Vol de données et lanceur d’alertes

Autre approche, autre vision…

Dans le cadre de la HSBC de Genève, il y a quelques années déjà, Hervé Falciani, ingénieur système de la banque, quittait le territoire helvétique en emportant un certain nombre de données confidentielles de la banque.

Aujourd’hui cette affaire ressort dans les médias.

La plupart des analyses traitent de la moralité des banques et non celle du voleur de données et j’aimerais apporter un éclairage différent sur ce genre de procédé et du rôle des « lanceurs d’alertes ».

Durant plusieurs années, Hervé Falciani a été employé de la HSBC et payé par cette dernière pour un travail d’ingénieur système. Il est clair que, par sa fonction, Hervé Falciani avait accès à certaines informations confidentielles de la banque comme tout collaborateur informatique d’une entreprise, tels que salaires de l’ensemble des employés, résultats de l’entreprise ou autres. Dans ce cas, c’est le secret de fonction qui prévaut.

Il faut maintenant différencier le secret de fonction dû à la position du collaborateur et le rôle du lanceur d’alertes. Par définition, le collaborateur doit être loyal face à son employeur. S’il découvre certaines anomalies ou des procédés contraires à la morale (code éthique, code de déontologie), il doit s’en référer à sa hiérarchie et/ou directement prendre contact avec la direction de l’entreprise ou encore avec un membre du conseil d’administration afin de transmettre l’information qu’il pense ne pas être en adéquation avec le code éthique. Dans certains cas, il peut même avertir l’instance publique concernée. Mais en aucun cas prendre, comme l’a fait Hervé Falciani, deux ans pour récolter et voler des données. Ce n’est pas le rôle du lanceur d’alertes.

Dès le moment où il y a vol de données et, surtout, organisation méticuleuse de la procédure de collecte de ces données, on est en droit de se poser la question sur le bien-fondé de la démarche. Tout porte à croire que cette démarche n’est plus celle du lanceur d’alertes mais bien d'une personne qui désire monnayer les données préalablement mises à l’abri à l’extérieur de la société, soit par chantage sur l’entreprise, soit en vendant ces données (aujourd’hui à un Etat ou autres organisations) dans le but d’un enrichissement personnel.

Dans le cas où le lanceur d’alertes avertit une instance étatique du dysfonctionnement morale d’une entreprise, c’est à l’Etat concerné d’investiguer et d’obtenir les preuves par des moyens légaux mais en aucun cas utiliser les données volées.

Il faut aussi analyser la moralité d’un Etat qui dit vouloir acheter des données volées à une entreprise ou une banque. Dans un état de droit, ce n’est en tout cas pas la voie légale. Pourtant l’Allemagne, tout comme la France, l’ont fait ! Ce comportement est tout sauf sain et plus proche d’un état bananier que d’un état de droit. Suite à ce raisonnement, doit-on encore discuter avec un Etat qui se comporte de la sorte et qui veut, de surcroît, donner des leçons à la Suisse ? Pour la bonne forme, la Suisse aurait dû rapatrier son ambassadeur et renvoyer dans son pays l’ambassadeur du pays annonçant qu’il payerait pour l’obtention de données volées.

Quant à Hervé Falciani, il n’est en aucun cas un lanceur d’alertes, mais bien une personne qui a brisé le secret de fonction et qui a volé des données confidentielles et doit être jugé en tant que tel.

Maintenant, cela n’empêche en aucun cas la Suisse, ou même un pays étranger, d’agir contre la HSBC, mais par des moyens légaux.

Comment vit cette Europe ? Que fait-on de l’état de droit ?

 

Sandro Arcioni

Sandro Arcioni, Dr ès sciences, lieutenant-colonel, expert en stratégie et en cyberdéfense, directeur de mupex Sàrl et enseignant-chercheur dans le domaine de la gouvernance.