Cher Jean Palliano,

il faut bien l’avouer, il ne me serait pas venu à l’idée, de prime abord, de m’interroger sur “le revers de Richard Gasquet” ! Je dois manquer sensiblement de curiosité, c’est évident. Pas vous, c’est un fait.
La bienveillance, l’empathie que vous avez pour le jeune Biterrois se brisent sur le mur des lamentations, du crève-cœur. Comme un aimant déçu d’avoir tant espéré de l’autre. Car, sorti du tamis des orpailleurs, dans une rivière aurifère, le caillou doré, façonné, n’est pas devenu saphir. Pourquoi ? C’est toute la question de votre livre.
Tout avait, pourtant, si bien commencé. Les fées s’étant penchées sur son berceau. Lui saupoudrant de quoi mettre à genoux les dragons du circuit, qu’ils soient helvétiques, britanniques ou venus de contrées lointaines, l’écuyer des courts fut bien armé. Un revers, justement, comme arme de destruction massive.
Et il ne déçoit pas ! Qui peut se targuer de faire la Une de Tennis Magazine à l’âge de 9 ans ? Qui peut se vanter d’avoir mis à terre et récupérer les oreilles et la queue, aux arènes de Tarbes, lors du tournoi des As, du taureau Majorquin : Rafael Nadal ? Qui peut brandir, à l’âge des boutonneux, une victoire sur l’ogre suisse, au tournoi de Monte-Carlo, Federer sur terre, battu ?
Oui, mais voilà, les belles promesses ne font pas des certitudes. Combien sont-ils, tombés sur le champ de bataille de la désillusion ? Morts-nés avant d’avoir été ? Ils étaient promis, ils ont failli ! Les Clément Morel, Julien Jeanpierre, Sidorenko, (pour ne citer que le clan français), vainqueurs de l’Open d’Australie en juniors et portés disparus dans les Bermudes de l’ATP.
Bien sûr Gasquet n’est pas de cela. Il y a eu quelques coups d’éclat. Mais l’on pouvait attendre bien mieux d’un si talentueux. J’en suis le premier désolé, moi qui est eu la chance de l’interviewer, vous en parlez, au tournoi Futur de Bressuire, où il arrivait, juste auréolé d’une demi-finale à l’open d’Australie en junior. Il était mince, il était beau, il sentait bon le sable chaud…
Eric Winogradsky, dans Libération (25/04/2002) son entraîneur de l’époque, disait : «Richard a connu beaucoup de sollicitations. C’est nouveau. On sait que la route est longue, et maintenant, il va aussi falloir apprendre à ne pas gagner». Je crois, que de ce côté-là, 17 ans après, il a beaucoup appris.
Mais sachez, cher Jean Palliano, que Richard Gasquet, est, sur le circuit, comme un ami qui vient nous voir, de temps en temps. Toujours poli, s’excusant de nous importuner, prenant le thé, nous délivrant quelques banalités, quelques nouvelles du monde. Et repartant sur la pointe des pieds, en nous promettant de revenir, prochainement.
L’homme est sans doute apaisé de ne plus avoir à démontrer. il n’attire plus les projecteurs, juste un rai de lumière, il s’en contente aisément, je pense.
J’ai fait un rêve : je retrouvais Richard Gasquet à Bressuire, lors du tournoi Future. Richard joue désormais, pour le plaisir, c’est tout. Il vient de perdre en quart de finale, qu’importe. Nous discutons brièvement, on ne s’attarde pas à la table des réservés. Je lui parle de lui, de sa carrière, je lui demande pourquoi il n’a pas été… Il ne me répond pas, il plonge une main dans son sac de sport et me tend, avec un sourire malicieux, un livre : “le revers de Richard Gasquet” de Jean Palliano.
Sébastien Beaujault

Le revers de Richard Gasquet
Jean Palliano
Editions Anamosa

Sebastien Beaujault

Rédacteur web freelance, ici je vous parle de littérature sportive. Et plus généralement de la culture et du sport. Du livre de sport, de la bande dessinée de sport et même, parfois, de documentaire sportif. Malheureux à plus de 3 mètres d'un livre.