A vos marques… pages

Cher Vincent Duluc,

cela fait bien longtemps que j’ai refermé votre ouvrage. Bien des mois. Avant ce jour, pas une once de mot posé sur cette correspondance. Par manque de temps (version officielle), par peur de vous décevoir (version officieuse). C’est que j’écris à celui qui fit la Une du Monde des Livres. C’est quelque chose quand même !
C’est surtout que je ne cacherai pas ici, tout le bonheur que j’ai à vous lire. Incontestable passionné de votre écriture. “Je suis ce garçon derrière la vitre” écrivait Blondin dans l’une de ces chroniques du Tour de France. A vous lire, je redeviens ce garçon, cet adolescent. Celui qui cherche l’autographe dans les salons du livre.
Vous avez la plume facile, rapide. L’élégance du bon mot. L’érudition modeste. Dans le quadrilatère où l’édito s’emprisonne, vous avez la maîtrise et la justesse de la concision. Et bien entendu dans votre ouvrage où le nombre de caractères n’est pas une figure imposée, vous nous délectez d’un récit passionnant.
C’est en montant les marches du grenier parental, en ouvrant le carton à souvenirs, que vous sortez, par hasard, une photographie de Kornelia Ender. Elle sort du grand bain. L’argentique active la machine à remonter le temps.
Qui d’autre que vous, pour aller dénicher la vie de cette jeune championne olympique de natation, à Montréal, en 1976. Moi qui pensais que cette année-là, il n’y avait qu’un prénom féminin sur toutes les lèvres. Au fil des pages et des livres, vous dévoilez, aussi, un peu de vous (du pain béni pour moi). Kornelia fantasme d’adolescent. Amour évanoui sur la photo jaunie . Nous sommes au cœur des lignes de flottaison intimes. L’intime de deux héroïnes : Kornelia et Shirley (Shirley Babashoff). Deux mondes, deux vies, deux carrières, deux lignes parallèles dans les bassins aux écumes rageuses. La Californie versus la Stasi. Qu’est-il devenu cet amour d’antan ? Vous partez à la recherche de l’innocence perdue. En pèlerinage. Je n’en dirai pas plus.
Cher Vincent Duluc, à l’heure où vous lirez ces lignes, vous serez revenu d’une campagne de Russie victorieuse. Un grand homme a échoué. Quel est le quotidien de vos vacances bien méritées ? Je ne vous vois pas étalé de crème solaire sur la plage de la Tranche-Sur-Mer. Non, vous montez l’escalier parental qui vous mène au grenier. Au fond, le carton à souvenirs est entrouvert. Sans l’ouvrir complètement, vous y glissez votre main et sortez une photographie, vous souriez. Un autre souvenir, et déjà…un autre livre ?
“C’est quoi une grande vie ? C’est quoi une petite vie ?”

Kornelia
Vincent Duluc
Stock

 

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