Cinq questions que vous vous posez sur les batteries de voitures électriques

Des batteries, il en existe de toutes sortes et de toutes tailles. On en retrouve partout, dans nos téléphones, nos ordinateurs, nos montres et nos écouteurs… et maintenant également dans nos maisons, par exemple reliées à nos panneaux solaires, ou dans nos voitures. C’est à cette dernière catégorie de batterie que nous allons nous intéresser aujourd’hui, même si nombre des considérations qui vont être abordées ici concernent également les petites batteries telles celles de nos smartphones.

Dans cet article nous allons vérifier différentes affirmations souvent entendues au sujet des batteries électriques et plus particulièrement pour les batteries lithium-ion qui équipent aujourd’hui la plupart des véhicules électriques.

Les batteries contiennent des terres rares qui polluent et ne sont pas infinies.
FAUX !

Les détracteurs des batteries avancent souvent l’argument de la rareté et de la pollution des terres rares supposément présentes dans les batteries pour décrédibiliser l’usage de ces dernières.

Tout d’abord, il faut préciser que les terres rares ne sont en réalité pas des terres, mais des métaux, regroupant 17 éléments chimiques du tableau de Mendeleïev. Par ailleurs, et malgré leur nom, les terres rares ne sont pas rares. L’abondance des terres rares dans l’écorce terrestre est bien plus grande que celle de nombreux autres métaux d’usage courant et les réserves exploitables de terres rares sont bien moins critiques que celles de nombreux autres métaux stratégiques. Leur exploitation est cependant plus difficile car il s’agit le plus souvent de séparer ces métaux du minerai dans le lequel ils se trouvent. Comme pour d’autres types de métaux, l’exploitation des terres rares présentent ainsi des impacts environnementaux et sociaux importants dont nous devons tenir compte.

Mais qu’en est-il du coup pour les batteries de véhicules électriques ? Eh bien, malgré tout ce que l’on peut entendre, il n’y a pas de terres rares dans les batteries lithium-ion. Cette fausse idée vient des premières voitures électriques qui étaient équipées de batterie Nickel-Métal-Hybride, qui contenaient elles plusieurs kilos de ces métaux (lanthane). Il est en revanche possible de retrouver, parfois, des terres rares dans les moteurs des voitures électriques, tout comme dans les voitures thermiques (pots catalytiques). C’est également le cas dans nos ordinateurs, smartphones, frigos, aspirateurs, lave-linge, lave-vaisselle et autres appareils électroménagers.

Les batteries lithium-ion ne sont donc pas concernées par l’utilisation des terres rares. Cela ne diminue cependant en rien la pollution et notre dépendance induite par les terres rares pour ses autres usages.

Les métaux nécessaires à la fabrication des batteries de véhicules électriques sont extraits dans des conditions peu respectueuses des droits humains et de l’environnement.
VRAI !

Les batteries lithium-ion contiennent de nombreuses matières premières dont bien sûr du lithium, mais finalement en petite quantité comparé aux autres composants : aluminium, cuivre, nickel, cobalt, manganèse, fer, phosphore, etc. Ces métaux apportent, lors de leur extraction et de leur raffinage, leur lot de désastres environnementaux et sociaux comme toutes les activités minières.

Il nous faudrait un article entier pour décortiquer les impacts de tous les métaux présents dans les batteries, aussi nous allons ici nous concentrer sur deux exemples représentatifs de la problématique.

Premièrement le lithium. Souvent critiqué,il se retrouve dans deux types d’environnements, dans des roches appelées pegmatite d’une part, notamment en Australie, ou dans les déserts de sel d’autre part, majoritairement en Argentine, en Bolivie et au Chili où se trouvent les plus grandes réserves mondiales. Pour extraire le lithium, il faut pomper de l’eau salée en profondeur et laisser les sels de lithium se décanter au soleil durant plusieurs mois dans des « piscines », cela impacte grandement les réserves en eau de la région, une des plus arides au monde. Il faut noter toutefois que les sels de lithium sont en réalité un sous-produit de la production de sels de potassium qui engendre donc dans tous les cas, exploitation de lithium ou pas, les mêmes dégâts environnementaux. Les deux types d’extraction du lithium, ainsi que le raffinage, demandent beaucoup d’énergie, majoritairement issue de sources fossiles qui produisent donc une grande quantité de CO2.

