Sommes-nous capables d’être autre chose que des prédateurs de notre planète?

Source: Rapport planète vivante 2016

Il est troublant et déconcertant de constater à quel point les nouvelles de plus en plus précises et concrètes de la déstabilisation de nos conditions de vie sur Terre nous laissent indifférents. Il faut plus chaud chaque année. Les glaciers fondent à vue d’œil. Des pans entiers de la biodiversité qui nous porte s’effondrent. Mais nul mouvement de révolte, nulle insurrection des consciences. Certes des consommateurs, dont le nombre croît peu à peu, modifient leurs critères d’achat. Certes des citoyennes et des citoyens formulent des revendications. Mais pas plus que ça. La grande masse regarde ailleurs, vit son quotidien, le nez sur le guidon. Il fait chaud? Allons à la plage…To big to be understood ?

C’est ainsi que les récentes informations, qui ont fait l’espace d’un jour le tour des médias, sur un affaiblissement spectaculaire, dû aux activités humaines, de la biodiversité n’ont guère suscité d’écho particulier. Chasse et pêche abusives, morcellement, destruction et perturbation croissants des habitats de la flore et de la faune, pollutions chimiques se concentrant le long de la chaîne alimentaire en sont les principales causes.

Source: rapport planète vivante 2016

Les politiques de toutes couleurs continuent d’espérer une croissance forte des activités humaines, seul espoir pour eux, dans notre économie mal programmée, de pouvoir mener une politique tant soit peu sociale de redistribution. Mais ce modèle économique ne se fonde pas sur une gestion raisonnable et équitable des ressources naturelles et demeure désespérément linéaire et irréaliste: je prends dans la nature, je transforme, je consomme, je jette, et je considère comme illimitées les capacités de la nature à fournir des ressources et à digérer nos déchets. Naturalistes et économistes ne se parlent toujours pas, du moins pas assez pour infléchir ce modèle destructeur et court-termiste qui fait apparaître la sauvegarde de nos bases d’existence comme un coût et non comme un investissement ou une assurance-vie.Alors que passer de la prédation à la gestion créerait de nombreux emplois, serait une autre façon nettement plus responsable de relancer l’économie. Mais il faut avoir le courage et la lucidité de rompre avec les lobbies du passé.

On parle aujourd’hui, et heureusement, d’économie inclusive, il est temps d’inclure ce qui nous fait vivre – la nature – sans laquelle nous ne sommes rien, sans laquelle nous ne serions pas là.

Des chiffres incontestables

Tous les deux ans paraît le rapport Planète Vivante, une somme actualisée des connaissances sur l’état de la planète. La dernière édition est sortie en octobre 2016 et souligne que pour 14’152 populations représentatives de 3’706 espèces de mammifères, poissons, oiseaux, amphibiens et reptiles, les effectifs ont diminué de 58% depuis 1970. Dans notre pays pourtant réputé attentif aux enjeux environnementaux, seules un peu plus de la moitié des plantes et des animaux sont en sécurité, et certains milieux comme les zones humides à l’état naturel ou les prairies sèches ont quasiment disparu, selon un rapport de l’Office fédéral de l’environnement paru ce 19 juillet. L’article publié le 10 juillet par l’Académie des Sciences des Etats-Unis évoque la situation de 177 espèces de mammifères, et signale que plus de 40% d’entre elles ont vu leur aire de répartition diminuer d’au moins 80% entre 1900 et 2015. Or quand les espaces de vie ne sont plus garantis, les populations s’effondrent et une extinction massive d’espèces est très peu évitable. Or une espèce une fois disparue, sa combinaison génétique unique l’est à tout jamais.

Pas de place pour la passivité

Nous tous nous pouvons faire quelque chose. Interdire dès maintenant les substances chimiques biocides se répandant dans l’environnement. Ne plus acheter de produits issus de la destruction des forêts tropicales ou de la surpêche des océans. Le remplacement de la forêt primaire par d’immenses cultures industrielles de palmiers à huile ou de soja sert uniquement à notre mode d’alimentation malsain et destructeur : le fast-food est impensable sans huile de palme, la plus rentable, la plus productive des huiles et qui ne rancit pas, et l’élevage industriel de centaines de millions d’animaux ne serait pas possible sans nutriments tels le tourteau de soja. Le même qui est servi à nos vaches pour booster leur productivité (et qui fait du coup chuter le prix du lait).

