Votation fédérale du 23 septembre sur l’agro-alimentaire : une chance à saisir

Cela fait des années qu’une partie, que l’on suppose croissante, des consommatrices et consommateurs réclame une production agricole et une alimentation plus saines, davantage locales, diversifiées, à impact écologique et social positif. La liste des déceptions et des scandales alimentaires est longue, depuis le veau aux hormones, les lasagnes au cheval, les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre, et le massacre de la forêt tropicale (poumon du monde) par d’immenses cultures industrielles de palmiers à huile et de soja transgénique – pour alimenter le fast food mondial.

Voici une année, le peuple suisse adoptait à une large majorité – près de 80% – un ajout à la constitution fédérale, l’article 104 A. Il charge les autorités fédérales de créer les conditions pour «la préservation des bases de la production agricole, notamment des terres agricoles; une production de denrées alimentaires adaptée aux conditions locales et utilisant les ressources de manière efficiente; une agriculture et un secteur agroalimentaire répondant aux exigences du marché; des relations commerciales transfrontalières qui contribuent au développement durable de l’agriculture et du secteur agroalimentaire; une utilisation des denrées alimentaires qui préserve les ressources ».

A peine six semaines après ce plébiscite, le Conseil fédéral publiait son rapport sur «le développement à moyen terme de la politique agricole» qui allait exactement en sens contraire, suscitant à juste titre l’indignation des producteurs comme des consommateurs. Les citoyennes et les citoyens se sont sentis dupés et depuis, la méfiance est de mise.

Ce 23 septembre, nous avons l’occasion de confirmer notre choix d’il y a une année en complétant cet article 104 A par deux autres, numérotés 104 B et C, rédigés de manière bien plus précise et qui sera ainsi plus difficile à contourner et à ignorer. Quand on les lit dans le texte, et non dans les interprétations qu’en font leurs adversaires, on ne peut qu’être frappé par leur complémentarité et la clarté et le bon sens de ce qu’elles postulent.

Ainsi en les acceptant tous deux, nous inscririons dans la Constitution fédérale en particulier :

• Le renforcement d’une offre de denrées alimentaires de qualité, produites dans le respect de l’environnement, des ressources et des animaux, et de conditions de travail équitables.
• La soumission des importations à ces mêmes exigences, ce qui permettrait d’en finir avec une concurrence déloyale sur les marchés.
• La promotion d’une agriculture paysanne indigène, rémunératrices, aux structures diversifiées, et l’augmentation du nombre des actifs dans le secteur agricole.
• L’interdiction des OGM.
• Le droit des paysans à multiplier, échanger et commercialiser leurs semences.
• La préservation quantitative et qualitative des surfaces agricoles.
• La suppression des subventions à l’exportation de produits agricoles et de denrées alimentaires.
• La garantie d’une information et sensibilisation sur les conditions de production et de transformation des denrées alimentaires indigènes et importées.

Oui, tout cela fait sens, va dans le bon sens d’une alimentation de qualité! Tout au long de l’année, nous sommes nombreux à dire « Ras-le-bol de la malbouffe » et de l’artificialisation croissante des choses. Ce 23 septembre nous offre une occasion à ne pas manquer de tourner la page !

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.

2 réponses à “Votation fédérale du 23 septembre sur l’agro-alimentaire : une chance à saisir

  1. Le temps est en effet venu de ne plus tergiverser. La généralisation d’une agriculture écologique n’est plus du luxe mais une nécessité vitale pour la Terre comme pour l’humanité. La société civile, notamment sous l’impulsion de la jeunesse, se chargera de le faire clairement comprendre à certains politiques qui semblent encore incapables de saisir dans quel état se trouve notre monde. Le mouvement est lancé, notamment grâce aux réseaux sociaux. Rien ne pourra plus l’arrêter. Ce n’est pas une question de droite ou de gauche mais une question de vie ou de mort. En Suisse, le peuple a ce grand privilège de pouvoir se prononcer directement sur des enjeux majeurs. C’est le moment ou jamais d’en profiter!

  2. L’interdiction des OGM et de toutes les nouvelles techniques de la génétique moderne (qualifiées de « modifications non-naturelles du génome ») , bien camouflée au milieu d’un texte touffu vous satisfait pleinement et vous permet enfin de terminer avec succès un long combat politique de plus de 25 ans. Le seul problème est que vous voulez interdire tout un pan de la recherche agronomique et en même temps assurer la souveraineté alimentaire, c’est bien évidemment contradictoire. Les conclusions du PNR 59 allaient dans le sens contraire en proposant de laisser ouvertes toutes les voies possible pour l’amélioration des variétés végétales. Vous devriez savoir que dans le domaine de la sélection végétale nous avons atteint la limite des méthodes traditionnelles qui n’ont d’ailleurs rien de naturel (mutagenèse chimique, irradiations ionisantes, cultures “in vitro”, etc.). Comment allons nous développer les nouvelles variétés résistantes au maladies (qui nous permettraient de nous passer de pesticides) et adaptées aux changements climatiques ? Je suppose que comme beaucoup de vos amis politiques vous avez déjà la solution, c’est tout au moins ce que vous assumez avec une autorité impressionnante, mes collègues scientifiques et moi-même, sommes nettement moins catégoriques. Bon courage donc !

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