Dur Dur, d’aider les familles!!!

L’initiative du PDC pour baisser les impôts des familles les plus riches, tout en trouant les finances fédérales, cantonales et communales a heureusement échoué. Toutefois, derrière ce score massif se cache aussi un problème : si la défense des familles paraît évidente pour une bonne partie de la classe politique, il n’est pas sûr que la population soit encore convaincue.

Rejet cumulé

Le rejet de l’initiative n’est malheureusement pas seulement composé de personnes qui pensent qu’il faut soutenir financièrement les familles, mais qui ont rejeté ce modèle-là de soutien. Il y a aussi de nombreuses personnes qui ont sans doute dit non car ils ne se sentaient pas concernés par les familles en général. Il est difficile d’estimer leur nombre, mais si je n’étais pas très inquiet pour ce dimanche, c’est parce que je me souvenais du résultat attristant de la votation sur l’article constitutionnel sur les Familles, rejeté par les cantons, et soutenu par moins de 55% de la population.

55% de soutien et 10 cantons, c’était extrêmement peu, alors que l’article constitutionnel n’était dans le fond qu’une sorte de déclaration d’intention qui ne coûtait rien, et qui concernait tout le monde. Finalement, que 30% de plus de la population disent non lorsqu’on vote sur un thème identique, mais que cette fois-ci le texte est très mal ciblé et coûterait beaucoup aux familles de la classe moyenne, c’est normal.

Pourquoi soutenir les familles ?

Nous avons sans doute besoin d’une vraie discussion sur les raisons de soutenir les familles. Le PDC a cru qu’il pourrait surfer sur un engouement populaire en lançant un texte clientéliste, mais ce calcul-là s’est montré faux. C’est probablement parce qu’il est encore nécessaire d’expliquer clairement pourquoi on veut soutenir les familles.

Déjà, c’est quoi une famille ? Techniquement, tout le monde ou presque peut se sentir membre d’une famille. C’est un peu comme aider « les consommateurs », c’est aider tout le monde. En vrai, la politique familiale touche souvent une catégorie plus restreinte de personnes, même si beaucoup de personnes passent par cette période dans leur vie : l’éducation des enfants.

Les enfants, c’est pour qui ?

Doit-on payer ou soutenir un couple parce qu’il décide d’avoir des enfants ? On pourrait dire que non, puisqu’il s’agit d’une décision libre, comme une sorte de loisir. Avoir des enfants, c’est une somme monstrueuse de travail, et certains diront que ce travail est récompensé par l’existence des enfants. C’est peut-être vrai, mais pas suffisant. En réalité, le travail que les parents investissent dans leurs enfants sert aussi à la société. Avant de créer la richesse de notre monde, nous avons toutes et tous du passer par l’enfance. C’est la première raison pour laquelle il est normal qu’une société reconnaisse ce travail et le soutienne.

Il y a une deuxième raison : la justice. Aujourd’hui, la charge de travail et financière ne rend pas toutes les familles égales devant le fait d’avoir des enfants. Les femmes, évidemment, se retrouvent encore beaucoup discriminées professionnellement à cause du rôle familial qui leur est attribué par certains. A cause des différences salariales, il devient impossible pour certaines familles de travailler à 100% par adulte, et ce sont souvent des femmes qui renoncent, notamment à cause de l’impact financier. Et est-il normal que seules des familles aisées aient vraiment les moyens de s’épanouir tout en élevant des enfants ?

Trouver un modèle de soutien aux familles

C’est donc juste qu’il faut aider les familles, mais il faut encore expliquer comment et pourquoi. Voilà trois mesures qui vont à mon avis dans le sens d’une aide à toutes les familles, avec évidemment l'égalité salariale entre femmes et hommes qui est encore loin d'être atteinte :

  • Les allocations familiales, en elles-mêmes, sont une bonne solution et elles pourraient être augmentées. En effet, elles concernent tous les enfants, sans tenir compte de leurs moyens, plutôt que seulement ceux des familles riches. Cette méthode, ou d’autres aides directes, seront bienvenues pour aider les familles.
  • Les structures d’accueil sont elles aussi une mesure importante à développer. Elles permettent en effet de ne pas discriminer un membre d’une famille par rapport à un autre, et de donner à chacune et chacun la possibilité de s’épanouir tout en fondant une famille.
  • La flexibilisation des conditions de travail est le troisième élément. Ce terme peut vouloir dire beaucoup, mais j’entends ici le temps partiel, le job sharing, les congés parentaux égaux pour femmes et hommes, et tout cela à tous les niveaux de responsabilités.

Mais si un jour le peuple devra se re-prononcer, aucun parti ne doit croire la bataille gagnée d’avance. D’abord le principe d’aider les familles n’est pas encore acquis par toutes et tous, mais aussi il existe de fortes divergences gauche-droite qui peuvent condamner de nombreuses propositions, même si elles sont bien meilleures que celle de l’initiative que nous venons de balayer. C’est toutefois notre travail à toutes et tous et notamment les politiques : penser de meilleures solutions, et convaincre.

Samuel Bendahan

Conseiller national socialiste vaudois et Docteur en sciences économiques, Samuel Bendahan enseigne à HEC Lausanne (UNIL) et à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), au Collège des humanités et y fait de la recherche. Il est également président de BSC Association, une entreprise organisée sous forme d'association à but non lucratif.