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Informer, entendre et impliquer la population peut réduire les blocages de nombreux projets « ENERGY FRIENDLY »

Pour atteindre les objectifs définis dans la Stratégie énergétique 2050, nous devons notamment réduire notre consommation d’énergie et augmenter notre production d’énergies renouvelables. Cela implique par exemple de construire des parcs éoliens, d’installer des panneaux solaires, de transformer une partie de nos espaces dédiés à la mobilité individuelle en espaces pour la mobilité active, de densifier nos villes, de rénover nos bâtiments, etc. Mais l’expérience nous montre que toutes ces actions sont trop souvent freinées, et notamment par la population. Voici quelques pistes pour réduire certains de ces blocages.

Un grand potentiel bloqué

De nombreux projets développant l’énergie renouvelable ou permettant des économies d’énergie suscitent des inquiétudes et des réactions négatives de la part de la population impactée : nuisances sonores, visuelles et olfactives des projets, craintes pour sa santé, etc. Ces appréhensions sont parfois basées sur de fausses croyances. Mais elles doivent être entendues.

Potentiel d’énergies renouvelables – Selon les calculs de Suisse Eole, il serait possible de couvrir 20 % des besoins en électricité de la Suisse en hiver grâce à l’énergie éolienne. Mais aujourd’hui, près de quatre projets éoliens sur cinq sont bloqués devant les instances judiciaires, par les habitants ou les associations de protection du paysage. En 2019, la Suisse exploitait seulement 3,87% de son potentiel en matière de production de courant solaire sur les toits. Le potentiel du biogaz, quant à lui, n’est exploité qu’à environ 50% en Suisse. Ainsi, notre pays, qui est à la traîne par rapport à ses voisins en termes de production d’énergies renouvelables, peut faire beaucoup mieux !

Potentiel d’économies d’énergie – De nombreux projets permettant de réelles économies d’énergie sont eux aussi trop souvent freinés. Par exemple, mieux isoler notre bâti peut réduire de moitié nos besoins en énergie, mais de nombreux propriétaires d’immeubles craignent que leurs locataires se mobilisent contre les travaux de rénovation qui engendrent des nuisances ou se répercutent sur leur loyer, et renoncent donc à ces travaux d’assainissement. Autre exemple : 38% de l’énergie finale consommée est imputable au trafic. Mais les projets permettant de réduire l’espace dédié à la mobilité individuelle au profit de la mobilité active sont souvent bloqués par les défenseurs de la voiture. Enfin, densifier les lieux déjà bien desservis en transports publics, par exemple, permet de réelles économies d’énergie. Mais très souvent, les nouvelles constructions suscitent des blocages et des oppositions du voisinage.

Ainsi, pour permettre à ces projets énergétiquement favorables de se réaliser, il s’agit aujourd’hui notamment d’entendre les différentes craintes, d’y répondre, et de concevoir les projets avec tous les acteurs concernés, impliqués ou impactés.

Pour réduire les blocages : impliquer et concevoir ensemble

Identifier toutes les parties prenantes

Toujours plus d’acteurs publics et privés comprennent qu’ils ne peuvent plus concevoir leur projet seuls de leur côté et les présenter seulement en fin de course à la population. Parfois, des années de travail aboutissent à des oppositions, constituant ainsi des fronts solides. Et la confiance se rompt. Pour éviter ces situations, de nouvelles manières de faire se développent de plus en plus. Il s’agit d’impliquer le plus en amont possible toutes les parties prenantes : les usagers actuels et futurs liés au projet (habitants, commerçants, propriétaires, locataires, associations de quartier, riverains, acteurs socioculturels, etc.), les personnes qui subissent des dommages liés au projet, les associations professionnelles, associations expertes, etc. Un projet éolien, par exemple, impactera peut-être le paysage des habitants, ou suscitera la crainte de créer des nuisances sonores. La suppression des places de parc impactera peut-être sur la fréquentation des commerces. L’isolation de bâtiments engendrera peut-être une hausse du loyer et des nuisances de chantier. Bref, toutes les personnes concernées par un projet devront donc être identifiées.

Communiquer de façon cadrée et transparente

Encore aujourd’hui, les porteurs de projets craignent souvent de communiquer de façon transparente avec les différentes parties prenantes. Mais c’est un mauvais calcul.

