La coupe du monde de football masculin de 2022 rapproche à grands pas. Alors que les derniers débats sont centrés sur le nombre de pays participant à cet évènement mondial, certains observateurs et organisations internationales dénoncent officiellement les conditions de travail imposées aux travailleurs migrants en les présentant comme contraires aux principes des droits de l’homme. Pourtant, en se portant pays hôte pour cet évènement international, l’État qatarien, s’était pleinement engagé à honorer lesdits principes. Or depuis 2010, date de la désignation officielle par la FIFA, des révélations accablantes relatives aux migrants venus principalement du Pakistan, d’Inde, des Philippines et d’autres pays d’Asie, ne cessent de remettre en question la légitimité accordée à cet État par la FIFA. Ces employés étrangers subissent une politique de travail où les facteurs sociaux, administratifs, ainsi que les efforts physiques à fournir leur sont nuisibles. Parfois inhumains. Actuellement, d’après le ministère qatarien de la Planification du développement et des statistiques, il y aurait 1,9 million de travailleurs migrants, ce qui correspond à 90% de la population totale du pays. Avec autant de main-d’œuvre, les ouvriers étrangers sont exposés à des traitements dégradants considérés comme « l’esclavagisme moderne ».
En 2017, l’Organisation internationale du travail (OIT) a décidé de retirer sa plainte relative au « non-respect de la convention sur le travail forcé et de la convention sur l’inspection du travail par le Qatar ». D’après le Conseil d’administration de l’OIT, le pays était dans une phase d’amélioration concernant le sort des deux millions de travailleurs étrangers. Cette décision gagna en crédibilité suite à l’abolition officielle du système « kafala » en vigueur dans l’émirat en 2016.Cette procédure particulière obligeait les travailleurs étrangers à avoir un « parrain » qatarien (individu ou entreprise) afin que ces derniers puissent obtenir une autorisation de travail. L’effet pervers de ce système était qu’un travailleur migrant se trouvait alors maintenu sous le contrôle de son « parrain », au point de voir son passeport confisqué. À titre exemple, la kafala interdisait aux employés migrants de changer librement d’employeur, ou simplement de quitter le pays. Actuellement, le cadre de la kafala n’a pas complètement disparu. En effet, la réalité est plus complexe. Selon le dernier rapport d’Amnesty International consacré à ce sujet (publié en 2018), les autorités qatariennes n’auraient pas totalement tourné la page au sujet de la kafala. Il semblerait que l’instauration d’une réforme plus profonde s’impose. Nous apprenons par exemple que les employeurs peuvent décider jusqu’à 5% de leurs effectifs sur l’autorisation des employés de quitter le pays. Stephen Cockbrun, Directeur adjoint du programme questions mondiales à Amnesty International, salue l’abolition partielle de ce parrainage abusif. Toutefois, il ajoute qu’« il est essentiel que d’autres mesures soient prises afin que tous les travailleurs migrants installés au Qatar puissent jouir du droit de circuler librement — y compris les employés de maison, qui risquent toujours d’être exploités et de subir des violences. Il ne doit y avoir aucune exception en matière de protection des droits fondamentaux ». Autrement dit, les droits des travailleurs ne doivent pas être laissés à la discrétion des employeurs.
Cette déshumanisation, dont les travailleurs migrants sont victimes, est notamment perceptible au niveau des salaires qui sont les leurs. Un employé migrant travaillant en chantier touche au minimum 700 riyals par mois (équivalant à 195 dollars). Cependant, certains ouvriers témoignant à ce sujet que le payement de leur salaire ne s’effectuait pas régulièrement. Ainsi, en 2017, l’ONU a appelé le gouvernement du Qatar à régulariser les contrats de travail des migrants et à respecter le versement mensuel des salaires dus. Or cet avertissement semble être minimisé ou ignoré par le pouvoir en place. La raison est que cette pratique — injuste et assimilable à de la corruption — continue à anéantir la vie des milliers d’employés migrants. À cela s’ajoute la question du temps de travail imposé dans certains chantiers de construction. En effet, pour répondre à l’ensemble des pressions concernant la 22e édition de la Coupe du monde, les entreprises exigent parfois des journées de 14 heures de travail, souvent sous des températures très élevées. Cette situation chaotique sur le plan humain génère un haut taux de mortalité parmi les victimes de ce système. À ce jour, il est malheureusement impossible de soutenir ce propos à l’aide de statistiques. À juste titre, l’État qatarien ne divulgue pas de rapports complètement transparents à ce sujet. Au contraire, il tente plutôt de réfuter l’existence de ces décès afin de redorer son image au niveau international.
Cette déshumanisation rampante n’est pas uniquement propre au Qatar. Les conséquences de la Coupe du monde de football en Afrique du Sud en 2010, ou au Brésil en 2014, nous ont clairement montré que les principes des droits de l’homme envers les travailleurs migrants et locaux, étaient partiellement voire aucunement respectés. Suite à divers scandales, aux pressions exercées par la société civile ainsi que par des ONG, la FIFA a mis en place un groupe d’experts présentés comme indépendants, issus des Nations Unies, de la société civile, des organisations syndicales et du monde des affaires. Leur objectif est de fournir des conseils et des recommandations à la FIFA quant aux mécanismes permettant de mieux « contrôler » les futurs pays hôtes. Ce conseil consultatif croit fermement qu’un progrès tangible pourrait s’institutionnaliser d’ici 2026.
Si FIFA ou ONU ne montrent pas un exemple de saine gouvernance, on se demande comment on pourrait contraindre des multinationales à le faire!
Tiens aucune critique contre la Russie 2018 ? Je vois que la jeunesse socialiste a toujours quelque peine à critiquer l’URSS… Pourtant, le dernier mondial n’est pas meilleur que les autres cités…
Déshumanisation est un mot faible pour parler d’esclavage en 2019. Cessons d’être politiquement correct avec cet État!