Arrêtons cette folie, tout comme il nous faut arrêter la folie des déplacements incessants, des marchandises comme des humains, contraints (nos mouvements pendulaires de plus en plus longs) ou volontaires (pour nos loisirs quotidiens ou nos vacances). D’ailleurs finalement, les agglomérations du monde tendent à être toutes pareilles – alors que les périphéries se vident sous le coup de la concurrence déloyale mondiale. Oui nous avons tout à gagner à changer de cap. Mais comme le dit avec justesse l’auteure française de polars Fred Vargas dans une interview au Monde (9 juillet 2017) : «L’être humain ne réagit que quand il a de l’eau dans les narines, et il va y avoir beaucoup de morts. Par sécheresse. Par concassage de toute la chaîne écologique. Et par guerres. Pour l’eau, pour la nourriture».

Sommes-nous capables de considérer la préservation des fonctions de la nature non pas comme un luxe, un «nice to have», mais comme la base de tout vivre ensemble sur cette Terre, le socle de toute action publique ? En 2008, le HCR évoquait le chiffre de 250 millions de réfugiés climatiques en 2050, chiffre qui n’a pas été démenti depuis. La moitié de la population de l’Europe. Des bouleversements d’une ampleur inouïe, qu’il suffise de penser à la déstabilisation politique majeure de plusieurs Etats européens et aux réactions de repli qu’a suscité l’arrivée en 2015 de 500’000 réfugiés du Proche Orient sur notre continent. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas…

René Longet

Licencié en lettres à l’Université de Genève, René Longet a mené en parallèle d’importants engagements, dans le domaine des ONG et du monde institutionnel, pour le vivre-ensemble ainsi qu'un développement durable. Passionné d’histoire et de géographie, il s’interroge sur l’étrange trajectoire de cette Humanité qui, capable du meilleur comme du pire, n’arrive pas encore bien à imaginer son destin commun.

7 réponses à “Sommes-nous capables d’être autre chose que des prédateurs de notre planète?

  1. René,
    Malheureusement, malheureusement, l’humain – ou en tous cas la grande majorité – ne se sentent pas concernés, et encore moins prêts à réduire leur empreinte, à réduire leur mode de vie. Monsieur Sarkozy disait: travailler plus pour gagner plus, je dirais travailler moins pour vivre mieux …, mieux tous ensemble. C’est aussi accepter l’éloge de la lenteur, le moins mais mieux. Devenir végétarien, ralentir, penser local et plus global (voyages, alimentation, loisirs, etc.). La chanson “Plus rien” du groupe “Les Cowboys fringants” le résume bien …

    Je suis maintenant le dernier humain de la terre
    Au fond l’intelligence qu’on nous avait donnée
    N’aura été qu’un beau cadeau empoisonné

    Car il ne reste que quelques minutes à la vie
    Tout au plus quelques heures, je sens que je faiblis
    Je ne peux plus marcher, j’ai peine à respirer
    Adieu l’humanité… Adieu l’humanité…

  2. Vous avez raison, aucune place pour la passivité. Mais je constate que lorsque des citoyens tentent de limiter la pollution par des actions concrètes (en l’occurrence notre service de nettoyage, livraison et location de couches lavables), ni les politiques, ni les journalistes ne lèvent le petit doigt pour appuyer la démarche. Dommage que vos déclarations de bonnes intentions ne soient pas suivie d’actes seuls susceptibles d’emmener les consommateurs dans la bonne direction.

  3. Il faut partout introduire “la règle verte” contenue dans le programme “l’avenir en commun” du mouvement La France Insoumise. Elle consiste à ne pas prendre sur la nature plus que ce qu’elle est en mesure de reconstituer. En inscrivant tout cela, bien sûr, dans une économie fondée sur l’écologie ou, si on préfère, sur une économie au service de l’humain.

