Redevance : qui gagne, qui perd ?

On fait beaucoup de débats sur la question de la redevance Radio-TV (RLTV). Pourtant, il s’agit essentiellement d’un débat sur une question : comment on finance la mission de service public audiovisuel. Plus clairement, on nous demande de choisir entre deux systèmes. Le montant attribué à la SSR (à la RTS notamment) reste fixe et n’est pas en question. Avec le nouveau mode de financement, les gens ne payent pas tous la même chose. Qui gagne, qui perd ?

Les gagnants : 94.7% des ménages et 84% des entreprises

La redevance va baisser à 400 francs pour tous les ménages. 94.7% d’entre eux payeront donc moins. Aussi, les entreprises avec moins de 500'000 francs de chiffre d’affaires ne payeront rien, alors que celles avec moins d’un million de chiffre d’affaires payeront moins qu’actuellement. En plus de cela, des chaines locales autres que la RTS verront leur financement augmenter substantiellement à travers des projets. Les gagnants sont donc la majorité écrasante des ménages, des entreprises, ainsi que certains médias privés. Certaines personnes aussi seront exonérées, comme celles qui vivent en EMS.

Les perdants : Billag, les grandes entreprises, les ménages sans radio ou tv, les fraudeurs

La première bonne chose de cette loi, c’est qu’elle diminuera le montant d’argent gaspillé par la société Billag qui perçoit la redevance. Evidemment, idéalement, il faudrait supprimer cette société qui ne sert strictement à rien et financer les médias avec la même recette que les autres services publics, mais aucune des deux variantes (actuelle ou nouvelle) ne fait cela. Avec la nouvelle loi, 16 millions d’argent public en moins sera donné à Billag, et cette société arrêtera des contrôles.

Les autres perdants sont les entreprises qui ont plus d’un million de chiffre d’affaires. Pour ces entreprises-là, la redevance va augmenter. La redevance ne sera jamais gigantesque (0.0001% du chiffre d’affaires pour les plus grandes), mais c’est une augmentation de la contribution pour ces sociétés. Les ménages qui n’ont absolument aucun média (radio, tv, internet) sont perdants. Ils sont 0.6% et devront payer, comme ils doivent payer des impôts. Ceux qui n’ont qu’une radio ou qu’une TV payeront aussi plus, mais l’augmentation sera plus faible.

Le débat sur les médias s’invite

En réalité, cela ne changera rien formellement au financement des médias privés ou de la SSR (RTS). Pourquoi alors ces sociétés sont-elles si impliquées dans la campagne ? Car elles posent un autre débat intéressant : celui de savoir le rôle du service public, et comment doit fonctionner la concurrence entre le public et le privé. Il est certain que le mode de fonctionnement actuel ne satisfait pas certains médias qui ne se sentent pas sur pied d’égalité avec le média public qui dispose d’un financement élevé, sans compter la publicité. Il est clair qu’il est important de déterminer ce que doit faire la RTS en tant que service public, et quelle part de ce que font d’autres médias actuellement, fait partie du service public.

C’est un débat important, mais qui n’est pas le même que celui de la RLTV. Voter OUI à la RLTV, c’est un meilleur système, qui il est vrai donne plus de sécurité au service public, qui il est vrai ne répond pas à toute les questions, mais qui est plus efficient, plus simple, et avantageux pour la majorité écrasante. 

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.