GIEC

« It’s now or never »

Le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) aurait pu reprendre ces paroles d’Elvis pour résumer le contenu de leur 6e rapport paru en août dernier : politiques, milieu économique, société civile : nous devons tous enfin réagir, et vite.

Le corps humain peut supporter d’avoir de la fièvre. Mais au-delà de 42,7°C, la fièvre peut être mortelle. Ce ne sont que quelques degrés de plus par rapport à la normale, mais ils sont suffisants pour que le corps ne fonctionne plus. C’est ce qui se passe aujourd’hui pour notre planète, autre organisme vivant pour lequel quelques degrés supplémentaires peuvent eux-aussi être fatal (en tout cas pour l’humanité). Le GIEC nous prévient avec force : c’est un moment critique, le dernier moment pour agir.

« 0.5 degrés de plus, c’est pas si grave, non ? »

Qui n’a pas entendu cette blague estivale, quand, allongés sur nos chaises longues, et appréciant la chaleur estivale, quelqu’un dit : « Vive le réchauffement climatique, il prolonge nos étés ! » ? Pour nous autres, non climatologues, quand on entend parler de +1.5°C ou 2°C, on ne comprend pas réellement ce que ça veut dire : un été à 32°C plutôt qu’à 30°C ? Alors ça n’est pas si grave, au contraire. Voyons donc réellement ce qu’impliquent ces quelques degrés de plus et ce que les experts du climat projettent comme scénarios qui en découlent.

Ce 6e rapport confirme (malheureusement) les précédents constats

  • Le changement climatique est de plus en plus rapide et violent;
  • Cette hausse de température est de la responsabilité humaine;
  • Le système climatique global (atmosphère, océan, banquises et glaciers) évolue à un rythme sans précédent;
  • Le changement climatique touche désormais toutes les régions du monde;
  • En Suisse, la température a augmenté environ deux fois plus que la moyenne mondiale;
  • Les effets déjà observés du changement climatique sont une augmentation de la fréquence et de l’intensité des vagues de chaleur et des fortes précipitations ainsi, que de l’occurrence de périodes sèches dans certaines régions du monde;
  • Certaines conséquences du réchauffement de la planète sont déjà «irréversibles pour des siècles ou des millénaires», comme la fonte des glaces et la montée des eaux;
  • Et surtout : seules des actions radicales prises aujourd’hui peuvent permettre d’éviter les conséquences de ce demi-degré et de contenir la hausse à 1,5°C.

Des scénarios qui font « froid » dans le dos

Le GIEC a dessiné plusieurs scénarios illustrés dans le journal Le Monde qui nous montrent ce qui adviendra si on ne fait rien, ou pas assez. Il décrit l’évolution des températures à venir selon cinq différents scénarios socio-économiques. Le plus optimiste prévoit un réchauffement limité à 1,5°C, ce qui supposerait une diminution drastique des émissions mondiales, dès aujourd’hui et à un rythme très élevé. Sa probabilité économique, sociale et politique est faible. Le plus pessimiste envisage un réchauffement compris entre 3,3°C et 5,7°C, ce qui est plausible si, comme jusqu’à maintenant, seule la moitié des gouvernements révisent leurs engagements d’émissions de gaz à effet de serre. La précédente série d’engagements, pris lors de l’Accord de Paris de 2015, conduirait à un monde à +3°C, s’ils étaient respectés.

Mais que veulent dire ces quelques degrés de différence ? Par exemple, à partir d’une hausse de 1,5°C, les vagues de chaleur devraient se généraliser, mais avec 2°C de plus, des vagues de chaleur mortelles pourraient se produire chaque année. Avec un réchauffement de 3°C, la surface de terres dévastées par des incendies chaque année doublerait en Méditerranée et se multiplierait par six aux Etats-Unis, comme l’indique le journaliste et auteur américain David Wallace-Wells, dans son livre « La Terre inhabitable ». Et l’Europe du Sud connaîtrait une sécheresse permanente. 4°C, des zones entières d’Afrique, d’Australie et des Etats-Unis, ainsi qu’une partie de l’Amérique du Sud et de l’Asie deviendraient inhabitables à cause de la chaleur directe et de la désertification. Outre celle liée à la sécheresse, la hausse du réchauffement climatique pourrait accroître d’autres risques de mortalité : un réchauffement de 2°C à 3°C augmenterait de 5 % le nombre d’habitants exposés au paludisme, soit 150 millions de personnes supplémentaires, selon le GIEC. Alors oui, chaque degré de réchauffement de plus entraîne des conséquences extrêmes.