Deuxièmement le cobalt, également présent dans les batteries de véhicules électriques. Lui aussi demande beaucoup d’énergie fossile pour sa production. Mais si ce métal se retrouve souvent sous le feu des projecteurs, c’est surtout en lien avec les conditions de travail dans les mines de République démocratique du Congo (deux tiers de la production mondiale). Dans les mines artisanales qui représentent une petite part de la production, le travail des enfants est répandu et les accidents mortels dans les tunnels étroits fréquents pour les mineurs qui travaillent sans aucun équipement de sécurité. L’extraction, que ce soit dans les mines industrielles ou artisanales, pollue l’air et l’eau, ce qui impacte la santé des riverains et l’environnement, tout comme le raffinage qui se fait désormais en Chine ou le minerai est transporté par cargo.

Ainsi oui, l’extraction du lithium, du cobalt et de tous les autres composants des batteries et plus généralement des voitures électriques, mais aussi des véhicules thermiques, pollue et impacte négativement l’environnement et les hommes. L’augmentation de la demande risque d’amplifier ces problèmes, c’est pour cela que de nombreuses recherches sont faites pour améliorer la composition des batteries au lithium. Par exemple, en dix ans, la quantité de cobalt nécessaire à leur fabrication a été divisé par quatre.

Il reste toutefois encore du chemin pour pouvoir atteindre une production minière « propre » et bénéfique pour l’homme et l’environnement, d’où l’importance également du recyclage pour limiter l’augmentation de l’extraction de ces différents métaux.

Les matières premières utilisées dans les batteries polluent tellement lors de leur extraction qu’il est plus écologique d’acheter une voiture à essence.
FAUX !

Pour répondre à cette affirmation il faut étudier l’analyse du cycle de vie des deux types de véhicules. De par leur batterie, les voitures électriques produisent plus de CO2 et d’effets négatifs pour l’homme et l’environnement lors de leur production que les voitures thermiques, c’est un fait. Cependant, lors de son utilisation, une voiture électrique produit beaucoup moins de CO2, pour autant que l’électricité consommée pour recharger les batteries provienne de sources renouvelables. Et même si dans certains pays l’électricité est produite en partie par des centrales à charbon, une voiture électrique alimentée par cette énergie reste moins polluante qu’une voiture à essence.

En Suisse, le mix électrique est peu émetteur de CO2. En 2020 selon les données de la Confédération, 76% de l’électricité consommée en Suisse provenait de sources renouvelables (principalement hydraulique) à faible impact carbone. Le reste était composé de nucléaire (20%), également peu émetteur de gaz à effet de serre, de sources fossiles (2%) et d’électricité issue de source invérifiable (2%). Grâce à cela, et selon le TCS, une voiture électrique suisse de taille moyenne produit au minimum deux fois moins de CO2 lors de son cycle de vie que son équivalent à essence. La fédération européenne pour le transport et l’environnement (Transport & Environment) a comparé le cycle de vie des voitures à essence et électriques dans différents pays de l’Union européenne, sur la base d’une étude publiée dans la revue scientifique réputée Nature. Il en est ressorti que, sur l’ensemble du cycle de vie, même en Pologne, pays avec le mix électrique le plus fossile de l’Union Européenne, une voiture électrique reste plus avantageuse en termes d’émissions de CO2 qu’une voiture thermique (cf. graphique). La Suisse n’apparaît pas dans ce graphique, mais son mix électrique est assez proche de la Suède, ce qui permet de faire une comparaison avec les autres pays européens.

Les batteries ont une courte durée de vie et ne peuvent pas être réutilisées
FAUX !