    1. Belle règle, le grand problème est de la faire appliquer au niveau de l’économie mondiale, et ça c’est impossible. Nos enfants vont donc souffrir des conséquences qui s’annoncent de plus en plus proches et inéluctables, puisqu’il est impossible de lutter contre les grands intérêts financiers habitués aux profits de la surexploitation minière, agricole, marine, et à un modèle d’économie toujours en expansion et donc prédateur pour une planète où l’homme déloge inéluctablement les autres espèces animales. Les quelques progrès dans le développement durable retarderont un peu l’échéance (type huile de palme durable après avoir détruit 90% des forêts pluviales, vive le marketing! ), mais la courbe est irréversible. Réchauffement climatique ou pas, peu importe. Nos enfants et espérons les enfants des mafiosi actuels seront obligés d’êtres plus sages, mais vivront dans un environnement dégradé où quelques-uns seulement auront accès au reste des splendeurs de notre planète.

  4. Evidemment ce problème peut paraître angoissant. Peut-être aurons nous bientôt des palmiers sous nos latitudes… et pas seulement à Nice ou à Lugano aux bords de l’eau.

    Mais c’est que les taches solaires changent avec le temps. Il y avait déjà eu un petit âge glaciaire sous Louis XIV, succédant à une période de fort réchauffement climatique la preuve en est que maintenant que le glacier du Rhône se rétracte on retrouve des mélèzes sous la glace, donc ce glacier a déjà connu des époques ou il était plus fondu que de nos jours.

    Les glaciers ca va ca vient, au cours des âges. Le climat se réchauffe puis se refroidit. Ainsi va la vie. Cela n’a que très marginalement à voir avec l’activité humaine.

    Pour moi, je vous l’ai déjà dit, je suis convaincu que le réchauffisme n’est rien d’autre qu’un complot des mondialistes pour servir de prétexte à la création d’un gouvermnement mondial dont personne ne veut, et qui d’ailleurs ne se fera pas car c’est impossible.

    En revanche il y a une menace beaucoup plus grave devant laquelle tout le monde fait la politique de l’autruche: c’est celle du remplacement des populations européennes par celles de l’Afrique et des populations chrétiennes par des populations musulmanes.

    Vos petits enfants, cher Monsieur Longet, je ne sais pas s’ils aurtont plus chaud que nous, mais il y a fort à craindre que s’ils professent des idées progressistes sécularistes comme les vôtres ils devront raser les murs et faire attention à ne pas se faire attraper par la police religieuse islamique.

    Et alors ils pourront remercier leur grand père le gauchiste écolo René Longet de s’être toujours opposé aux initiatives “xénophobes” de l’UDC et notamment à l’application de l’art. 121 a de la Constitution fédérale adopté par le peuple le 9 février 2014.

    Je sais bien que de tels propos vous insupportent. Vous avez tort, vous devriez penser aussi un peu à vos petits enfants, si vous en avez.

    1. Cher Monsieur Martin
      Je trouve faux et dommageable d’opposer des enjeux tels que le changement climatique et l’intégrisme. Libre à vous de penser que la responsabilité humaine dans le changement climatique est négligeable et que le climat va et vient, il n’en reste pas moins que cela va nous valoir des perturbations majeures qu’il faudra bien gérer. Je vous laisse réfléchir à comment vous voyez cette gestion, j’ai mon avis là-dessus et le vôtre (donc sans coopération internationale si j’ai bien compris) me semble singulièrement naïf. Ceci dit je suis totalement opposé aux intégrismes de toute obédience, qui sont des trahisons de la vraie spiritualité, qu’il s’agisse d’intégristes chrétiens (aujourd’hui, grâce à la laïcité, nous ne risquons pas grand chose mais durant des siècles combien de sang versé…), bouddhistes, hindouistes, juifs ou musulmans. Il est clair et cela ne saurait être occulté qu’actuellement c’est avant tout l’islam, religion très répandue dans le monde, qui est travaillé au corps par les intégristes, et que les musulmans modérés ne font pas assez entendre leur voix. Nous avons en effet à exiger le respect des droits humains à tous les niveaux et devons rappeler toutes les religions et en l’occurrence spécialement l’islam à s’insérer dans ce cadre universel de l’humanité. Pour moi qu’il s’agisse du changement climatique ou de l’intégrisme c’est à chaque fois le vivre ensemble qui est mis en question et une réponse concertée internationalement, sur la base de valeurs universellement agréées comme la Déclaration des droits de l’homme qui nous permettront de dégager une pression suffisante pour que ces valeurs l’emportent. C’est en effet ainsi que nous pouvons préserver les droits et la qualité de vie des générations futures.

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