Chère Delphine Gleize,

après avoir évoqué, ici, le film de Anne-Flore Marxer, me vient l’envie soudaine de parler de votre “Beau joueur”, film consacré à la saison dantesque de l’Aviron Bayonnais en 2016/2017 et que j’ai eu la chance de visionner pour la prochaine édition du Festival Lettres et Images du sport à Bressuire.
Vous faîtes du stade et des abords de Jean-Dauger le théâtre, l’arène, le Colisée. Et les gladiateurs sont à la fête. Ils viennent de rejoindre l’Olympe du rugby : le Top14. Ils vont vite déchanter !
De matchs en matchs, de défaites en défaites, de raclées en raclées comme autant d’écartèlements, de supplices, de tortures…votre  caméra est témoin d’une désillusion collective.
Nous sommes là, dans une dramaturgie grecque. Et son lot de légende et de mythe.
Et ici, l’entraîneur, Vincent Echeto est Sisyphe. Fils d’Eole et d’Enarété. Vexé, Zeus le condamna à faire rouler éternellement jusqu’en haut d’une colline un rocher qui en redescendait chaque fois avant de parvenir au sommet.
Vincent Echeto est Sisyphe. Porté par une indéniable foi en son équipe, en ses proches. Perpétuellement  à la recherche du déclic, du bon mot, de la bonne causerie qui fera transcender les hommes. Il les porte à bout de bras pour la faire gravir, la colline. Mais le groupe retombe chaque week-end, encore et encore.
Vincent Echeto est Sisyphe, il tentera, encore et encore de faire remonter les siens en haut de cette foutue montagne. Que les Dieux soient maudis !
Vous ne vous embarrassez pas d’images de sport, à quoi bon. Vous filmez au scalpel. Vous ouvrez les cœurs et les tripes de ces hommes. On y découvre ce que l’on était venu chercher : dans l’adversité, on apprend le courage et l’opiniâtreté. Nous nous attachons à cette bouée de sauvetage qu’est l’espérance. Tomber et retomber encore, la belle affaire. Mais se relever et se relever encore, est une grande preuve de bravoure, voici ce j’ai vu et qui dois m’animer.
Enfin un film qui porte aux nues les défaites, les perdants, les losers, les humiliés, les cabossés, les moins que rien, les oubliés…
“Arrêter, désormais, de me gonfler mes vieilles roubignoles” (j’adore cette phrase de Brel dans “les flamingants”), avec l’expression : “il n’y a que la victoire qui est belle” !!! Non, les défaites, aussi, sont belles, majestueuses, grandioses, épiques, “Beau joueur” en est la preuve en terre d’ovalie.
Chère Delphine Gleize, merci. J’en sors grandi. Et sachez que l’année prochaine, je ne regarderai pas le haut du classement général, mais le bas. Car c’est bien là que coule le sang des hommes.
Sébastien Beaujault

P.S. : Et tiens, cette saison, l’Aviron Bayonnais revient en Top 14, comme en 2016/2017, auréolé d’une montée sur l’Olympe du rugby : le Top 14.
Serez-vous là ?

A voir dans les salles obscures les amis :

“Beau Joueur”
Delphine Gleize
Balthazar Production

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.