Les batteries des véhicules électriques ont une durée de vie estimée à une dizaine d’années en moyenne, après quoi la capacité de la batterie tombe en dessous des 70-80%. Il est alors conseillé de la changer. On peut donc se dire que cette durée de vie est peu élevée. Mais avec encore 70%-80% de capacité de charge, l’heure n’est pas encore au recyclage. Les batteries automobiles peuvent être encore utilisées de nombreuses années comme batteries de stockage pour l’énergie solaire par exemple.

D’ailleurs, les batteries solaires étant en général assez chères, il est en fait plus économique d’utiliser d’anciennes batteries automobiles, même si un tel système reste onéreux. Selon Suisse Énergie le cas de figure le plus rentable est le suivant : « vous habitez une maison individuelle avec une grande installation photovoltaïque existante, une petite batterie de stockage et votre consommation d’électricité est élevée en raison d’une pompe à chaleur et d’une voiture électrique ». Ce modèle est amené à devenir de plus en plus commun, il y a donc une réelle opportunité de réutilisation des batteries automobiles.

Les batteries sont impossibles à recycler
FAUX !

Avec l’essor des voitures électriques, la question du recyclage des batteries devient de plus en plus pressante, les batteries des premières voitures électriques de masse arrivant à la fin de leur durée de vie. Il existe principalement deux techniques de recyclage des batteries lithium-ion. Dans les deux cas, elles sont tout d’abord démontées pour récupérer certains composants, puis ce qui reste est broyé. La première technique est la pyrométallurgie qui porte les matériaux à haute température, ce qui détruit les plastiques et la matière organique tout en conservant les métaux qui sont ensuite séparés chimiquement. La seconde technique, l’hydrométallurgie, sépare les composants en les passant dans différents bains chimiques permettant chaque fois d’extraire un type de métal. En théorie, la revalorisation des éléments d’une batterie électrique peut s’élever à plus de 90%. En pratique, c’est surtout la rentabilité d’un tel système qui détermine le taux de recyclage.

En Suisse, il n’existe pas (encore) de filière de recyclage pour les batteries solaires ou automobiles, ces dernières étant renvoyées au constructeur qui se charge du recyclage. À titre d’exemple, en 2018 en France, les constructeurs automobiles ont atteint un taux de 65% de recyclage pour les matériaux des batteries usagées reçues. Ce n’est certes pas suffisant, mais ce chiffre est en augmentation et dès 2024 une filière Suisse de recyclage devrait voir le jour et permettrait le recyclage d’au moins 90% des matériaux.

Conclusion

Beaucoup de choses sont dites sur les voitures électriques et en particulier sur la problématique des batteries. Il semblerait en lisant certains articles que le remède (la voiture électrique) serait pire que le mal (la voiture thermique). Au travers de cet article et des quelques questions abordées, nous avons vu qu’effectivement la voiture électrique n’est pas neutre en CO2 si l’on s’intéresse à l’ensemble de son cycle de vie et que d’autres impacts environnementaux et sociaux apparaissaient tout au long de ce cycle. Mais nous avons également vu qu’au final la voiture électrique s’en sortait bien mieux que la voiture thermique, et que les critiques qui pouvaient être faites à la voiture électrique peuvent finalement tout autant être adressées aux voitures thermiques. Il paraît donc aujourd’hui évident de privilégier une voiture électrique par rapport à une voiture thermique lorsque l’on décide de remplacer son véhicule.

Pour autant, si la voiture électrique fait bel et bien partie des solutions pour lutter contre les changements climatiques, il paraît illusoire de pouvoir remplacer tous les véhicules thermiques par des véhicules électriques à l’échelle planétaire. Si l’on ne prend que les nouvelles immatriculations, nous arrivons en 2021 à 6,6 millions de véhicules électriques (motorisation hybride comprise) vendus dans le monde, soit 9% des ventes. Imaginons donc ce que cela peut vouloir dire de produire plus de 70 millions de batteries par an pour atteindre le tout électrique, uniquement pour les nouvelles immatriculations ?

Et quand bien même nous aurions la possibilité physique de remplacer tous les véhicules thermiques par des véhicules électriques, nous n’aurions réduit peut-être que de moitié l’impact climatique de la mobilité individuelle, sans avoir régler les problèmes de stationnement, ou de congestion.

