La transition numérique, au service des villes durables ?

Mon année de mairie qui se termine fin mai 2019 a été dédiée aux enjeux du numérique d’un point de vue de la vie urbaine (administration  en ligne, outils participatifs, open data, citoyenneté numérique, démocratisation culturelle, etc.). C’est dans ce cadre que j’ai demandé à l’Unité Information et Communication de la Ville de réaliser une série de petits films documentaires en format vidéo qui thématisent ces enjeux. Parmi ceux-ci, un en particulier concerne le coût écologique du numérique et de l’explosion de la consommation dans ce domaine. Car le numérique n’est pas en lui-même une solution aux problèmes de l’environnement. Il aurait même plutôt tendance à causer des problèmes supplémentaires, quand on pense à l’exploitation des terres rares ou aux impacts des serveurs en matière énergétique, entre autres.

Ceci étant, ce serait une erreur de « jeter le bébé avec l’eau du bain », en quelque sorte : la transition numérique est une réalité incontournable. Autant l’orienter de manière à ce qu’elle soit écologiquement et socialement supportable, voire qu’elle contribue réellement à un monde meilleur, plutôt que d’en accentuer les tendances centrifuges et destructrices. Lorsqu’il est question de numérique, le débat est facilement éclaté entre de nombreuses dimensions perçues comme distinctes, difficiles à aborder de manière cohérente, globale et compréhensible.

Le numérique des villes

Dans ce contexte, je suis convaincu que les villes ont un rôle crucial à jouer. J’ai d’ailleurs initié une Journée du numérique des villes genevoises, qui aura lieu demain, vendredi 24 mai. Car non seulement les villes sont directement au contact quotidien avec la population, elles offrent des prestations de proximité, elles œuvrent à résoudre les problèmes très concrets du quotidien, localement. Mais en plus, je suis convaincu que les villes peuvent faire ce que les Etats échouent pour l’instant à mettre en place, bien malheureusement. Car les villes ne sont pas engoncées dans les enjeux géostratégiques des nations. Les villes sont à même de mobiliser les intelligences collectives, de catalyser une intelligence pratique qui puisse réunir les énergies au-delà de l’action de l’administration, fédérer les mobilisations et catalyser l’innovation au service de toutes et tous.

Proposer une vision critique, locale et démocratique

Les villes peuvent, avec leurs partenaires, contribuer à ce que le monde numérique soit démocratisé et doté de règles transparentes et partagées, ne dérive pas uniquement vers des usages mercantiles ou sécuritaires, et soit purgé de manipulations par des algorithmes opaques et suspects.

Genève est une ville internationale dont la tradition en matière humanitaire n’est plus à prouver. J’aimerais que nous puissions offrir le même espace pour les questions liées au numérique : proposer un regard critique, éthique, citoyen, participatif et accessible sur ces questions. Les enjeux qu’il faut aborder de manière transparente et créative sont nombreux : mettre en avant l’ouverture contre l’accaparement des données et des logiciels, lutter pour la neutralité et l’accessibilité, valoriser les processus ouverts, l’open data et l’open source, plutôt que le cloisonnement propriétaire et commercial. La défense de cette liberté démocratique et partagée est une lutte que nous devons mener et je pense, je le souhaite en tant que Maire, que Genève doit devenir le lieu de référence sur le plan mondial de la lutte pour la garantie de ces principes. Nous avons tout intérêt à allier ressources et compétences locales et internationales, comme le fait par exemple Open Geneva.

Deux projets pour Genève

Dans ce contexte, outre les projets concrets de transition numérique (enfin !) touchant l’administration municipale dans son fonctionnement  et dans sa relation avec les citoyennes et citoyens, je porte deux projets qui me semblent pertinents et importants :

–          Créer une véritable « université populaire du numérique », sous forme de mise en réseau des nombreux acteurs qui s’engagent de près ou de loin pour démocratiser le monde numérique et défendre une approche inclusive et accessible ; une telle structure doit être ouverte, collaborative, horizontale, agile.

–          Créer une fondation sur le plan de la Genève internationale qui aurait pour mission de favoriser l’Open source, l’Open data, la mise en commun des données et la protection de l’identité numérique de chacun.

Pour une transition durable

Car quoi qu’il en soit, nous avons besoin de réfléchir autrement. C’est une évidence. Nos pratiques anciennes nous mèneront dans un cul-de-sac. Nous devons impérativement aujourd’hui trouver le moyen de se fabriquer une sortie. Et pour cela les nouvelles générations nous montrent la voie. La transition numérique ne représente pas une panacée mais, bien apprivoisée et mobilisée, elle constitue un espace précieux pour nous soutenir vers une transition écologique qui soit aussi socialement supportable et durable.

Sami Kanaan

Sami Kanaan est Maire de Genève 2014-2015, 2018-2019 et 2020-2021, Conseiller administratif en charge du Département de la culture et de la transition numérique, Président de la Commission fédérale pour l'enfance et la jeunesse, Vice-président de l'Union des villes suisses et de l'Union des villes genevoises.

3 réponses à “La transition numérique, au service des villes durables ?

  1. avec l’énergie du désespoir nous vous supplions de prolonger votre Genève 1850, un voyage révolutionnaire car des dizaines de curieux souhaitent le voir, y compris toute notre famille et tout est complet!
    merci de votre compréhension et une toute bonne continuation pour la suite de votre mandat.
    Familles Estoppey, Vaezi, Bertola Reymond

    1. Merci de votre commentaire qui me conforte dans la décision d’avoir mené ce projet Genève 1850, rendu possible à grâce à la convergences des efforts et compétences internes du Département, de la Fondation Artanim et de mécènes privés. Le succès de l’expérience nous dépasse en effet et de loin.

      Nous avons réussi à trouver des ressources supplémentaires pour assurer cette prolongation de 2 mois, mais celle-ci ne pourra malheureusement pas se prolonger dans l’immédiat, en raison de l’utilisation de l’espace pour une autre exposition agendée de longue date, mais aussi car Genève 1850 mobilise beaucoup de ressources (technicien disponible en permanence et personnel pour équiper/déséquiper le public et l’accompagner dans l’expérience).

      J’ai néanmoins bien pris la mesure de l’engouement de ce projet pilote que j’avais souhaité lancer sur la base des données du Relief Magnin que nous avions numérisé et peut donc vous annoncer que nous réfléchissons activement à un espace qui puisse de manière durable l’accueillir ainsi que d’autres qui en prendraient la suite, de même que nous souhaiterions initier d’autres projets similaires. J’aimerais que nous puissions proposer un lieu qui prolonge l’expérience et fasse le lien entre l’activité historique du musée et les technologies actuelles, offrant ainsi un espace d’expérimentation inédit à Genève.

      J’espère donc pouvoir vous en dire bientôt plus!

      1. Merci infiniment Monsieur de tous vos efforts pour permettre au public d’apprécier encore plus notre ville. Merci aussi de vos explications compréhensibles et généreuses. Nous nous réjouissons de voir le spectacle ainsi que de vos futures créations.

        Familles Estoppey, Vaezi et Bertola Reymond

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