Réagir maintenant

Dans un résumé adressé aux décideurs, les experts expliquent néanmoins que tout n’est pas encore perdu. « La stabilisation du climat nécessitera des réductions fortes, rapides et soutenues des émissions de gaz à effet de serre et l’atteinte de zéro émission nette de CO2 », a déclaré le coprésident du Groupe de travail 1 du GIEC, Panmao Zhai. Mais ces actions doivent être immédiates, rapides et à grande échelle, sans quoi le seuil de 2°C sera lui aussi hors de portée. Même en cas de réduction drastique des émissions « les bénéfices sur la qualité de l’air seraient visibles rapidement », mais « cela prendrait au moins 20 à 30 ans pour voir les températures globales se stabiliser », détaille le GIEC.

La Conférences internationale sur le climat

La COP26 s’est achevée le 13 novembre dernier. Elle constitue la 26e Conférence des parties, organisée par l’Organisation des Nations unies pour le Climat et réunissant les pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Cette conférence a été dans l’ensemble jugée insuffisante, même si elle a permis quelques avancées. Parmi celles-ci, on peut noter que la réduction de l’utilisation du charbon et des combustibles fossiles a été pour la première fois mentionnée dans une déclaration finale. Il s’agit pourtant d’une version édulcorée puisqu’une déclaration pré-finale mentionnait l’abandon progressif des énergies fossiles. On peut également signaler que les nouvelles promesses des États (Nationally Determined Contributions, NDC) nous dirigent selon Climate Action Tracker vers une trajectoire à +2.4°C (si les engagements de 2030 sont respectés), alors que l’on parlait d’un monde à +2.7°C avec les engagements d’avant la COP26. C’est mieux, mais cela reste largement insuffisant. D’autant plus que les promesses ne suffisent pas et que les plans d’actions des États ne sont pas à la hauteur des engagements pris…

On ne pourra pourtant pas dire que l’on n’a pas été prévenus. Il faut réduire nos émissions et chaque tonne compte, car chaque tonne émise participe au réchauffement. À nous tous donc d’agir.

Et le GIEC, c’est qui ?

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est un organisme intergouvernemental et scientifique qui résume l’état actuel des connaissances sur le changement climatique et l’évalue d’un point de vue scientifique tous les six ans. Son sixième rapport est paru le 9 août 2021. Le GIEC s’appuie sur des publications reconnues et évaluées par des pairs. Il fournit aux responsables politiques des évaluations scientifiques périodiques concernant les changements climatiques, leurs incidences et les risques futurs et de leur présenter des stratégies d’adaptation et d’atténuation. Tous les pays Membres de l’OMM et de l’ONU peuvent participer aux travaux du Groupe d’experts, qui compte aujourd’hui 195 membres. Des milliers de scientifiques du monde entier contribuent aux travaux du GIEC sur une base volontaire et aucun d’eux n’est rémunéré par le Groupe d’experts.

Les trois principaux groupes de travail publient des rapports : celui dont parle cet article traite de la compréhension physique du système climatique et du changement climatique, le second portera sur les impacts, l’adaptation et la vulnérabilité des sociétés humaines et des écosystèmes au changement climatique, le troisième abordera les solutions globales à mettre en œuvre pour atténuer le changement climatique et ses effets (février – mars 2022). Ce premier rapport est le fruit d’un travail d’analyse de 14’000 publications scientifiques, par 234 auteurs et autrices de 65 pays.

Résumé du 6e rapport du GIEC pour les décideurs et les citoyens : https://comprendre-giec.fr

 

Hélène Monod

Rédactrice

Romande Energie

Energéticien de référence et premier fournisseur d'électricité en Suisse romande, Romande Energie propose de nombreuses solutions durables dans des domaines aussi variés que la distribution d’électricité, la production d’énergies renouvelables, les services énergétiques, l’efficience énergétique, ainsi que la mobilité électrique.

Une réponse à “« It’s now or never »

  1. Le problème du GIEC est qu’il ne sait presque rien sur les cycles océaniques et encore moins sur les nuages qui constituent la moitié de l’albédo , soit environ 50 watts/m2 . De petits changements sur ces valeurs pèsent autant sinon plus que les activités humaines actuellement estimées à 3.2 watts/m2 ( 2% de l’effet de serre naturel ) !
    En mettant tout changement sur le dos du CO2, il se trompe largement …

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