Ainsi, en termes de mobilité, il s’agit avant tout de diminuer drastiquement le nombre de kilomètres parcourus puis d’effectuer un report modal vers les transports publics et la mobilité douce. On passera finalement à l’électrique pour les véhicules encore vraiment nécessaires, si possible partagés et en petit format !

 

Nelia Franchina

Spécialiste durabilité

3 réponses à “Cinq questions que vous vous posez sur les batteries de voitures électriques

  1. Article intéressant – par contre, sur la comparaison de pollution entre thermique et électrique, il faudrait aussi voir à partir de combien de kilomètres une voiture électrique est effectivement moins polluante qu’un moteur thermique.

    Dans mon cas par exemple, la voiture (thermique, on n’a pas de borne de charge de toutes façons) roule entre 10 et 15km par *semaine*.
    Combien de temps une telle utilisation serait à l’équilibre avec une voiture électrique, en tenant compte du cycle complet ?

    Après, oui, la voiture est “vieille” (2013 ou 2014), n’est “que” euro5, mais entretenue correctement, et n’a pas un moteur surpuissant (une Opel Adams à 87 chevaux). Un “panier à commissions”, en somme.

    Je doute qu’avec une telle utilisation, une voiture électrique soit réellement moins polluante avant la fin de vie de la batterie (~10 ans selon l’article). Et donc, on reprend les mêmes et on recommence presque à zéro quand on change de batterie (certes il y a recyclage, mais pas local [pour le moment], et on doit injecter des matériaux neufs selon la qualité du produit du recyclage, qui consomme aussi de l’énergie de toutes façons).

    Ce d’autant quand on n’a pas de borne de charge à domicile (immeuble locatif), et que la première borne se trouve à plus de 5km…

    Bref. Au lieu de “faux”, un “ça dépend” semblerait plus correct à mon sens.

  2. Pourtant, comme déjà écrit ici sur ce blog, l’avenir de la voiture électrique (VEL) ne sera pas avec des batteries. Un calcul montre qu’un parc suisse de 4 millions de VEL (disons avec 500 km d’autonomie, avec une consommation de 20 kWh/100 km, soit une capacité de 100 kWh) représente pour chaque VEL en moyenne 15’000 km par an, en consommant 3’000 kWh par an (soit en moyenne 30 pleins par an), soit 12 TWh (12 milliards de kWh) par an en tout.

    La charge électrique totale de ce parc suisse de VEL représenterait un stock disponible maximal de 0,4 TWh (400 millions de kWh), une valeur certes très intéressante, mais qui représente une quantité énorme de lithium dans les batteries.

    C’est l’élément pourtant le plus léger pour de futures batteries lithium-air (les plus denses possibles en énergie stockée) dont on espère, un jour (mais on en est encore loin…), arriver à une densité d’énergie de 4 kWh/kg de lithium, soit 25 kg de lithium par VEL. Cela représenterait une masse totale de 100’000 tonnes de lithium, soit plus que le marché mondial actuel de ce métal. Et il ne s’agit que du parc de VEL pour la Suisse !

    Non, l’avenir sera la pile à combustible, alimentée soit directement avec le gaz dihydrogène (H2) comprimé, soit, plus probablement, avec un simple liquide de synthèse : méthanol, acide formique, cyclohexane, etc. L’électricité nécessaire aux moteurs électriques de chaque VEL sera donc produite « in situ » directement dans le véhicule, le plein se faisant non plus par recharge électrique, mais par un plein classique et bien plus rapide.

  3. Merci pour cet article clair et convaincant. Pour prolonger la vie des batteries au lithium il existe une start-up de Renens, nommée Aurora’s Grid, dont le fondateur, Dimitri Torrregrossa, a mis au point une technique efficace à l’EPFL. Les batteries usées obtiennent une seconde chance, non pour des voitures, leur puissance étant trop faible, mais associées aux panneaux photovoltaïques, par exemple. Voir 24 Heures, 26 mai 2022.

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