Berne : la coopération internationale reconnue comme indispensable à la sortie de crise

Dans une certaine discrétion, le Parlement fédéral a adopté au cours de la session d’automne qui vient de se terminer les 4 crédits-cadre de la stratégie de coopération internationale de la Suisse présentés par le Conseil fédéral en février. Une certaine discrétion ? Oui, car cette fois-ci pas de polémique, pas de mise en doute de la nécessité d’une politique étrangère solidaire, pas de piques contre la coopération et ses acteurs.

Dans un premier temps, le Conseil national avait certes adopté un amendement demandant au Conseil fédéral « pour fixer les contributions annuelles » de se fonder « sur le développement économique et sur la stratégie de réduction du déficit résultant des dettes dues au Covid-19 ». Puis il s’est rallié au Conseil des Etats qui n’en voulait pas et cette restriction n’a donc pas été retenue.

La part de la Suisse n’est pas encore conforme à ses engagements internationaux
La Suisse ne va toutefois toujours pas rejoindre les Etats industrialisés qui se conforment à la décision prise voici 50 ans par l’Assemblée générale des Nations unies de consacrer 0,7% de leur revenu national brut à l’aide publique au développement. Nous sommes actuellement à 0,46%. En effet, en juin, le conseil national avait rejeté par six voix de majorité une proposition de passer le crédit-cadre de 11,25 milliards à 15,41 milliards. Dommage! Mais la contribution de la coopération à la sortie de crise est actée et reconnue comme d’autant plus indispensable que les déséquilibres globaux s’accroissent, le Conseil fédéral la qualifiant d’investissement dans la liberté, la sécurité et la prospérité de la Suisse et du monde.

Le Covid a, cela a été abondamment constaté, fortement souligné les inégalités sur notre Planète. Mais aussi les disparités entre Etats quant à leur manière de réagir face à la pandémie. Ce premier semestre 2020 a clairement montré que seuls les Etats ayant maintenu un filet social fonctionnel et une pratique de fixer des conditions cadre à l’économie ont pu à la fois prendre des mesures incisives de protection et soutenir les activités économiques, culturelles et sociales souffrant des restrictions édictées. Ce n’est pas le cas de tous les pays industrialisés, on le sait ; la situation aux Etats-Unis l’illustre bien. Ce n’est, surtout, pas le cas de l’essentiel des pays du Sud.

Covid : le dilemme du Sud
Ces derniers sont devant le cruel dilemme de ne pas restreindre les activités économiques et d’exposer leurs populations au virus, ou de prendre des mesures de fermeture et de rejeter des centaines de millions de personnes dans la grande pauvreté. En réalité, malheureusement, ces deux effets se sont souvent conjugués. Car comment se laver les mains quand on n’a pas d’eau propre à disposition, ce qui est le cas pour plus de 600 millions d’humains ? Comment appliquer les gestes barrière dans les bidonvilles, cadre de vie de près d’un milliard de personnes ?

Selon l’ONU, 1,6 milliard de travailleurs (surtout des travailleuses) du secteur informel sont gravement impactés par les fermetures d’activités et, au 1er semestre 2020, 370 millions d’enfants ont été privés de repas scolaires,souvent les seuls de la journée. La faim progresse de nouveau, tout comme la pauvreté et l’exclusion. Quant aux équipements de santé, le Covid a souligné leur insuffisance : près de 2,5 milliards de personnes n’ont, selon l’OMS, pas accès aux soins de base. De tels chiffres ont visiblement refréné les tergiversations usuelles sur l’aide publique au développement.

<strong>La sortie de crise passe par la durabilité
Plus fondamentalement, la sortie de crise passe par davantage de résilience, au Nord comme au Sud : une relocalisation solidaire ; le développement de compétences, de produits et de marchés locaux ; la fin de la croyance que l’expansion continue du commerce mondial soit souhaitable (la mort annoncée du traité de libre-échange avec le Mercosur est ici emblématique) ; l’autonomie alimentaire et énergétique fondée sur l’agroécologie et les énergies renouvelables ; une gestion équitable et pérenne des ressources naturelles des pays…

Ce discours de sortie de crise par la durabilité marque aussi les priorités de la coopération. A vrai dire, il ne peut pas y avoir de coopération sans durabilité, ni de durabilité sans coopération… Raison de plus pour miser sur elle comme contribution précieuse à la stabilité du monde et au droit de chaque être humain à vivre dignement au pays.

Enfin dernier point, mais qui est de taille : la part du secteur privé. Le Conseil fédéral souhaite « exploiter davantage le potentiel du secteur » dans l’effort de coopération, mais on attend toujours le cadrage de la mise en œuvre de cette orientation. S’il s’agit que l’action du secteur privé et du secteur public convergent autour des 17 ODD des Nations unies, on aurait enfin réussi à tirer à la même corde et à assurer la cohérence longtemps postulée des actions dans le Sud global. Mais cette condition essentielle reste encore à confirmer.

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.

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