Les routes de la traduction mènent à Cologny

Pour un mois encore, c’est à la Fondation Martin Bodmer que s’exposent papyrus, tablettes, manuscrits, enluminures et livres rares de toutes sortes sur le thème Les routes de la traduction. Babel à Genève. Un magnifique parcours à travers le temps et l’espace qui mène de l’Antiquité à nos jours avec des allers-retours entre les cinq continents. Autant dire que chacun y trouvera de quoi s’en mettre plein les mirettes! Sûr, les afficionados d’Homère ou de Luther y trouveront leur compte. Mais les fans de Tintin également. Cette exposition ouvre ses portes à tous et répond aux questions de chacun: Comment et quand la Bible a-t-elle été traduite? Qu’est-ce que la Septante? Et pour le Coran, ça s’est passé comment? Que signifie le terme boustrophédon? Qui était Goethe le traducteur? Dans combien de langues différentes s’est exportée notre célèbre Heidi nationale?

Traduire, c’est dire autrement, pour d’autres, partager sa culture, s’ouvrir à celle d’autrui. On a tous un héritage culturel qui ne vient pas forcément d’ici, ou des passions qui nous conduisent vers des ailleurs. Découvertes, interrogations et réponses s’entrelacent dans ce dialogue entre mots et langues. My God, ce n’est pas pour rien qu’on parle la langue de Goethe ou celle de Shakespeare! Sans oublier Molière! Les textes relatifs au yoga viennent du sanskrit, même si la mode actuelle peut sembler très américanisée. En créant des prières illustrées, les missionnaires ont anticipé les bandes-dessinées. Et des secrets des Mille et une nuits restent encore à percer…

Et qui sait, certains repartiront peut-être avec de nouvelles perspectives. La traduction, sa pratique comme ses théories, se déroule à travers les époques et s’inscrit dans nos interactions quotidiennes. Tendez l’oreille dans la rue, dans le bus! Qui ne s’est jamais servi de Google Translate? Qui s’est déjà demandé quelle pertinence ce type de traduction pouvait avoir? À l’heure où la machine à écrire a été reléguée en objet de collection et où les machines sont sensées remplacer l’homme, le traducteur demeure. Parce que traduire ne se résume pas à remplacer un mot par un autre. C’est aussi raconter ce qu’il y a entre les mots, entre les lignes. Traduire, c’est dire presque la même chose comme le rappelle le titre de l’ouvrage d’Umberto Eco. C’est parfois broder, inventer ou même détourner pour raconter une autre histoire ou convertir. Comment traduire à la fois Dieu et le rire? Peut-on simplement tout traduire? Et quelle part de notre langue laisse-t-on finalement au chat?

De ce voyage à travers textes, cultures et religions, on revient émerveillé par la richesse des créations de l’humanité, ému par tant d’efforts mis en oeuvre pour communiquer et échanger, et finalement plus ouvert que jamais à l’altérité du quotidien.

 

PS: Et pour poursuivre l’aventure, on se plongera dans le très beau catalogue de l’exposition…

 

Couverture du catalogue de l’exposition. Gallimard | Fondation Martin Bodmer.

Sandrine Vuilleumier

Sandrine Vuilleumier est égyptologue et historienne des religions. Après avoir séjourné dans différents pays, elle a vécu plusieurs années en Allemagne. Docteur ès lettres, elle s’est spécialisée dans la traduction de manuscrits anciens et poursuit ses recherches sur les traditions textuelles et les pratiques religieuses. On lui doit notamment l’édition d’un rituel oublié depuis deux millénaires.

Une réponse à “Les routes de la traduction mènent à Cologny

  1. Bonjour Sandrine,

    Quand une telle exposition verra-t-elle le jour à Bruxelles, la tour de Babel actuelle ?

    Non seulement cette ville est-elle tiraillée depuis des siècles entre les francophones et les flamands, mais les institutions européennes hébergent à elles seules 27 langues officielles.

    Il est aussi de notoriété publique qu’après Abu Dhabi, Bruxelles est la ville au monde qui abrite le plus grand nombre de nationalités.

    Bien cordialement,

    Un traducteur assermenté en suédois-espagnol-anglais-français

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