les nomme), ces forçats de la course à pied, peuple solitaire dans l’effort, tournent en rond, des heures et des heures car le temps leur aient compté.
Je sais, un peu, de ce monde-là. J’ai, dans un cercle des connaissances, un toujours recordman de France des 24 heures sur route depuis 1999 : Alain Prual. Je sais, un peu, ce qu’il a fallu endurer pour en arriver là.
Cher Marin Ledun, je pense que, déjà, nous ne sommes pas nés pour cela. Je veux dire, courir autant, courir au temps. Et comme cela ne suffisait pas, dans ce court roman (70 pages), vous rajoutez de la souffrance à la douleur. Vous êtes donc sans pitié. Sous votre imagination sans limite, rien ne leur sera épargné, ni à l’une, ni à l’autre. Sur la piste bien entendu, mais aussi aux abords des mains courantes, dans les lieux les plus intimes…la sueur, la peur, l’incompréhensible, l’injustice…tout, nous tient en haleine.
Et l’on finit le livre, harassé, à chercher un second souffle. Le regard troublé, les muscles hurlant à la mort, notre esprit déstructuré…
Il est donc vrai, aucune bête ne mérite cela.
A leurs corps défendant
Sébastien Beaujault

“Aucune bête”
Marin Ledun
Les éditions In8

 

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.