La différence entre l’Orient et l’Occident c’est la Turquie. (…) La Turquie c’était une joyeuse jouvencelle boulimique et dépressive. Se voyant obèse dans le miroir de l’Orient et décharnée dans celui de l’Occident, elle ne trouvait pas de vêtements à sa mesure. Elle s’empiffrait pendant vingt ans, vomissait pendant vingt ans, puis se remettait à manger. Elle savait bien qu’elle avait un penchant morbide à la généralisation, mais toute société devient généralisatrice à partir du moment où elle fonde un Etat. (Hakan Günday, “Encore”)
Malgré maintes protestations du contraire, la Turquie n’a jamais été un modèle qu’on pourrait suivre. Mais un cas sui generis dans une géographie spirituelle et politique unique et tourmentée, une démocratie née au sein d’une société de religion et culture majoritairement musulmane et un miracle en équilibre, oui. Un cas de civilisation crucial et indispensable.
Aujourd’hui, la Turquie et sa démocratie sont en passe de devenir un échec cuisant. Si cela devait arriver, la Démocratie à laquelle on aspire en Europe et au Moyen Orient n’en reviendrait pas.
Avec le climat de tension et incertitude qui règne dans le pays, il est difficile de prédire le résultat des élections du 1er novembre. Le fait même qu’elles ont lieu est l’une de ces contradictions bien « turques » auxquelles le pays nous a habitués : d’un côté, c’est bon signe, car ça veut dire que les autorités en place ne peuvent pas (encore) faire ce que bon leur semble en ignorant la population; d’un autre, le signe est inquiétant, car la situation a quand même permis à un seul individu de se comporter comme un despote qui trépigne de mécontentement et fait tout son possible pour bloquer une coopération avec les autres forces de l’échiquier politique tant que les pièces ne penchent pas toutes en sa faveur…
Une démocratie sur le fil, donc, dont le sort se jouera dans les deux semaines à venir. A suivre.