Le Général de Gaulle me manque. Est-ce à cause de la récupération générale dont il est sujet ces jours-ci?
Je trouve cela bizarre, interpellant et ironique: je suis un individu de nationalité autre que française, j’ai été éduquée en Roumanie, au Royaume Uni et en Suisse, je suis d’une génération qui n’a entendu parler du grand Général que dans les livres d’histoire et ça, de manière assez approximative, et pourtant, en tant qu’observateur et analyste politique, il me manque. Ceci va au-delà de toute affinité et intêret linguistique et culturel que je ressens pour la culture, histoire et langue françaises.
J’ai constaté avec surprise qu’il me manquait lors du débat sur le Brexit (d’ailleurs il manquait apparement aux britanniques eux-mêmes!) et ces jours-ci, quand l’entre-deux tours des élections françaises fait rage (si jamais vous voulez comprendre ce qui s’y passe je recommande vivement la série Hommes de l’ombre) c’est comme si un grand trou béant d’humanité et de politique là où avant se trouvait de Gaulle, nargue les protagonistes des débats, qui essayent de le remplir en évoquant son image et son héritage, en vain.
L’Exigence
Ce n’est, bien sûr, pas l’homme qui me manque, mais les principes et la manière qu’il avait de les tenir; le fait d’avoir un projet, aussi fou soit-il, au moment où son pays était anéanti; une certaine intransigeance, qui certes, lui fut reprochée, mais qui ne laissait pas de doute sur l’authenticité de sa démarche en politique; la parole qu’il a tenu dans ses échanges avec les français et l’Europe. En somme, il s’agit d’exigence. Une exigence qui semble être la marque de tout individu qui a laissé une vraie trace dans l’esprit des sociétés de notre siècle, quel que fut son projet. Une exigence dont nous sommes en mal au niveau global!
Cette exigeance est celle de ne pas renoncer à ses valeurs et ses principes, même quand il y a un danger de mort qui rôde. Ce n’est pas celle d’être parfait et d’être la réponse à toutes les fantasmes, mais celle d’avoir une proposition qui tienne la route. Ce n’est pas celle de camper sur ses positions, non plus, mais celle du courage d’admettre quand d’autres pourraient rendre mieux service. C’est surtout l’exigence à laquelle tout citoyen, inconsciemment ou pas, veut pouvoir tenir ses élus.
Pour ma part, c’est comme ça que je lis le désarroi et un certain désespoir qu’expriment ceux qui font un peu partout, des choix politiques qu’on considérait jusqu’à il y a peu, impensables: une recherche déboussolée et ignorante de l’exigence. Chez l’autre. Le problème avec le fait qu’il ne semble plus y avoir des hommes et femmes politiques qui donnent l’exemple c’est qu’on tombe dans piège de penser qu’on ne peut pas s’y tenir soi-même…