Cher Guillaume Martin,

dimanche dernier, sur les pentes de l’Etna, vous remportez la 4ème et dernière étape du Tour de Sicile 2019. Dans un final en patron, vous déposez, un à un, vos compagnons de route, pour finir seul et en danseuse sur les pentes du volcan, qui, pour l’occasion ouvrit un œil curieux. Il voulut savoir qui venait de dompter ses côtes. Il fut surpris. Surpris de découvrir que vous n’êtes pas un cycliste comme les autres. Surpris d’apprendre que, chez vous, ça phosphore sous le casque, ça philosophe en selle, la tête bien pleine dans le guidon.
Car oui, il faut bien l’admettre, rares sont ceux qui, dans le peloton, ont un mémoire master 2 en philosophie, sus nommé “le sport moderne : une mise en application de la philosophie nietzschéenne ?”. Ça envoie quand même !
L’Etna s’en retourna a son sommeil, tout en pensant, qu’il en avait connu des vainqueurs, ici, mais comme vous, très peu.
Et pour pousser le bouchon de la philosophie dans le peloton, vous sortez un livre : “Socrate à vélo”. Chez Grasset on vous laisse quartier libre et vous en profitez. Vous habillez Platon, Aristote, Marx, Pascal, Nietzsche et bien d’autres de l’esthétique cuissard à bretelles, et vous les envoyez faire…le Tour de France ! Ça ose tout, un “vélosophe”, c’est d’ailleurs à ça qu’on les reconnaît !
Voir ses érudits biens pensants enfourcher une bicyclette, peut prêter à rire, mais, bien évidemment, cette drôlerie, cet anachronisme, vient aussi chatouiller nos petits neurones endormis de basses certitudes. Car, dites-vous, le corps pense, l’esprit avance. Il ne nous faut donc plus chercher à savoir qui va remporter la course, mais comment et pourquoi on la remporte ou on la perd. Ne pas rester bouche bée, au bord des routes, à voir passer le peloton, enivré de bières chaudes et de viandes trop cuites. Il nous faut jeter aux lions le “sois bête et pédale”.
Il nous faut donc penser et ne pas subir, notre mois de juillet n’en sera que plus excitant.
Clin d’œil des Dieux, dimanche vous avez remporté la course à l’endroit même où, dans votre ouvrage, Socrate décide de quitter la scène “philosophiquocycliste” ! Ça vous ne l’aviez sans doute pas imaginé. Comme dirait un certain :  “entre possible et impossible, il y a deux lettres et un état d’esprit”
Cette année, encore, vous serez au départ du Tour. Affalé sur mon canapé, je serai attentif à votre parcours et j’espère que, pour une fois, ce n’est pas un maillot ou une photo que les spectateurs vous proposeront en dédicace, mais votre ouvrage : “Socrate à vélo”.
“la vie ne se résume pas à son dossard”
Sébastien Beaujault

“Socrate à vélo”
Guillaume Martin
Grasset

Pour aller plus loin, réalisation La Bordure : documentaire “philosophie d’un grimpeur”

 

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.