Dans tous les projets, il y a trois catégories de réactions. Les personnes qui sont favorables au projet, les personnes indécises et les « Nein Sager ». Sans communication transparente, le risque est de faire des indécis des personnes facilement mobilisables contre le projet, par de mauvaises informations ou une mauvaise compréhension du projet. Impliquer la population le plus en amont possible permet de faire comprendre les apports du projet, son cadre, ses contraintes et ses marges de manœuvre. Cela permet également d’entendre les craintes que le projet suscite et d’y répondre dans un deuxième temps, en s’y préparant. Trop souvent, les séances de présentation en plénière sont contre-productives si les questions, interventions, revendications des opposants prennent toute la place et que les intervenants n’ont pas de réponses claires immédiates à donner. Certaines méthodes participatives aident à présenter des projets en plénière, et permettent de faire réagir les participants de façon cadrée, structurée, en petits groupes. Une fois que les craintes et demandes des participants ont été exprimées, les porteurs de projet peuvent y répondre, lors d’une deuxième rencontre, en s’y préparant. Toutes les demandes ne pourront obtenir des réponses favorables, mais toutes les demandes auront des réponses.

Autre ingrédient : aucun terme technique ou compliqué tout au long du processus, les ingénieurs et techniciens porteurs du projet doivent être accompagnés pour rendre leur présentation compréhensible par tous. Il faut sortir des présentations techniques, sur plan, mais aller sur le terrain, montrer les volumes, montrer d’autres exemples, et rendre les informations accessibles. Si la crainte identifiée des riverains d’un futur parc éolien est le bruit des éoliennes, pourquoi ne pas organiser avec eux une excursion sur un autre parc éolien pour qu’ils prennent conscience que, finalement le bruit n’est pas si gênant ? Si des commerçants d’une rue craignent que la piétonisation de la rue impacte sur la fréquentation de leur commerce, pourquoi ne pas aller visiter des bons exemples de rues commerçantes piétonnes et d’échanger avec ces commerçants ? Informer de façon vulgarisée et claire, permettre aux gens d’exprimer leurs craintes et leurs besoins de façon cadrée, y répondre de façon transparente, tenter de réduire ces craintes concrètement : voici quelques-uns des apports de la participation dans la mise en place des nombreux projets favorables aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables, aujourd’hui trop souvent bloqués pour de mauvaises raisons.

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Le Canton de Genève et ses Services industriels se sont fait accompagner par l’association française Vie to b pour réfléchir à intégrer les habitants dans des processus de rénovation des bâtiments, pour communiquer avec eux de façon transparente sur les futurs travaux et entendre leurs craintes. Le service s’appelle AMU « Assistance à maîtrise d’usages » et se base sur une étude « TEPI » (Transition Energétique du Parc Immobilier genevois) qui a montré qu’en effet, parmi les freins et obstacles des propriétaires d’immeubles, il y a l’anticipation de plaintes de la part des locataires qui les dissuade à s’engager.

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La Ville de Morges et Losinger Marazzi SA ont conçu le plan partiel d’affectation du futur quartier « Prairie Nord – Eglantine » avec les riverains et plusieurs associations professionnelles, dans le but de réduire les craintes de ces différents acteurs et de concevoir un projet qui leur convienne au mieux. Une des particularités de ce processus a notamment consisté à inviter toutes ces personnes sur le terrain, et les porteurs de projet ont marqué les volumes des futurs bâtiments, des généreux espaces publics, des traversées piétonnes que le projet allait offrir, etc. Cela a permis aux habitants de mieux comprendre ce qui allait se construire et de voir également les apports du projet. Des discussions ont ensuite suivi cette présentation sur le terrain et ont permis aux participants d’exprimer leurs craintes et leurs besoins. Au total, 150 personnes se sont impliquées dans cette réflexion.

Pour celles et ceux qui souhaitent apprendre à mettre en pratique cette nouvelle manière de concevoir des projets en participation : « Réussir un processus participatif ».

 

Hélène Monod

Rédactrice

Romande Energie

Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.

7 réponses à “Informer, entendre et impliquer la population peut réduire les blocages de nombreux projets « ENERGY FRIENDLY »

  1. L’un des problèmes en Suisse, c’est le “pas dans mon jardin”. Aussi, on entend pas mal d’échos concernant la non-durabilité des éoliennes – entre les socles en béton et les matériaux employés (composites, en général difficilement voire pas recyclable), ça refroidit pas mal, quand en plus c’est construit “à côté”, avec le bruit “woosh-woosh” incessant.

    Je me suis toujours demandé : qu’en est-il des éoliennes verticales ? On en a causé un temps, des tests ont été menés aux USA au moins, dans des “champs” permettant de profiter d’un effet de trainée pour augmenter l’efficacité – mais je ne crois pas avoir jamais vu une réelle application. Est-ce que ce type de modèle, plus bas, moins encombrant, pouvant même au final être installé en ville (en conjonction avec du photovoltaïque, pourquoi pas), ne serait pas une idée pour rassembler plus de consensus ?

