RIE 3 et Naturalisations: la victoire du travail ensemble

Parfois on gagne, parfois on perd. Ce week-end du 12 février 2017 aura été l’occasion pour le peuple Suisse de rappeler que personne n’est tout puissant dans un pays qui valorise le travail ensemble et qui a été construit grâce à une multitude de gens qui ne méritent pas d’être diabolisés.

C’est avec satisfaction que j’ai découvert après la victoire du non à la RIE 3 le communiqué du PS Suisse, qui a d’emblée annoncé qu’il tiendrait parole et déposerait à la première heure une feuille de route pour une RIE 3 plus juste. C’est ce qui a été dit en pleine campagne : il n’y avait pas de projet caché pour détruire la réforme, mais une révolte contre une majorité du parlement qui a violé l’une des règles implicites de notre pays : celle du compromis helvétique.

Ce non à la RIE 3 est très important pour notre pays, car il rappelle que quelles que soient nos opinions, même si à un moment donné on peut tenter un passage en force, la démocratie directe nous rappelle qu’elle n’est pas prête à avaler n’importe quoi, malgré la disproportion massive de moyens entre le camp du oui et du non.

La gauche ne demandait pas d’imposer sa vision, mais un paquet équilibré, et j’espère vivement que le parlement, après avoir entendu le peuple, acceptera de faire cela.

C’est très simple : une RIE 3 dans la ligne de celle qui avait été proposée par le Conseil Fédéral (qui n’est pas de gauche).

De la RIE 3, il faut garder :

  • La suppression des statuts spéciaux
  • Un taux unique d’imposition (ce qui augmentera les impôts des entreprises qui gagnent leur argent à l’étranger et le baissera pour la masse des autres entreprises)
  • Une aide financière aux cantons et communes, comme dans le projet voté

Mais il faut supprimer ce que les référendaires ont critiqué :

  • Intérêts notionnels
  • Déductions fictives de toutes sortes
  • Patent box abusives

Bref, il faut que la réforme soit supportable pour les finances publiques, par exemple en introduisant une imposition des gains en capitaux ou des dividendes pour compenser une partie des pertes, comme le prévoyait le conseil fédéral (pas de gauche, comme je le disais).

Il est obligatoire de faire cette réforme vite, mais il est salutaire de voir que le peuple suisse, très largement, n’a pas accepté le chantage qui lui a été fait : « Vous êtes obligés d’accepter la réforme, donc vous êtes obligés d’accepter un boulet scandaleux qu’on vous rajoute, et qui vous coutera très cher ». Nous voulons la réforme, rien que la réforme et juste la réforme, sans ravager notre pays au passage.

Je profite de l’occasion pour saluer l’autre victoire pour notre pays : la naturalisation facilitée. Certes, il s’agit d’un pas relativement symbolique, puisqu’il ne concerne pas beaucoup de monde et la naturalisation n’est même pas automatique. Mais c’est beau de voir que quelque chose change dans notre pays depuis quelques temps. Il ne suffit pas de mettre une Burka pour enrager la population devant son bulletin de vote. Je pense qu’enfin, petit-à-petit, nous recommençons à reconnaitre que nous avons construit ce pays aussi grâce à des étrangers qui s’y sont établis sur plusieurs générations.

Avec la haine et la valorisation de l’ignorance qui ont explosé en 2016, peut-être qu’un contre coup commencera en 2017, en voyant que parfois on peut aller trop loin si l’on ne se guide que par nos peurs. Aujourd’hui, je pense que les gagnants comme les perdants peuvent se réjouir, d’une certaine façon, car ces résultats nous obligeront tous à travailler ensemble à l’écoute de l’autre. Nous y gagnerons, car c’est comme cela que nous sommes meilleurs.

 

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.