Plutôt que de se répéter, l’histoire dans sa spirale infinie nous rappelle à des moments précis du présent ce que nos ancêtres ont choisi d’ignorer ou n’ont pas pu affronter jusqu’au bout dans le passé. C’est ce que je me disais hier, samedi, lors de la manifestation contre les renvois de Dublin et pour un accueil plus large des réfugiés, à laquelle j’ai participé.
Ecoutant les discours des organisateurs et ce qui se disait parmi les manifestants j’ai compris que les critiques et les demandes d’aujourd’hui ne sont pas si différentes de celles qu’on entendait à Genève et dans les rues des capitales européennes il y a cent ans. C’était en 1915, la grande guerre faisait rage et les suffragettes demandaient leurs droits, ainsi que les ouvriers, beaucoup d’entre eux acquis à la cause socialiste et tiraillés par des aspirations nationalistes qui les poussaient à aller sur le front.
Manif Genève 10 octobre 2015-vidéo
En 2015 ce sont les questions des réfugiés et de l’environnement qui galvanisent les esprits. Structurellement, elles sont similaires à celles d’il y a un siècle. Alors, en Europe, les femmes étaient le groupe social le plus nombreux qui souffrait une exclusion injuste sur tous les continents: elles n’avaient pas ou peu de droits politiques, économiques et sociaux. Les ouvriers, quant à eux, souffraient de plein fouet les exactions et injustices d’un système capitaliste en voie de consolidation.
Les droits doivent rester vivants
Comme Thomas Piketty nous le rappelle, les inégalités économiques et donc sociales, étaient des plus hautes à cette époque… tout comme la nôtre, qui s’empresse de la rattraper. Aujourd’hui, les réfugiés cristallisent le phénomène d’exclusion, surtout dans un pays riche comme la Suisse; l’environnement inquiète par la transversalité des effets qu’il subit comme conséquence du système qui l’exploite.
La différence est qu’aujourd’hui nous opérons dans un contexte où beaucoup de droits sont acquis, il y a moins de censure et l’Etat de droit nous permet d’oeuvrer pour corriger les injustices qui persistent. Par contre, ce que la manifestation de samedi a aussi rappelé est que ces droits, afin de rester vivants, doivent être exercés, défendus et demandés, ils ne sont pas automatiques. Autrement, et surtout par les temps qui courent, Le sommeil de la raison engendre des monstres (Francisco Goya).