    Il y a aussi la question du transport de l’énergie : quelles sont les pertes sur les lignes à haute et moyenne tension ?

    Pour finir : je ne comprends pas pourquoi on continue d’éclairer les vitrines des magasins fermés en pleine nuit. Ne serait-il pas temps d’arrêter cette pratique énergivore, et plutôt stocker la production nocturne pour la remettre en journée dans le réseau ? Après, oui, “stocker”, c’est une autre composante de la transition, comme un autre billet l’a fait remarquer, à propos du potentiel de l’hydrogène.

    Bref. La question “n’est pas vite répondue”, mais possède fort heureusement une multitude d’angles d’attaque pour la fractionner, et ainsi obtenir des problèmes plus simples à résoudre. Enfin, “simple”… On se comprend.

    1. Sur votre question des pertes. Regardez la dernière “Statistique suisse de l’électricité 2020”, publiée chaque année en juin par l’OFEN ! Le tableau 6b à la p. 11 donne les pertes globales cumulées sur tous les réseaux en Suisse, des centrales aux points de livraison et des centrales aux lignes de contact pour les trains : en 2020 elles ont été de 4’190 GWh, soit tout de même 7% de la consommation brute du pays qui a été de 59’904 GWh, la consommation nette finale du pays devenant dès lors 55’714 GWh. Ces pertes sont donc assez conséquentes. En comparaison, ces pertes sont supérieures à la production annuelle actuelle du photovoltaïque en Suisse qui était de 2’598,7 GWh en 2020, et même à celle de la centrale nucléaire de Mühleberg qui a été de 3 ‘085 GWh pour la dernière fois en 2019.

      Pour les éolienne verticales du type Darrieus (type d’éolienne breveté déjà en 1931 !), il y a eu un essai en Valais, au coude du Rhône dans les environs de Martigny, au début des années 90. On peut encore voir près de l’autoroute le prototype, actuellement érigé comme sculpture monumentale. L’essai avait été abandonné assez vite, car les sollicitations mécaniques sur l’éolienne étaient telles sur la base subissant tout son poids que le système se bloquait, les frictions ayant raison du support.

      1. Ouch. Je savais que les pertes n’étaient pas nulles, mais à ce point, ça fait mal.

        Par contre, pour les éoliennes verticales, c’est un peu décevant. Peut-être celle en test était trop grande ? Dans mon souvenir, Xenius (une émission sur Arte) avait montré un champ composé d’appareils de taille “moyenne”, et qui semblait plutôt bien fonctionner. Peut-être un projet à déterrer… ? De toutes façons, on ne pourra pas n’employer qu’une source, même aussi puissante que le soleil, vu la météo. Avec les 160kmh mesurés au Chasseral, y a de quoi charger quelques batteries :).

        Dans tous les cas, merci pour vos réponses!

        1. Non, le prototype d’éolienne Darrieus du Valais est très petit, à peine 20 m de haut. On la voit juste dépasser au coude du Rhône.
          Mais, pour l’éolien, il y a une limite supérieure de vent acceptable qui est assez basse. Quant aux vitesses de vent au Chasseral, détrompez-vous ! Avec des vents déjà bien avant 80 km/h (ou 22 m/s), on doit mettre en berne une éolienne pour qu’elle ne s’emballe pas et n’explose pas. Ne pas oublier que la puissance du vent varie comme le cube de sa vitesse. En effet la force centrifuge subie par une hélice tournant de plus en plus vite serait vite énorme : elle croît comme le carré de la vitesse de rotation. Autrefois, avant de mettre un bridage, on a vu des hélices se disloquer et les pales partir en l’air comme des épées en tournoyant pour aller se ficher en terre jusqu’à quelques centaines de mètres de la machine.

          1. Ah, oui, juste – comme les roues d’un skate qu’on fait tourner avec une perceuse (y a des vidéos sur Youtube, c’est assez impressionnant de voir le revêtement se faire la belle), ou encore un CD qu’on fait tourner à pleine vitesse. On va éviter. C’est un peu contradictoire, tout de même. Comme la foudre – une telle énergie qu’on est, à l’heure actuelle, incapable de la stocker sans faire griller l’entier du système (sauf, évidemment, dans Yoko Tsuno, mais bref).

    2. Bonjour Monsieur,

      Avant tout, merci pour l’intérêt porté à cette thématique.

      En addition aux réponses déjà fournies, vous trouverez quelques informations concernant la durabilité des éoliennes sur cette page. D’autres informations sont également disponibles sur le site de Suisse Eole.

      Meilleures salutations.

      1. Merci pour les liens – du coup, on dirait que le côté “non recyclable” est une fausse information qui circule. Reste le bloc en béton, mais au point où on en est…

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