Ça s’annonce mâle pour les femmes

Sale temps pour l’égalité entre femmes et hommes. Alors que la Suisse disposait le 22 septembre 2010 d’un gouvernement composé à majorité féminine, nous nous retrouvons cinq ans plus tard avec deux femmes, cinq hommes, et en plus un nouveau chancelier homme qui lui aussi remplace une femme.

Un retour en arrière politique

Toutefois, le problème plus grand encore sera l’évolution de la politique en matière d’égalité. Nous n’avons pas seulement vécu une élection d’un homme, mais un changement drastique de majorité, amorcé par les résultats des élections du 18 octobre. Alors que beaucoup de ce qui marche bien dans notre pays se base sur notre logique de concordance, nous nous retrouvons, comme pendant la période ou Blocher était au Conseil Fédéral, avec une majorité de droite dure PLR et UDC au gouvernement. Ces deux partis, représentés par 100% d’hommes au gouvernement, ont en horreur les mesures qui visent à réduire les inégalités. Même avant les élections du 18 octobre, il était difficile de mettre en place des politiques, surtout contraignantes, pour faire respecter l’égalité pourtant stipulée dans notre constitution.

PasséSuisse

La position des milieux économiques, est claire en la matière, et se traduit dans le récent rapport d’AvenirSuisse : les inégalités salariales sont simplement de la faute des femmes, et il ne faut surtout pas corriger les défaillances dans le système. Il est bon de rappeler à cet égard que le conseil de fondation d’AvenirSuisse, l’organe suprême, est composé de 28 hommes et… une femme. Les autres organes (Comité pilote, comité de nomination, commission de programme et commission des finances) sont composés à 100% d’hommes. Mais il n’y a aucun problème.

L’offensive a aussi été menée au niveau Vaudois par le Centre Patronal, qui pour s’attaquer aux études sérieuses sur la discrimination entre femmes et hommes, a organisé un « sondage » pour en gros demander aux entreprises si elles discriminent les femmes. Comme le sondage auprès de 660 entreprises dit que la question du sexe n’est pas déterminante, c’est que ce doit être vrai…

Les faits sont là

Toutefois, au lieu de demander aux entreprises on observe les vrais chiffres, on constate que les femmes sont moins bien payées que les hommes, et qu’une partie de cette différence ne s’explique pas simplement par les différences de niveau de poste. La confédération a elle aussi sorti un très sérieux rapport qui montre en détail comment ces inégalités se composent. Bien sûr aucune étude n’est parfaite, mais celle-ci se basant sur les chiffres du terrain, montre que les femmes sont moins bien payées pour le même poste. De plus, le fait que les femmes ont tendance à accéder à des postes avec moins de responsabilités est aussi liés en partie à une discrimination, tant à l’embauche qu’à cause d’un manque de politiques d’égalité. Un exemple est le besoin de structures d’accueil. Mais là encore, la majorité de droite du parlement est hostile au développement de ces infrastructures, tout comme à l’instauration d’incitatifs contraignants pour que les entreprises respectent la constitution.

Nous voterons d’ailleurs bientôt sur la fiscalité, avec une initiative du PDC « Pour le couple et la famille » qui elle aussi va à l’encontre de l’égalité entre hommes et femmes et au passage qui vise à inscrire une discrimination envers les couples homosexuels. Cette initiative rendrait impossible la taxation individuelle, qui est mathématiquement le seul moyen possible d’empêcher la discrimination fiscale des femmes.

C’est donc au niveau du peuple et du débat public que le débat doit encore plus se développer, pour exercer une pression forte, et rappeler que la richesse de notre pays, c’est d’abord et avant tout l’ensemble des personnes qui y sont, quel que soit leur sexe, et d’ailleurs aussi leur nationalité. 

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.